23 septembre 2007

Passion et épreuve de la vie

Qu'est-ce que la passion? Voila quelques jours que les discussions vont bon train sur ces pages, afin de tenter de cerner cette notion si délicate à manipuler. Chemin faisant, surgissent du néant quelques idées décisives.
A priori, la passion n'évoque que des sentiments négatifs pour un philosophe. Passions venant troubler la raison. Passions qui conduisent à des actes inconsidérés, bouleversant toute éthique, renversant l'ordre patiemment établi de la pensée et des idées. A plus forte raison, le chrétien se défiera-t-il de la passion! L'amour cherche, dans le christianisme, à se dégager de la passion pour entrer dans la définition d'un amour serein et doux, sorte de milieu de vie en Christ. L'agapè! La passion, elle, est du ressort de l'éros, ce gênant individu qui s'empare de nous et nous plonge dans une sorte de délire. Elle recherche la possession, elle veut absolument, elle ne sait se modérer. Cherchant à s'approprier son objet pour se satisfaire, elle joue trop sur les ressorts de l'égoïsme. Si on ne peut l'éviter, elle doit être jugulée par l'agapè.
Est-il possible malgré tout de penser une positivité de la passion? Et qui plus est, dans une perspective chrétienne?
La passion est avant tout une épreuve. Étymologiquement le mot découle du latin patior, verbe qui désigne le fait de souffrir... On subit donc la passion! Mais qu'éprouve-t-on, de quoi la passion est-elle l'épreuve?
Probablement la passion n'est-elle pas autre chose que l'épreuve de la vie dans sa densité. Sa densité, son intensité, sa splendeur, son élévation, mais aussi toute sa profondeur tragique. Mes réflexions sur le sujet n'ont pu se déployer réellement qu'au moment où j'ai pensé à la passion du Christ. L'expérience du vendredi saint m'est apparue alors comme celle de la passion la plus aboutie, celle qui va jusqu'au bout de la vie, jusqu'au don intégral de la vie. Le Christ crucifié éprouve absolument le tragique de la vie humaine. Il fait aussi l'épreuve de la vie dans les limites de son corps humain.
Cette passion qui va jusqu'à la mort est la condition nécessaire du basculement décisif de la résurrection.

La passion apparaît alors comme un jeu de forces vitales. Fondamentalement, la passion est un phénomène qui nous dépasse, qui transcende ce que l'on peut désigner simplement comme "sentiment" et même comme "affection": elle engage notre être entièrement, âme, corps et sensibilité. Dans tous les cas, la passion est une forme de consommation de notre être: elle nous brûle et nous oppresse, mais nous donne la certitude de notre unité, nous fait éprouver l'intensité et la grandeur de notre vie avec une acuité surprenante. Mais elle a un double visage. Elle peut nous rendre invinciblement forts et elle peut nous asservir et nous détruire.
En ce sens, la passion relève du combat en nous entre pulsion de vie et pulsion de mort. Comme Yahvé défie Caïn de dominer "la bête tapie qui le convoite" (Gn 4, 6), nous sommes enserrés dans les mailles d'une dialectique existentielle où s'affrontent, à chaque instant, pulsion de vie, pulsion de mort. La question est: comment dominer cette bête tapie, le péché, la pulsion de mort, en nous?
Je crois que la passion est ce qui fait de nous des vivants, tout comme la passion du Christ fait de lui le Ressuscité. L'épreuve même de la passion nous fait prendre conscience de cette vie si pleine de potentialités et si démesurée de notre être humain. A nous de nous battre pour faire de cette passion une passion de vie, qui rend toujours plus vivant, qui élève et illumine.


Il y aurait donc deux modes de vivre la passion: renfermé sur soi-même selon une pulsion morbide, jusqu'au désespoir devant l'inaccessible objet et l'impossible quête, ou éclaté vers le monde et vers les autres, avide de consommer son être au risque de le consumer.
"Le passionné de la vie n'est pas egocentré, comme le passionné de la mort qui n'arrive pas à sortir de son bourbier, bien au contraire ! Le passionné de la vie, celui qui lève les voiles dans la joie, brille, éblouit, y compris ceux qui n'ont rien demandé" (Commentaire de Jean-Baptiste Bourgoin)
Celui qui lève le voile, qui brille: n'est-ce pas celui qui vit déjà sa résurrection? Profondément humaine, la passion ne nous apparaît donc plus comme un fléau, une façon dévoyée d'aimer - d'idolâtrer, mais comme une condition sine qua non pour vivre une vie digne d'être vécue. La condition humaine est appellée à la transfiguration dans la Gloire : la splendeur de cette vocation ne doit-elle pas susciter en nous cette passion pour la vie, qui nous rend plus forts, soutenus par la force de Dieu qui a ressuscité le Christ?


