26 mars 2006

HoMo XeRoX ou comment faire preuve de courage dans ce monde de brutes

A C.C. : Homo XeroX!

Convié par Chloé Chevalier, chef de chœur de son état et grande amie, à l’opéra de Tours, c’est sans a-priori que j’ai abordé cette soirée. Bon, j’avoue, étant invité à un programme contemporain, je m’attendais à quelque chose d’assez conceptuel ! Du reste, nous avons été servi…
Le thème du (de la/de cette) spectacle/performance/foutage de gueule/merde (rayer les mentions inutiles) n’importe pas ici. Pseudo mise en abîme d’extraits de Nietzsche couplée à une chorégraphie venue d’ailleurs, une musique à laquelle on ne peut se raccrocher et des chants inharmonieux, cette « chose » ne tire d’elle même qu’un seul intérêt (en sus du fait qu’on peut jeter des regards complices et amusés à sa voisine de gauche) : celui d’éprouver une vertu quelque peu désacralisée de nos jours, le COURAGE. Pour ceux du fond qui se demandaient encore à quoi servait l’art contemporain, voici un élément de réponse.

De là, deux façons de se montrer courageux :

La première, jouissant d’un petit succès dans les parterres (je n’ai pas pu observer ce qui se passait dans les balcons mais je suppose que les réactions sont assez équitablement réparties), est de partir au beau milieu de la représentation dans un plus ou moins grand fracas ; les mieux placés pour ce genre d’action étant ceux placés en plein centre de la rangée. Le tout étant de se décider à s’en aller dans un moment relativement calme dans le spectacle, se lever assez rapidement pour que le fauteuil se referme avec fracas et dans un mouvement ample, remettre son manteau , prendre son parapluie (les nuits tourangelles sont arrosées ces temps-ci) et d’affronter simultanément tous ses voisins pour qu’ils vous laissent évacuer. Du reste, il ne vous reste plus qu’à passer la porte de la salle que vous aurez soin de claquer subtilement. Vous aurez ainsi éprouvé votre courage pendant les quelques minutes qui auront suffi à exécuter votre plan de fuite.

Plus éprouvante pour votre vertu, la seconde méthode n’a pour seule difficulté physique que de rester assis sur son fauteuil pendant les quelques deux heures et des poussières de représentation. Poussés par l’impératif de l’article à écrire sur le-dit spectacle par ma comparse, nous avons opté pour cette solution. Ayant décroché de l’intrigue (euh, il y en avait une ?) au bout de vingt minutes, j’ai pu alternativement me pencher sur mon chèche fraîchement acheté, me gausser avec ma voisine, observer les représentants du premier groupe quitter la salle, regarder d’un œil les inepties contemporaines perpétuées sur scène… Mais, malgré ce large éventail de choses pouvant m’occuper, il a fallu supporter la musique lancinante, les décors et les effets de lumières psychédéliques, les chants, dialogues et autres pollutions sonores… et ceci pendant plus de deux heures ! Il faut donc pouvoir démontrer un courage important pour surmonter ces épreuves et l’ennui inhérent à ce genre de prestations. Du reste, il faut en sus se jouer des regards assassins de la femme assise juste devant nous. Cette même dame nous a même gratifié à la fin de la représentation d’une remarque acide :
>LA DAME : (acide) Vous auriez pu avoir la décence de partir.
>CHLOE : Nous aurions bien voulu mais j’ai un article à écrire et je devais rester jusqu’à la fin !
>LA DAME : (à la limite de la révolte) Eh bien vous auriez pu au moins vous taire. (se retourne)
>CHLOE : Eh pourtant, nous avons essayé !
Il faut croire que le courage est bien peu valorisé dans nos salles de spectacle...

Enfin, toute cette merde contemporaine s’est quand même achevée par de grands applaudissements couplés à des « BRAVO » répétés et sortis d’on sait quelle bouche ignare.

Les gens sont bêtes…

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Je ne pensais pas, cher ami, qu'une soirée à l'Opéra avec Chloé, parangon de femme cultivée, pouvait prendre une telle tournure. Si du moins la représentation était, selon toute vraisemblance puisque je vous considère comme des gens ayant du goût, des plus minables je me permet à ta suite de relever ses vertus cachée : développer chez le spectateur une notion perdue et pourtant forte utile en ces temps de crise (n'est-ce pas ce qui nous manque aux Tanneurs...), je veux parler du courage et un sentiment surlequel je ne cesse de m'interroger, la pitié envers ses semblables. A ce stade de snobisme, de pensée politiquement correcte partagée aussi bien par la "poule" acide que par le bloqueur "sudiste" que ressentir d'autre ! Il ne nous reste plus qu'à nourrir toute forme d'espérance. Je laisse ici chacun libre de prendre le chemin qu'il veut. Pour ma part j'ai choisi : je règle mes pas sur les pas de mon Père.
Pax.

Anonyme a dit…

Hé hé hé... les joies du contemporain conceptuel. Voyez le conceptuel c'est plus facile

ne
qu'on

croit Vous Ne cro
yez PAS ?

