25 avril 2007

Petit miracle

En ce moment, je suis toute exaltée à l'idée d'aller bientôt écouter Alexandre Tharaud en concert. Alors, j'écoute jour et nuit son disque des Valses de Chopin (Harmonia Mundi). Je l'ai tellement écouté et réécouté que je peux le chanter par coeur...
J'ai l'impression d'entendre le bruit doux et tendre des fleurs de cerisier qui volent et tombent sur la pelouse.

Et ce matin, miracle incroyable. En traversant comme tous les jours le Centre Commercial qui sépare mon arrêt de bus de mon agence, dès les premiers pas sur le dallage brillant et glissant, dès l'entrée dans cette sphère de lumière artificielle, de couleurs en concurrence plutôt qu'en harmonie... Quelque chose cloche, quelque chose n'est pas habituel, quelque chose de si léger, de si divin... Je retiens mon souffle...
Je reconnais avec certitude la main virtuose de Tharaud qui joue, encore et encore, les Valses de Chopin tant aimées...

23 avril 2007

Holy and Funny... Ste Rita, une amie qui vous veut du bien


Ste Rita: la star des églises de la Côte d'Azur

La Côte d'Azur, c'est un peu le pays de la décadence du bon goût.
Les stars défilent sur les tapis rouges, les magasins de luxe sont alignés sur la Croisette. Les vieilles sont blondes et oublient régulièrement qu'un maillot de bain comporte deux éléments, un pour le haut, un pour le bas. Les yeux se cachent derrière des lunettes dont on ne sait si elles ont une autre vocation que celle d'afficher un énorme sigle, en général doré, aux yeux de tous. Sacs Fendi, Dior, Dolce Gabbana, et l'inévitable (et atroce) monogramme Vuitton: rien que du chic version panthère et bling bling, un peu comme dans un clip de rappeur américain, sauf que les filles ne sont pas toutes canon dans une piscine. Magnifique, quoi. Les rues scintillent de "DG", "LV", "CC" chatoyant, véritable hymne au mauvais goût assumé.
Impossible de faire l'impasse sur la manucure, de préférence ongle américain, et plus il y a de trucs qui brillent sur les faux ongles, plus c'est mieux. Sur le plan capillaire, vive la sophistication beauf au féminin: mèches décolorées, cheveux crêpés, tirés, brushés, bref.
Un hymne à l'éternel féminin, au glamour toujours, à la semelle compensée et au bronzage carotte.

Pauvre enfant, perdue sur la Croisette, toi dont le cheveu est plat et terne, toi qui as négligé ta french, toi qui n'as pas encore osé transgresser les canons classiques du beau pour porter un legging, toi qui n'as pas envie d'investir 800 euros dans un sac à mains moche!
Heureusement, la femme timide, la femme effacée, la femme pudique et oserais-je dire prude (Càd, celle qui évite le monokini string), trouvera dans ce monde impitoyable un soutien et une amie.
Ah ste Rita, patronne des causes désespérées, dites nous quelle est la cause la plus désespérée! Avoir un budget manucure supérieur au PNB du Mali, ou porter encore son top Promod d'il y a 5 ans? Avoir un caniche assorti à son sac à main, ou s'imaginer qu'on peut nous trouver belle avec 5 kilos en trop? Ranger son Ipod dans un étui siglé Chanel, ou se ronger les ongles?

Ste Rita, c'est une petite maline. Elle n'a pas vraiment brillé dans sa vie, ni des ongles, ni du brushing, ni des lunettes. Mais en fin de compte, elle a le droit aux marbres, aux ors, et aux chérubins qui vollettent tendrement autour de sa petite figure même pas maquillée.

Ah Ste Rita,
vous qui souffrîtes avec patience de la brutalité masculine,
aidez nous à assumer notre féminité!