37 commentaires:

Anonyme a dit…

Très beau texte.

"tout comme la passion du Christ fait de lui le Ressuscité"

En lisant cela je ne peux pas m'empêcher de penser à l'étoile. Ce qui éblouit en mourant et illumine bien longtemps après sa mort.

Dès lors pour l'homme penser la passion "comme une condition sine qua non pour vivre une vie digne d'être vécue", c'est penser la mort comme le moment ultime de la passion, celui ou nous saurons si notre vie était belle et grande, ou les autres le saurons pleinement. Le moment à partir duquel l'étoile éclatée sur le monde peut illuminer pour l'éternité.

L'horizon de la mort permet de penser pleinement la vie, et se souvenir des morts, ces morts qui nous illuminent, c'est les faire revivre au sein d'une actualisation de la passion en nous, pour la vie.

Prendre la vie à bras le corps est donc bien une souffrance, en même temps qu'une grande joie, car cela suppose d'ouvrir les yeux sur l'horizon de la mort.

La Croix c'est l'offrande, l'éclatement, l'éblouissement. La Croix n'est pas le cachot. La passion du Christ est ici tout à fait éclairante !

Dès lors la foi vêcue sous le mode de la passion, n'apparaît plus comme une manière de soulager sa peur de la mort, mais bien comme une pleine acceptation de cette mort après laquelle nous savons que nous n'existerons plus comme "vivants" mais comme étoiles (j'entends par "vivant" l'idée que se font certains athés de la religion comme moyen de penser les souffrances des hommes qui n'acceptent pas qu'ils puissent arrêter de feuilleter Télé 7 jours le diamanche. Les auteurs du site atheisme.free.fr sont tout à fait significatif de cet vision de la religion. La religion est selon eux une manière de faire oublier aux hommes leur courte existence. Or ce discours ne rencontre pas réellement la mort, il consiste juste à dire : après la mort nous ne serons que poussière alors faisons autre chose, ne nous occupons pas de cela. La deuxième solution consiste à voir dans son athéisme une sorte de supériorité intellectuelle qui conduit plus à affirmer cette supériorité et démonter les arguments religieux qu'à affronter réellement la vie, et la mort. Attendons de les voir sur le lit de la mort pour savoir s'ils se sont si bien préparés.).

Sémiramis a dit…

Merci de ta lecture JBB... Comme toujours tu poursuis mes réflexions et les mène plus loin que je ne l'avais d'abord envisagé!

Sur l'étoile: oui, cela donne envie de lire Rosenzweig!

Sur la mort: oui, mais ce que tu disais avant était intéressant aussi: à savoir que l'éclat d'une vie resplendissante se manifeste déjà dans la vie! Parce que la façon dont on vit c'est aussi la façon dont on apprivoise la mort non? Alors la mort comme moment décisif, je ne sais pas: c'est une idée un peu dramatique qui ne me convient pas.

Sur l'athéisme: effectivement, et la dernière position que tu évoques est celle de ce cher Onfray dont la lecture m'a passablement ébranlée... Probablement, le christianisme a besoin d'entrer dans une intelligence de ses forces et de ses passions pour contrer ce genre de discours!

En définitive, se plonger dans Nietzsche, le surhomme et le berger au serpent!

Voir la foi comme une source de force et de liberté... et le manifester par une vie éclatante.

Didier Goux a dit…

Comment ça : ce "cher" Onfray , Mais enfin Elise, ce type est un escroc ! Un parasite médiatique qui se consacre à la philosophie à peu près comme le gui se "consacre" au chêne et l'herpès au gland !

En revanche, sur la passion, il me semble bien qu'il faudrait distinguer entre la Passion (avec un grand P), celle du Christ, et la passion humaine, qui n'est souvent que le masque noble de l'envie.

Mais, bon, il comence à se faire tard, comme diraient les pélerins d'Emmaüs...

Sémiramis a dit…

Diantre, calmez vous Didier, la fatigue vous aveugle: il s'agissait d'une ANTIPHRASE!