Anonyme a dit…

pour commentaire je dresse mon article à la fois consensuel et intellectuellement le plus honnête possible, article qui est un commentaire pour Ulrich mais aussi évidemment pour Agatha qui aurait su prendre une part certaine à notre déroute... vous embrassant tous les deux je vous souhaite bonne lecture!
Clarissa

En quête de sens : Nietzsche à l’œuvre

C’est cette fois-ci un bien surprenant spectacle que nous proposait le Grand Théâtre de Tours, sortant des sentiers battus et révolutionnant la scène d’un art nouveau. Homo Xerox, tel est le titre déjà bien énigmatique du « Théâtre musical » en onze tableaux de Claude Lenners qui était en outre l’occasion pour l’Opéra de Tours d’une collaboration avec le Plessis, Théâtre. A la suite de Flaubert ironisant sur son héros née à Sens, chacun pût se demander : « quel est le sens de tout cela ?». Déchiffrage en quelques mots de cette représentation qui se donnait à voir comme une quête initiatique tant le spectateur pouvait être égaré ou pour le moins perplexe.

Homo Xerox se veut avant tout une immersion dans le monde de l’art, un monde en question, un monde en expérimentation comme en témoignait le décor de la scène qui pouvait parfois faire penser à un laboratoire scientifique. José Manuel Lopez, directeur du Plessis, Théâtre était lui-même chargé de la mise en scène et de la scénographie. En cohérence avec le texte, déclamé et joué par deux acteurs, Michael Londsale, le Maître et NN, son assistant, les décors convoquaient différents arts. En fond de scène, trois écrans où étaient projetées des vidéos, de part et d’autre des fils tendus et colorés, une ambiance sombre, étrange, peut-être inquiétante. Sur scène, des instruments de musique et un chef d’orchestre faisaient écho aux musiciens de l’orchestre symphonique de Tours dirigé par Jacques Péri, aux prises avec une partition atypique. La musique, pour la plupart du temps dissonante, n’en était pas moins puissante, sporadiquement rehaussée par la force des cuivres. Le chant chaotique et intempestif des Chœurs de l’opéra de Tours, rythmait cette destruction volontaire de l’harmonie musicale habituelle. Tout pour dérouter le spectateur, cela dès le commencement en l’immergeant, sans transition, au sein même de l’œuvre d’art, de cette œuvre qui n’est autre qu’un questionnement sur l’art. José Manuel Lopez, avec force d’effets et de surcharges de sens dans les décors, s’est attaché à donner vie au livret de Claude Lenners fait d’après une œuvre qui en elle-même justifie de tels détours : Le Gai Savoir de Nietzsche. S’il est des plus difficile de résumer le propos complexe de l’œuvre ou même de l’identifier à quoi que ce soit de connu ou de déjà vu, on peut cependant penser à la conception du monde baroque. Rapprochement incongru me direz-vous ? Peut-être pas tant que cela. Homo Xerox se rapproche incontestablement du concept d’ « œuvre total ». Ce spectacle se réclame de tous les arts, mêlant au théâtre les airs de la mezzo-soprano, Nicole Boucher, ou les performances détournée du flûtiste, Patrick Desreumaux, du pianiste, Renaud Arbion et du violoniste, Jean-Pierre Sabouret, qui sur scène exemplifiaient les propos de nos deux maîtres du jeu. Vidéos, jeux de lumières (Alberto Cano), jeux de scènes, danse, musique électroacoustique, costumes conceptuels nous déplaçant hors de l’ordre du temps (Marylène Richard), tout y était pour que le spectacle soit total, pour qu’il absorbe le spectateur apte à se délier des premières résistances, dans un monde d’idées, de réflexions où tout semble possible. Ce désir de totalité rejoint donc celui des auteurs baroques qui n’avaient d’autres vues que de mettre sur scène le monde dans son intégralité. Claude Lenners, par le moyen de Nietzsche, aborde tout et sous toutes les formes : « la manipulation, les rapports maître et esclave, le sens du progrès, les limites éthiques de la recherche scientifique, le pouvoir des sectes, le fanatisme et la religion, le sens de l’art, la difficulté d’aimer… », comme en témoigne cette énumération de José Manuel Lopez. Pour autant, et malgré la multiplication des expressions, Homo Xerox demeure une œuvre opaque, difficile à pénétrer et à suivre. Tout y est déroutant et l’on cherche en vain un fil d’Ariane auquel se raccrocher. Certes, nous percevons, nous touchons du doigt la portée universelle du message, nous devinons la philosophie qui se cache sous ces douces folies, mais il semble bien difficile de parvenir à l’essence, au noyau, à la substantifique mœlle. Nombre des spectateurs qui quittèrent la salle au fur et à mesure de la représentation, n’avaient sûrement pas la patience de demeurer dans cette pénombre du sens dont on ne voit la fin. Et si toutefois les applaudissements finaux furent enthousiastes, il est toujours à regretter qu’une œuvre puisse demeurer pour le plus grand nombre des esprits curieux et vifs, une énigme sans contours. Est-ce à dire que l’œuvre ferait preuve d’un certain snobisme intellectuel ? Ou est-ce à dire que la vision contemporaine de l’art tend à se montrer si outrancière qu’elle se mord la queue ? Si l’on peut admirer le travail mis en œuvre, féliciter les performances des artistes mis en scène dans des postures qui relèvent de l’exercice de style, si l’on peut encore applaudir l’excellence du violoniste dont l’étrangeté de la partition n’aura fait que révéler le brio, on peut légitimement rester perplexe quant au présupposé exposé par cette œuvre : l’art doit-il être une affaire d’initiés, voire même le privilège d’une très réduite société secrète ?

Anonyme a dit…

Un article à la hauteur comme d'habitude ! Merci.

Anonyme a dit…

Quel art de la mesure. Tu n'es pas loin de la sagesse ma belle enfant.

Anonyme a dit…

Quele grossiertée et quel inrespect des voisins!