Holy and Funny... MAMAC, les collections permanentes: suite



22 avril 2007

Mon village dans l'isoloir

1308 inscrits, 1136 votants (soit 86, 8%), 1117 suffrages exprimés (soit 98, 3%).
Bezancenot 28 voix soit 2,5%
Buffet 19 voix soit 1,7%
Schivardi 2 voix soit 0,0% (Mention spéciale!)
Bayrou 192 voix soit 17,2%
Bové 11 voix soit 1,0%
Voynet 25 voix soit 2,2%
Villiers 36 voix soit 3,2%
Royal 235 voix soit 21%
Nihous 18 voix soit 1,6%
Le Pen 138 voix soit 12,4%
Laguillier 23 voix soit 2,1%
Sarkozy 390 voix soit 34,9%

Holy and Funny... Matin du 8ème jour



"Et de grand matin,
le premier jour de la semaine,
elles vont à la tombe,
le soleil s'étant levé"
Marc 16, 1


"Ressuscité le matin, le premier jour de la semaine, il apparut [...]"
Marc 16, 9

21 avril 2007

Holy and Funny... MAMAC, les collections permanentes

Salle Nouveau Réalisme: Accumulation d'ailes de Dauphine par Arman, Raymond Hains (droite).

De cette petite phrase de Ben, artiste bien fameux de l'Ecole de Nice [1] peuvent découler bien des considérations sur le fait même du musée. Peut-être est-ce revenir sur des banalités que de souligner combien mettre à part l'objet que l'on considère comme oeuvre d'art, dans un lieu spécifique dont l'accès est réglementé, n'est pas un acte anodin. Un acte déterminant une séparation de la culture d'avec la nature... Extraite du cours normal du temps, l'oeuvre d'art accède grâce au musée à une dimension artificielle de la vie, comme suspendue entre une usure qu'on lui refuse et une éternité qu'elle ne peut par essence pas posséder. Dans le temps comme dans l'espace, le musée est un lieu d'artifice, de refus du mouvement de génération et de corruption à l'oeuvre dans la nature...
Visiter un musée n'est donc pas une expérience si simple que cela. Il faut accepter de se heurter à une sphère spatio-temporelle déroutante, un univers silencieux, ou l'on refuse de vous parler des oeuvres qui résonnent étrangement, ou bien qui ne résonnent pas du tout. Il faut refouler les complexes que vous donnent forcément un lieu où tout se montre mais rien ne s'explique. Il faut s'extraire du quotidien...

Salle Ecole de Nice: La Cambra de Ben Vautier
"Comment savoir si c'est de l'art ou pas?": finalement, n'est-ce pas là le questionnement qui traverse inlassablement l'art depuis le XIXème? Celui de l'explosion de cette temporalité figée de l'art, glaciale et sacralisée. De la limite à définir à l'art. La "Cambra" de Ben en rend compte avec humour, mini musée rigolo synthétisant peut-être, d'une certaine façon, le parcours que proposent les collections permanentes du MAMAC. L'oeuvre n'est pas sans référence au Merzbau de Kurt Schwitters, soulignant l'influence, à mon sens énorme, du mouvement Dada sur la suite des recherches formelles et plastiques en Europe.
Le MAMAC offre un vaste panorama de cette gigantesque expérimentation sur les limites de l'art, l'explosion des cadres, des techniques, des couleurs, des matériaux, du concept même de musée, qu'ont recherchée la plupart des grand artistes du XXème siècle. Qu'est-ce que l'art finalement, sinon ce que l'on désigne comme tel selon d'arbitraires critères? Et si, à la fin, il n'y avait plus aucun critères?



"Parfois je suis pessimiste et je pense :

- la culture c’est pour impressionner les pauvres

- la culture n’est qu’une histoire de tour operator pour vous faire acheter des cartes postales

- la culture sert à avoir l’air intelligent quand on passe à la télé

- la culture sert de prétexte à envahir les autres peuples (pour leur apporter la culture)

- la culture vous élève au rang d’oies que l’on gave de culture

- la culture c’est l’ethnocentrisme des peuples qui croient avoir le monopole du beau et du vrai

- la culture sert de miroir au pouvoir narcissique dominant

- la culture c’est le cadeau bonux de la société de consommation

- la culture permet d’avoir bonne conscience et justifie l’impérialisme

- la culture est un exercice d’égoïstes jaloux les uns des autres

- la culture doit vous faire croire que l’artiste est un être supérieur

- la culture c’est la boursouflure qui accompagne le bruit des bottes

- la culture culpabilise (dans un musée vous faites silence, pas dans un bar)