Evidemment la passion comme "masque noble de l'envie"... je n'y avais même pas pensé, j'étais partie tout de suite dans des choses tout à fait nobles. Pauvre de moi... peut-être un visage de la passion morbide?

Bonne soirée!

Anonyme a dit…

la passion, passionnant sujet.
Ca me fait penser a ces martyrs qui chantaient en creusant leur tombe avant d'etre massacrés. J'ai oublié comment ils s'appellent, on les a fété au mois d'aout. Mon curé dit que ca s'appelle "faire contre mavaise fortune bon coeur"...
La passion donne du coeur c'est au moins ca!
Bien a toi et merci de perseverer sur ton brillant blog
Fidelement
Alexis

Sémiramis a dit…

De rien Alexis, merci d'être toi même fidèle à mes pages. Le niveau d'un blog dépend aussi de ses lecteurs n'est-ce pas?

Creuser sa tombe en chantant! On ne sait plus vraiment si c'est de la passion ou de l'hystérie...;-)

Bonne nuit!

Anonyme a dit…

oula ! 1 partout chère Elise : je vais trop vite pour toi chez moi, tu vas trop vite pour moi chez toi. lol ! je reviendrais faire des commentaires "intelligents" ou plus argumentés un peu plus tard... bonne journée.

Sémiramis a dit…

Oui, cette blogosphère est de plus en plus intelligente et foisonnante n'est-ce pas ;-) ?

Bonne nuit!

Anonyme a dit…

Bien chers jeunes gens

Me voici de retour sur le site de la pasionaria catholique.

J'en profite donc pour faire une remarque et poser une question.

La méfiance envers la passion que tu imputes aux philosophes est, me semble-t-il, essentiellement le fait d'un courant dualiste de cartésiens à la petite semaine. Il en est bien d'autres pour qui rien de grand ne s'est accompli sans passion. Bref, la secte des platonidés n'est peut-être pas si passionnophobe que cela.

Cher JBB, pourrais-tu préciser ce que tu entends lorsque tu affirmes que le premier discours athée dont tu parles ne rencontre pas vraiment la mort ? Il me semble qu'au contraire il en prend acte et affirme que toute prétendue rencontre n'en est en fait qu'une négation.

PS : concernant ce " cher Onfray ", un peu de charité dear Elise. Il se contente de "démonter les arguments religieux" ( avec une certaine outrance ) dans le traité d'athéologie mais il essaie d' "affronter réellement la vie et la mort " dans d'autres ouvrages.

Anonyme a dit…

Hello Tatianus !

Bien entendue je parle de l'athéisme de bistro. Je ne suis pas anti-athée (ce qui serait d'ailleurs fort surprenant, n'étant pas croyant moi-même, sans être pour autant athée, bref, j'y reviendrai), je ne pense évidemment pas que les athées sont des gens nécessairement stupides.

En fait je reprends tout simplement l'argument de base de l'athée de comptoir : la religion ça sert à ne pas penser à la mort. Moi je sais qu'après la mort il n'y a rien (sous-entendu : moi être donc plus fort).

Évidemment cela ne tient pas. Cela est d'autant plus triste que les tenants d'une telle imbécilité sont bien souvent les premiers à évincer la question de la mort en ne l'affrontement pas.

Il est facile de dire, même envisager, qu'après la mort il n'y a rien. Mais penser à la mort, la penser en profondeur, quelque soit sa religion, son irreligion, sa gnose etc. cela est éprouvant, difficile, et réellement terrifiant. On peut s'habituer à ce vertige, mais pas le faire disparaitre.

C'est pour cette raison que je faisais un lien vers atheisme.free.fr. Mon discours était directement dirigé vers cet argumentaire dégoulinant de bêtise.

C'est un peu comme le : la religion ça fait des morts, ça fout la merde. L'homme est fait de tensions. Il ne peut éliminer le conflit sans éliminer sa propre dignité (cf. Huxley, Le Meilleur des Mondes). Si on refuse le conflit (sous toute ses formes), si on le juge inacceptable et inhumain, autant atomiser l'espèce humaine tout de suite (ceci n'est bien évidemment pas une apologie du terrorisme, je souhaite juste dire que l'on ne peut pas faire abstraction du conflit dans les rapports humains, et qu'il sont bien souvent nécessaire : pensée, dialogue etc.)

