20 septembre 2007

Rions un peu avec Balzac


"Elle parlait souvent de cette déplorable affaire, en se plaignant de son trop de confiance, quoiqu'elle fût plus méfiance que ne l'est une chatte; mais elle ressemblait à beaucoup de personnes qui se défient de leurs proches, et se livrent au premier venu. Fait moral, bizarre, mais vrai, dont la racine est facile à trouver dans le coeur humain. Peut-être certaines gens n'ont -ils plus rien à gagner auprès des personnes avec lesquelles ils vivent; après leur avoir montré le vide de leur âme, ils se sentent secrètement jugés par elles avec une sévérité méritée; mais, éprouvant un invincible besoin de flatteries qui leur manquent, ou dévorés par l'envie de paraître posséder des qualités qu'ils n'ont pas, ils espèrent surprendre l'estime ou le coeur de ceux qui leur sont étrangers, au risque d'en déchoir un jour. Enfin il est des individus nés mercenaires qui ne font aucun bien à leurs amis ou à leurs proches, parce qu'ils le doivent; tandis qu'en rendant service à des inconnus, ils en recueillent un gain d'amour-propre: plus le cercle de leurs affections est près d'eux, moins ils aiment; plus il s'étend, plus serviables ils sont. Maman Vauquer tenait sans doute de ces deux natures, essentiellement taquines, fausses, exécrables"
Balzac, Le père Goriot, p. 46-47 de l'édition Folio.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci, chère Elise, de cet edifiant passage. Je me sent de cette race la quelque fois et c'est pour cela que j'ai moi meme vecu la parabole du fils prodigue en quelque sorte, je connais bien, donc, ce probleme evoqué dans ces lumineuses lignes.
Apres avoir decouvert cette tendence en moi, je me suis decouvert plein d'indulgeance envers mes proches mais pour autant je me pose la question des origines d'un tel comportement. Alors, on l'excuse la maman Vauquer?

Bien a toi

Alex

Sémiramis a dit…

Cher Alexis,

Je te reconnais bien là... Mais rassure toi je pense que ce passage concerne un peu tout le monde et on l'utilisera à bon gré pour faire son examen de conscience matinal ou vespéral.

Oui, on l'excuse, mieux; on la pardonne, enfin Dieu s'en chargera très bien!

Merci de ton petit mot!