Parfois je suis optimiste et je pense :

- l’art nous apporte ce qui nous manquait

- l’art est un cri de vérité

- l’art c’est la découverte de l’autre

- l’art est une rencontre inoubliable l’art nous prend à la gorge

l’art nous fait rire aux larmes

l’art rend à chacun ses racines

Mais si, comme Duchamp l’a dit, « c’est le regardeur qui fait le tableau » la balle est dans votre camp

A vous de jouer"



Faire exploser les cadres: Support/Surfaces
Le groupe Support/Surface regroupa dans les années 70 des artistes qui cherchaient à se distinguer de la conception traditionnelle de la peinture. "La peinture en question": voici le nom de l'exposition qui réunit en 1969 Viallat et d'autres artistes moins célèbres. La prédominance alors du Pop art ne rompait pour ainsi dire pas avec l'enjeu figuratif, narratif, de la peinture. La démarche des artistes du groupe s'axe vers une recherche d'impersonnalité et de neutralité se distinguant également de l'abstraction lyrique qui avait dominé très largement les années 50.

Claude Viallat
L'acte esthétique tend vers une ascèse très rigoureuse: s'astreindre à utiliser un motif répétitif, par effet de pochoir, tampon... sur des toiles sans châssis. Rien ne doit retenir l'attention de l'esprit, qu'un effet formel et coloré, une rencontre directe avec la peinture en tant que telle, et non plus en tant que vecteur d'une histoire, d'un message, ni même d'un sentiment ou d'une sensation...
Questionner le concept d'objet
Depuis l'urinoir exposé par Marcel Duchamp se pose la question de l'entrée au musée des objets du quotidien. La simple installation par un artiste (facétieux) d'un objet usuel dans ce lieu sacré, le musée, valide-t-elle son statut d'oeuvre? Le Nouveau Réalisme se constitue dans les années soixantes autour de cette "prise de conscience" de leur singularité commune: "nouvelles approches perceptives du réel". Il y aurait énormément de choses à dire sur ce mouvement foisonnant et passionnant, théorisé par le critique Restany.
L'objet usuel, industriel, le rebut, le déchet, la vieillerie, tous s'imposent dans l'art. Bientôt ce seront les matières périssables qui s'exposeront, bouleversant les canons de la durée de l'oeuvre (avec l'arte povera notamment, l'oeuvre de Beuys).
Les cadres explosent, les objets envahissent les surfaces et se les approprient, comme ils envahissent progressivement une société que Baudrillard théorise alors comme "société de consommation"...
Dans la lignée du Pop art ont lieu les premières performances. Ce n'est plus tant l'oeuvre qui compte sinon l'acte créateur, le moment de la création, et le corps créatif de l'artiste qui envahit l'espace de l'oeuvre, pour aboutir aux tendances ultra corporelles de l'art contemporain.
Accumulations d'Arman, Cuivres et Oiseaux
J'aime particulièrement ces cuivres dont l'assemblage évoque à lui seul la fanfare...
Yves Klein, l'admirable
Au sein du groupe des Nouveaux Réalistes, Yves Klein occupe une place particulère. Le MAMAC fait la part belle à l'enfant prodige de la ville de Nice avec une salle et une chronologie très détaillée, qui permet d'entrer réellement dans la démarche de cet artiste surdoué, stupéfiant d'intelligence et de bizarrerie.
Champion de judo, Yves Klein est issu d'une famille d'artistes. Sa démarche est influencée par la mystique rosi-crucienne à laquelle il adhère dans sa jeunesse, avant de rompre ensuite, et par la lecture de Bachelard, philosophe des éléments. Il peint ses premiers monochromes à la fin des années cinquante, après avoir mis au point son fameux IKB "International Klein Blue". Les oeuvres décorent les murs de la salle d'entraînement de son école de judo parisienne. On lui déclare alors que ces tableaux sont inprésentables: "rajoutez y un point, au moins"...