Anonyme a dit…

Écrire à cette heure (01:47) ne me réussit pas. Désolé pour les fautes, je vais aller me coucher !

P.S. : il intéressant d'écouter le discours des anthropophobe. Il y a réellement des gens qui aimeraient que les hommes ne soient plus. Bien souvent ce sont des pacifistes. Les plus radicaux des pacifistes. Ceux qui n'oseraient pas appuyer sur le bouton de la bombe atomique parce qu'il en va aussi de leur vie, mais que se poserait franchement la question s'il pouvait le programmer quelque centaines d'années après leur mort.

Quelqu'un qui veut la paix absolue (et je l'ai voulue. La violence est vraiment un problème aigue chez moi) se découvre assez vite un penchant anthropophobe. Il faut parfois savoir accepter le conflit pour pouvoir vraiment aimer les hommes.

D'ailleurs pour en revenir au sujet qui a inspiré chez Élise ce billet, il en va un peu de même en amour. Il faut accepter que l'on n'aime pas certaines choses chez la personne que l'on aime, que l'on ne l'aime pas tout le temps même, sinon on se retrouve bien souvent par finir par la détester.

Sémiramis a dit…

Ah, retour de mon contradicteur préféré! O joie!

Pasionaria catholique moi? Diable. Smurf.

Alors alors... Evidemment mon petit discours simpliste introductif n'est pas très subtil, il s'agissait surtout de flatter les bas instincts de l'homme de la rue piqué d'intellectualisme. Reste que la passion et la raison s'opposent en général, même si tout n'est jamais tout noir tout blanc non?

Du côté de chez ce cher Onfray, note que je ne peux que me baser sur le traité d'athéologie que tu m'as si aimablement prêté et que j'ai lu avec bénévolence au début et dégoût à la fin. Le discours de base me semble être tout de même: les croyants sont dégoûtés de la vie et cultivent leurs passions morbides tout en ayant peur de ce qui les fascine: la mort. Je ne m'exprime pas sur la "réflexion" qu'il peut développer par ailleurs...

A très vite j'espère.

Au fait je passe à Tours le we du 7 octobre. Will you be there??

Anonyme a dit…

Tiens, et si je m'insurgeais ? d'une de ces insurgations qui font trembler les murs et tomber les moustiques ?

Je crois que Tatianus a tout à fait raison ; je ne connais aucun philosophe - à part éventuellement Kant - qui condamne la passion. J'avoue ne pas comprendre ta phrase chère Elise : "A priori, la passion n'évoque que des sentiments négatifs pour un philosophe. Passions venant troubler la raison." A qui songes-tu ? Même chez Descartes, ce n'est absolument pas le cas, et ce n'est tellement pas le cas qu'il y a consacré un élogieux traité, ainsi que d'emphatiques lettres cherchant à déculpabiliser sa copine de reine de sa passion dévorante pour le jeu de broute minou avec ses copines princesses. (désolé d'être cru mais bon, c'est quand même ça qui est en jeu)

D'où question : à quels philosophes penses-tu en disant que les philosophes ne voient dans la passion que de la négativité ?

Sémiramis a dit…

JB,

Hum, le plus difficile, c'est d'accepter qu'elle vive indépendamment de soi non?

Sémiramis a dit…

Euh nos réponses se sont croisées mon cher Coincoin, c'était simplement une grossière manoeuvre destinée à mettre en valeur le caractère désordonné de la passion. Partant du principe que le philosophe cherche à ordonner son esprit, sa pensée et le monde en général, il se défierait de la passion. Mais cela n'empêche pas de s'y adonner sous toutes ses formes d'ailleurs. Ce qui est fort humain!

Mais arrêtez de chipoter, je vais me sentir teletubbies.

Anonyme a dit…

Salut JB

Pas croyant sans être athée ? Agnostique alors ? ou bien il faut m'éclairer sur ta définition du terme " athée ".

Je ne suis pas certain d'avoir bien saisi ta réponse. Je te vois lier les deux " solutions " que tu avais distinguées ( accusation de fuir la mort [ la foi est-elle un refuge n'est-ce pas Elise ? ] et supériorité éprouvée par l'athée ). Pourquoi pas et en effet, ces deux éléments sont très certainement liés. A ceci près que je conteste l'expression " la religion, ça sert à ne pas penser à la mort ". Je ne pense pas que l'argumentaire athée fasse valoir ce point. L'accusation ne porte pas sur le fait de ne pas y penser mais sur le fait de ne pas l'affronter et de s'inventer un " arrière-monde " rassurant.
Par ailleurs, je ne suis pas certain qu'il soit si facile que ça d'imaginer le "rien" qui suit la vie. Significativement, tu écris " rien après la mort ". C'est donc que tu fais de la mort un passage et non l'"état" qui suit la vie ? A ce compte, je confesse qu'il m'est aussi très difficile d'y penser. Peut-être peux-tu nous éclairer là-dessus ?

Enfin, dernière remarque, je ne suis pas sûr que le lien entre conflit et dialogue soit aussi net que ce que tu sembles en dire. D'après quelques vagues souvenirs du Théétète je crois, il me semble que Platon fait reposer le dialogue et la pensée sur l'amitié au contraire du conflit qui dégénère en éristique. Popper lui même défendant la discussion critique jure ses grands dieux que c'est parce qu'il a horreur du conflit. Il y a des désaccords et la solution est soit la violence soit la discussion critique. Ce n'est donc pas tant de conflit que de désaccords ou de pluralité qu'il est question.

Cara mia

Quel bonheur d'apprendre que je suis ton contradicteur préféré. Je m'en vais donc de ce pas chercher à te contredire.

"La passion et la raison s'opposent en général." Pour ma part, je suis plutôt un partisan d'Antonio Damasio pour qui, pour le dire vite, la passion est au fondement de la raison. Thèse qu'il établit dans " L'erreur de Descartes " ( titre qui montre au demeurant qu'il n'a pas bien compris notre bon vieux René ).

Pour le reste, je suis d'accord avec toi : malgré ses outrances, je trouve des éléments très intéressants chez Onfray mais son discours est grevé par cette prétendue pulsion de mort qu'il attribue aux croyants et que Coincoin a fort bien démontée il y a quelque temps déjà chez Halio.

" Smurf " ? Tu te lances dans la break-dance ?

Sinon, je dois rentrer à Dreux mais je ne sais pas encore si cela sera le w-e du 6 ou du 13. Je te tiens au courant dès que tu m'as envoyé ton mail que j'ai perdu ainsi que celui de tous mes autres correspondants. A bon lecteur...

Anonyme a dit…

Je dois faire amende honorable. Après vérification, ma traduction du "mythe du cadre de référence" de Popper identifie allègrement désaccord et conflit.
Néanmoins, il distingue bien entre violence et conflit. Or il me semble que lorsque JB parle de la religion qui fait des morts et fout la merde, il pense au moins autant à la violence qu'au conflit.
Voilà, cette précision ayant été apportée, je vous souhaite une bonne nuit ( quoique je me doute que vous ne lirez pas ce com à 1h du matin ).

Anonyme a dit…

@ Tatianus

Pas croyant sans être athée ? Agnostique alors ? ou bien il faut m'éclairer sur ta définition du terme " athée ".

Oui. C'est une très bonne question ! Je vais te donner une réponse un peu étrange : je refuse d'être athée, et je refuse d'être croyant. Je m'interdis de choisir l'une et l'autre position (cette réponse ne devrait pas surprendre Élise ;). Mais finalement il s'agit bien ici d'un choix. Je m'explique, il y a une raison précise à cela : mes pensées m'amènent régulièrement à rencontrer la nécessité de penser Dieu, comme la non-nécessité de le penser. Je suis extrêmement sensible au dialogue, à la transmission de la pensée. Et il me semble qu'étant donné que nombre de positions, de concepts qui tournent autour des hommes (l'Homme n'existe pas) peuvent être "traduit" à la fois en un discours que je qualifierai grossièrement de "croyant" et grossièrement de "laïc", alors si mon rôle "ici-bas" est de permettre une communication possible entre les hommes, un dialogue au sens profond, alors je ne dois pas choisir entre les deux positions. Évidemment l'idée de "choisir" n'est pas très clair. Il est évident que l'on ne choisit pas de croire en Dieu, ou de ne pas y croire au sens ou je choisis si ce soir je vais manger une pomme ou une mandarine.