"Le premier homme dans l'espace" titre le journal du dimanche au dessus d'une photo de Klein se lançant dans le vide, depuis un mur dans une rue tranquille de la banlieue parisienne! En fait, cette performance résume ce qui intéresse Klein: la dialectique espace/corps, qu'il interroge à travers un rapport à l'espace du tableau totalement nouveau, puisqu'il passe par la couleur. Ce n'est plus effectivement le motif ou le cadre qui créent l'espace de l'oeuvre, mais bien la couleur en elle-même, à travers l'intensité magnétique d'un bleu très chargé en pigment, d'un rose ou de l'or pur. Après les monochromes, tout devient bleu chez Klein, éponges, lumière, bustes... Le bleu permet d'entrer dans une forme d'immatérialité de la matière qui absorbe le regard et apaise l'âme.

Très rapidement, Klein est amené à subvertir de façon radicale la notion de l'outil du peintre: ce sont les anthropométries, performances incroyables ou le corps de jeunes femmes (consentantes) badigeonné de bleu devient l'instrument, le motif et le sujet de l'oeuvre. Le peintre prend alors la position du grand architecte qui préside à la création...
La quête de l'harmoie céleste est sûrement ce qui peut le mieux définir l'oeuvre de Klein. Aux monochromes répond la "Symphonie Monoton", accord en ré suivi de 20 minutes de silence. Je repense à cette fameuse discussion des Faux Monnayeurs sur "l'accord parfait"...
A suivre...



16 avril 2007

Holy and Funny... Calder à Nice

Le Martinet

Martinet aux ailes trop larges, qui vire et crie sa joie autour de la maison. Tel est le coeur.

Il déssèche le tonnerre il sème dans le ciel serein. S'il touche au sol, il se déchire.

Sa repartie est l'hirondelle. Il déteste la familière. Que vaut dentelle de la tour?

Sa pause est au creux le plus sombre. Nul n'est plus à l'étroit que lui.



L'été de la longe clarté, il filera dans les ténèbres, par les persiennes de minuit.
Il n'est pas d'yeux npour le tenir. Il crie, c'est toute sa présence. Un mince fusil va l'abattre. Tel est le coeur.



René Char, la Fontaine narrative, 1947 in Fureur et Mystère

Holy and Funny days: une visite au MAMAC

"Something is always happening"
"Même quand il ne se passe rien, il se passe toujours quelque chose"
John Cage


Le MAMAC, Musée d'Art Moderne et d'Art Contemporain de la ville de Nice, avec son nom rigolo, est pour moi un lieu de pèlerinage. Outre la variété des oeuvres très représentative des courants du XXème siècle, leur qualité, je reste fan du lieu en lui-même. Un musée bien conçu, où l'on ne se perd pas, ou l'on évolue de façon circulaire avec de belles ouvertures sur la ville de Nice, entre vieux coeur de la cité et quartiers art déco... Ce musée a été pensé au coeur de la ville, il est structurellement ouvert sur celle-ci. Voici la vieille ville vue depuis les terrasses, avec la colline du chateau sur la gauche:

En plus, l'architecture est belle, même si d'extérieur, depuis le parvis, c'est pas vraiment gagné! La preuve:


Mais le parvis annonce la couleur avec de belles sculptures, dont un mobile de Calder que j'apprécie particulièrement... Un monstre du Loch Ness, par Nikki de Saint Phalle, tout chatoyant. Quant on pénètre dans l'enceinte, on découvre une structure circulaire, aux larges baies vitrées qui sont comme de flamboyants manifestes:


L'accumulation, par Arman bien sûr, des fameuses chaises bleues que l'on trouve sur la promenade des anglais!
Les grands déploiements de couleur de Sol Le Witt, très lumineux et efficaces:


Le même "Wall Drawing" vu depuis la terrasse, avec le jardin qui le surplombe (désolée, le temps n'était pas très ensoleillé contre toute attente!):

Et le dernier, je ne connaissais pas l'artiste, et j'ai par conséquent oublié son nom!

L'autre grande réussite de ce lieu est de ne pas séparer l'art contemporain de l'art moderne. Les expositions d'artistes en activité sont au premier étage du bâtiment: le deuxième et le trisième abritant les collections permanentes. Celles-ci font la part belle aux artiste niçois bien sûr: Fluxus, l'Ecole de Nice, les acteurs niçois du Nouveau réalisme avec un coup de projecteur sur le fascinant Yves Klein.
A suivre donc!

Le corps transfiguré

Pour le Père Simon Trotabas, avec ma gratitude joyeuse,
En mémoire et en action de grâces de la Vigile Pascale 2005

Liturgiquement et spirituellement, la semaine écoulée est exceptionnelle: c'est la semaine des sept dimanches, manifestant la permanence du mystère pascal depuis le dimanche de Pâques, le 8ème jour de la création... Occasion pour nous de méditer sur les fruits de la résurrection. Les lectures qui nous sont proposées durant l'octave pascale reprennent, conjointement, des textes des Actes des Apôtres, les différents épisodes des rencontres entre Jésus ressuscité et ses compagnons, et des psaumes d'action de grâce. On peut au premier abord peiner à établir l'unité entre ces textes qui semblent un peu hétéroclites. Pourquoi lire les Actes durant la semaine de la résurrection?
Tout simplement, parce que les Actes des Apôtres et les faits qui y sont relatés découlent aussitôt des récits de la Résurrection. L'Evangile d'Emmaüs [1] lu le mercredi de l'octave pascale manifeste pleinement cette filiation entre résurrection et apostolat: "A cette heure même, ils partirent et s'en retournèrent à Jérusalem. Ils trouvèrent réunis les Onze et leurs compagnons, qui dirent: "C'est bien vrai! le Seigneur est ressuscité et il est apparu à Simon!" " Le fondement de la vie apostolique est la proclamation du Christ ressuscité. Il est intéressant de constater, pour l'anecdote, que ce sont les femmes qui sont les premières porteuses de la nouvelle: "Quelques femmes qui sont des nôtres nous ont, il est vrai, stupéfiés. S'étant rendues de grand matin au tombeau et n'ayant pas trouvé son corps, elles sont revenues nous dire qu'elles ont même eu la vision d'anges qui le disent vivant" [2]. Les Apôtres peinent à croire: ils permettent à chacun de s'identifier et de recevoir l'appel à la conversion de tous, baptisés compris, qui résonne dans le texte d'Emmaüs.
Ce passage se présente comme un chemin catéchuménal
: la rencontre inattendue sur un chemin, l'entrée dans l'intelligence des Ecritures, le désir de rester avec le Christ ("Reste avec nous"), et la reconnaissance finale dans le geste eucharistique institué comme mémorial: "comme il était à table avec eux, qu'il prit le pain, dit la bénédiction, puis le rompit et le leur donna. Leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent..."[3].
J'ai toujours été fascinée par la subite disparition de Jésus aux yeux de ses disciples à partir du moment où leurs yeux s'ouvrent, et où ils le reconnaissent. Jusqu'à ce moment, effectivement, les anciens compagnons de Jésus se situent encore dans la perspective charnelle de l'Incarnation: ils sont incapables de reconnaître le corps de gloire de Jésus: "Jésus en personne s'approcha, et il faisait route avec eux; mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître" [4]. L'évangéliste souligne qu'ils ne sont pas encore entrés dans le vrai sens des évènements de la Pâque: "[...] Jésus le Nazarénien, qui s'est montré un prophète puissant en oeuvres et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple, comment nos grands prêtres et nos chefs l'ont livré pour être condamné à mort et l'ont crucifié. Nous espérions, nous, que c'était lui qui allait délivrer Israël; mais avec tout cela, voilà le troisième jour depuis que ces choses sont arrivées!" [5].
Il est manifeste que les disciples, "gens sans instruction ni culture" [6], relisent les évènements selon une logique terrestre de la force, et pas encore selon la logique surnaturelle de la grâce... C'est au moment où ils reconnaissent Jésus, lors de la fraction du pain, que leurs yeux s'ouvrent enfin. La subite disparition du Christ aux yeux de ses proches manifeste clairement le passage, dans la vie des disciples et dans la nôtre, de la logique de l'Incarnation où le Christ est présent, à celle de la résurrection. Quarante jours après Pâques, nous célébrons l'Ascension qui consacre cette "disparition" du ressuscité: l'absence du Christ devient présence de l'Eglise, vivifiée par