Pour être plus clair tout cela est lié au problème du dialogue, et c'est pour cette raison que je vais continuer ma réponse en répondant également à ceci :

«je ne suis pas sûr que le lien
entre conflit et dialogue soit aussi net que ce que tu sembles en dire. D'après quelques vagues souvenirs du Théétète je crois, il me semble que Platon fait reposer le dialogue et la pensée sur l'amitié au contraire du conflit qui dégénère en éristique. Popper lui même défendant la discussion critique jure ses grands dieux que c'est parce qu'il a horreur du conflit»

Certes. Platon et Popper ont certainement de très bonnes raisons de dire cela. Je vais expliquer ce que j'entends par conflit, et cela est lié à ce dont je parlais plus haut.

Écouter la parole de l'autre n'est possible que si l'on suspend temporairement son "esprit critique" (quel vilain mot !). Pour écouter autrui, je dois me laisser pénétré par sa parole. Pour donner un exemple radical, au moment ou je lis la Bible, je dois croire en ce qui y est dit, je dois considérer que l'on ne me ment pas, que l'on ne se trompe pas, que celui ou ceux qui me parle, parle dans la vérité. Je dois avoir foi en leur discous. Ce qui évidemment doit être suivis d'un questionnement de ce discours.

Dit comme cela, le dialogue parrait quelque peu mécanique, obéissant à des règles strictes qui ne rencontrent pas la réalité d'un dialogue entre deux personnes. Je présentais le dialogue de cette manière afin d'être clair. Évidemment, dans le vrai dialogue, l'ouverture à la parole se fait en même temps que le questionnement disons "critique". C'est pour cela qu'il y a affirmation, question, réponse, question, affirmation etc. En discutant avec autrui, je m'imprègne de son discours, qui choque le mien, qui le rencontre nécessairement violemment puisqu'ils ne peuvent pas être identiques. Je laisse entrer en moi un discours qui n'est pas le mien, au plus intime.

C'est en ce sens que le dialogue suppose le conflit. Le conflit n'est pas entre les protagonistes, il se situe dans l'esprit, c'est le conflit entre deux jugements, deux affirmations, qui viennent nourrir le phénomène destructeur de la pensée, en s'entrechoquant.

On dialogue toujours avec un autre. Même lorsque l'on dialogue avec soi-même. Surtour à ce moment là ! Le moment ou soi-même n'est plus un autre, c'est le moment où l'on ne pense plus. Le moment des certitudes figées, des jugements dogmatiques etc.

La pensée est éminament violente, brutale, destructrice, et le dialogue relève de la pensée. Comme le dit Hannah, la pensée est dangereuse, mais ne pas penser est plus dangereux encore.

Lorsque j'entends "elle est tranchante la parole de Dieu", alors si je veux réellement entendre cela il me faut penser Dieu ! C'est à dire accueillir son existence dans l'intime de ma pensée.

En ce sens le dialogue est l'affaire des amis. On ne peut accueillir au plus intime de sa pensée, que l'ami, celui en qui nous pouvons avoir confiance. Supposer le mensonge rend le dialogue impossible, on n'accueille pas au plus intime le mensonge. Dès lors, cet accueil suppose que l'on fait entrer en soi un discours qui relève de la vérité.

Le vrai conflit est l'affaire des amis. Les adversaires n'entrent pas en conflit, ils s'anéantissent, ils refusent la parole de l'autre, ils ne l'écoutent pas, ils ne la font pas entrer en eux, elle n'existe pas.

Le conflit des paroles est l'affaire des amis, le conflit du corps, celui des ennemis.

La tension est l'ordinaire de l'homme qui écoute, qui pense, et qui porte un jugement.

En ce sens, si je veux pouvoir continuer à faire dialoguer le croyant avec l'athée il me faut refuser de quitter la tension qui m'habite sur la question de l'existence de Dieu.

Bon, je pourrais continuer encore, mais je risque de me répéter.

Passons à la question de la mort :

"L'accusation ne porte pas sur le fait de ne pas y penser mais sur le fait de ne pas l'affronter et de s'inventer un " arrière-monde " rassurant."

Mais justement, y penser c'est l'affronter, c'est entrer en conflit avec elle, l'entendre (d'une certaine manière) raisonner en nous cette horizon de la mort. S'inventer un arrière-monde est une manière de ne pas y penser.

Or nombre des athées qui reprochent aux chrétiens de se construire des arrières-mondes pour ne pas l'affronter, ne l'affrontent pas eux-mêmes. Ils ont une justification qui semble bonne : puisqu'il n'y a rien après la mort, ce n'est pas la peine de s'emmerder avec elle.