le don de la Pentecôte qui clôt le temps pascal. Ce n'est plus effectivement le corps humain de Jésus qui nous est présent, mais son corps ressuscité, en la personne de chaque baptisé membre du corps mystique de l'Eglise, dont le Christ est la tête et le chef. De ce brusque glissement de perspective découle directement la naissance de l'Eglise: les disciples d'Emmaüs, qui quittaient Jérusalem tout dépités, courrent rejoindre les Onze pour leur annoncer à leur tour la Nouvelle. La dispersion, l'aveuglement, l'incompréhension et la déception se dissipent peu à peu. Précisément, Jésus doit disparaître pour qu'ait lieu la proclamation: tout comme le rappellent les anges aux disciples lors de l'Ascension "Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous ainsi à regarder le ciel?" [7]: ils sont appellés à témoigner [8].
En ce sens, les récits évangéliques des rencontres entre le Ressuscité et ses disciples sont autant de récits de baptêmes. En rencontrant le ressuscité, en entrant dans le mystère de l'intelligence de la résurrection, chacun est appellé à vivre lui-même en résurrection; comme le souligne la deuxième préface de Pâque "nous te rendons gloire Seigneur, car la mort du Christ nous affranchit de la mort, et dans le mystère de sa résurrection chacun de nous est déjà ressuscité" [9]. C'est déjà là ce que nous proclamions lors de la vigile pascale en lisant la lettre aux Romains [10].
Il me semble que, floués par une habituelle intellectualisation de notre foi, nous n'insistons pas assez sur l'aspect corporel très fort de cette nouvelle. Les textes, pourtant, soulignent clairement cet aspect: si la résurrection change tout, la transfiguration définitive du corps humain de Jésus transfigure aussi notre corps! Si nous sommes ressuscités avec lui, notre corps reçoit déjà en puissance sa gloire, qui ne se révèlera qu'aux derniers jours. Lorsqu'ils entrent dans la compréhension de la résurrection, les disciples sont physiquement bouleversés: "Leurs yeux s'ouvrirent ", et leur coeur est "tout brûlant". Sur le plan sensible, et pas seulement sur le plan intellectuel, ils entrent tout entier dans la perspective surnaturelle de la résurrection. Ce sont jusqu'à leurs sens qui sont modifiés par ce baptême, tout comme les nôtres ont reçu cette puissance surnaturelle lors de notre baptême...
Par ce rapport transfiguré à leur corps, les disciples sont désormais capables de guérir les infirmes! D'où le récit de la guérison du mendiant de la belle porte lu le même jour que le récit d'Emmaüs [11]. Le jeu des regards dans ce passage est essentiel: c'est bien en posant un regard neuf sur le malade que la guérison se produit: "Alors Pierre fixa les yeux sur lui, ainsi que Jean, et dit: "Regarde-nous." Il tenait son regard attaché sur eux, s'attendant à en recevoir quelque chose. Mais Pierre dit: "De l'argent et de l'or, je n'en ai pas, mais ce que j'ai, je te le donne: au nom de Jésus Christ le Nazôréen, marche!" Et le saisissant par la main droite, il le releva". A partir de ce moment, le corps de l'infirme guérit, retrouve sa vocation première: celle de l'action de grâce et de la glorification du Seigneur: "d'un bond il fut debout, et le voilà qui marchait. Il entra avec eux dans le Temple, marchant, gambadant et louant Dieu". Tout comme le corps des disciples, par leur action apostolique, l'annonce et les guérisons, se fait instrument de glorification du Très Haut...
La rencontre avec le ressuscité, c'est notre baptême, renouvellé à Pâques chaque année: une transfiguration entière de notre être. Il est bon de nous rappeller que cette transfiguration n'est pas symbolique, spirituelle ou uniquement intellectuelle: elle est effective, réelle [12], et ce dans le plus intime de notre corps. Corps qui devient membre du corps ressucité du Christ. Impossible de vivre ce miracle sans l'alimenter par le sacrement de l'Eucharistie, source et sommet de notre vie de baptisé. Impossible de ne pas être illuminé par la joie d'être renouvellé, transfiguré...

"C'est pourquoi le peuple des baptisés, rayonnant de la joie pascale, exulte par toute la terre, tandis que les anges dans le ciel chantent sans fin l'hymne de ta gloire" [13]

__________________________
Ill: Photographies personnelles, avril 2007.
1- Fronton de l'église abbatiale de Lérins, Christ en mandorle entouré des évangélistes symbolisés.
2- Petits anges polychromes, tour de la cathédrale de Vence.
[1] Luc 24, 13-33, NB: la traduction citée est celle de la Bible de Jérusalem et non celle préconisée par le lectionnaire romain.
[2] Luc 24, 22-24.
[3] Luc 24, 30-31.
[4] Luc 24, 15-16.
[5] Luc 24, 19-21.
[6] Actes 4, 13.
[7] Actes 1, 11.
[8] On peut également penser au désir frustré des disciples dans l'épisode de la Transfiguration.
[9] Missel Romain.
[10] Rm 6, 3-11 (Bible de Jérusalem, c'est moi qui souligne) : "Ignorez-vous que, baptisés dans le Christ Jésus, c'est dans sa mort que tous nous avons été baptisés?
Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle. Car si c'est un même être avec le Christ que nous sommes devenus par une mort semblable à la sienne, nous le serons aussi par une résurrection semblable; comprenons-le, notre vieil homme a été crucifié avec lui, pour que fût réduit à l'impuissance ce corps de péché, afin que nous cessions d'être asservis au péché. Car celui qui est mort est affranchi du péché. Mais si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivons aussi avec lui, sachant que le Christ une fois ressuscité des morts ne meurt plus, que la mort n'exerce plus de pouvoir sur lui. Sa mort fut une mort au péché, une fois pour toutes; mais sa vie est une vie à Dieu. Et vous de même, considérez que vous êtes morts au péché et vivants à Dieu dans le Christ Jésus".
[11] Actes 3, 1-10.
[12] Au sens étymologique de Res: la chose!
[13] Préface de Pâques, Missel Romain.

15 avril 2007

I'm back!

Me voila revenue de grand matin, avec le soleil et la douceur moite de ces jours d'avril exaltants! Voila que les colzas commencent à illuminer la plaine de leurs feux...

Joie, joie, joie!
Bon, un bisou à mamie, je file à la messe et à tout à l'heure!

01 avril 2007

Blog en goguette


Non, ce n'est pas un fantasme, ni un rêve...
La mer...
Le soleil...
La lumière...
Les couleurs éclatantes...
Le temps qui passe, doucement, et que l'on regarde passer, distraitement...

J'ai la grande joie de vous annoncer mon départ, dès demain matin, en...
...VACANCES!
15 jours! Pour la première fois depuis deux ans et demi!
Ah la la, je vais lire lire lire, me promener sans but, boire des Picon bière et mettre mes robes préférées.
En attendant, l'HSQ sera en friche...
C'est promis mes petits chéris, je vous rapporte plein de photos, de réflexions, d'exaltations en tous genres. La rentrée sera DU FEU DE DIEU!
Par anticipation je souhaite donc à tous une excellente semaine sainte et surtout une fête de Pâques resplendissante et rayonnante de joie.
A très vite!

Dimanche des Rameaux


Mère de Dieu, prie pour nous ton Fils en cette heure
Quand criera la chair qui naquit de toi, mère,
imprègne le monde du pouvoir de son Père.
Mère de Dieu, prie pour nous ton Fils en cette heure
Et quand il semblera à tous très saint,
fais lui savoir comment il fut conçu.
Mère de Dieu, prie pour nous ton Fils en cette heure
Et ce jour là, quand il sera en colère,
fais lui comprendre qu'il fut engendré en toi.
Mère de Dieu, prie pour nous ton Fils en cette heure
Quand tu verras des saints les âmes en peine terrifiées,
montre lui ta poitrine sainte qui l'allaita.
Mère de Dieu, prie pour nous ton Fils en cette heure
Strophes 1 à 5 de la Sibila Galaica
Alfonso X El Sabio, XIIème siècle