Voilà l'arrière monde ! Le véritable arrière monde !

Précisément parce que le monde créé par les hommes, construit par ses œuvres qui traversent la nature consummatoire, offre à l'homme l'horizon de la mort, ne pas vouloir penser la mort, la nier comme étant un phénomène constitutif de l'appartenance de l'homme à son monde, c'est précisément nier le monde. Construire un arrière-monde. Et pas un arrière-monde pour "après", mais un arrière-monde ici !

Dans le "souviens-toi que tu es mortel" il y a l'écho lointain de la parole des morts. Souviens-toi que tu es mortel, écoute la parole des morts. Voilà le monde.

Notre monde, et par là notre vie à nous hommes, est plein de la parole des morts. Cela ne saurait être autrement. Une société qui refuse la mort, c'est une société en crise avec son passé, sa culture, ses culture, en crise avec l'humanité.

Cela me permet de répondre à Élise : bien sur, l'éclat d'une vie resplendissante se manifeste déjà au cours de la vie. Mais c'est au moment de ma mort qu'autrui se souvient pleinement, qu'il se rappelle de ma parole. C'est à se moment que l'on peut réellement s'approprier une parole. La parole du mort est à nouveau vivante, mais cette fois-ci comme pur don fait à autrui. L'écriture, la fondation d'une école, n'ont pas d'autres buts qu'offrir à ceux qui vont venir.

Parler, écrire, croire et espérer que sa parole sera entendue par ceux qui viennent, cette pensée mégalomaniaque a un fondement profondément humble : continuer à maintenir le monde pour les hommes à venir.

«Mais qu'importe de toi et de moi ! D'autres oiseaux voleront plus loin !» Nieztsche, Aurore, V §575

P.S. : il me faut écrire cet article sur humilité et mégalomanie chez le philosophe !

Anonyme a dit…

Je ne sais pas si la passion s'oppose à la raison. Chez Hegel, les passions sont ce sans quoi la Raison ne s'accomplirait pas dans l'histoire ; chez Descartes, elles sont ce qui régule le fonctionnement physiologique humain ; chez Kant, la passion ne s'oppose pas à la raison mais à l'affection. Dans la philo post cartésienne, la passion est pas forcément une atrocité.

Il faudrait voir ce qui se passe dans la scolastique.

Sémiramis a dit…

Waow JB... Je devrais me taire à jamais puisque tu dis ce que j'aimerais exprimer!

L'homme sans quanlités, c'est vraiment toi, et ce n'est pas un vain compliment. J'aime beaucoup ce que tu dis sur l'amitié et le conflit, la tension interne (en conflit avec soi-même, c'est aussi être en amitié avec soi-même peut-être? Tu viens de me suggérer cette idée! En amitié, et donc pas en fusion, en mystification!)

Merci encore.

Sémiramis a dit…

Coincoin mon darling, je m'afflige que tu t'insomnie à cause de mes inexactitudes philosophiques, qui sont immenses, et laissent par conséquent présager des immensités d'insomnies dont je me sens désormais coupable et redevable envers toi.

Anonyme a dit…

@ Élise

Et bien, merci du compliment ! Mais je t'en prie, ne te tais surtout pas !

Pour ce qui est de l'amitié avec soi-même penser sur le mode du conflit, oui, tu as tout à fait raison.

Il ne s'agit bien évidemment pas du conflit pathologique qui consiste à se haïr parce que l'on pense, ou fait, des choses que l'on réprouve. Ou que l'on ne fait pas ce que nous aimerions faire etc.

La pensée questionne perpétuellement, or c'est moi qui pense. Donc la pensée est bien un questionnement continuel de nos propres fondations de pensées.

Le plus simple est encore de donner un exemple concret. Prenons le chanteur M. Je n'apprécie pas M, pour de nombreuses raisons qui importent guère ici.

Voilà devant moi un fan de M. Je lui dit que M c'est nul. N'ayant rien trouvé dans sa musique quoi que ce soit qui justifie son style de chant, mes aussi sa poésie, je juge que M n'écrit pas de la bonne chanson. Si le fan X me répond "tu peux pas dire ça, y'en a qui aime, toi tu n'aime pas, mais tu ne peux pas dire que M c'est nul", je vais bien entendu grimper aux rideaux devant cette affirmation claire de toute volonté de dialoguer.

Cependant mon oreille reste ouverte à la personne qui un jour m'expliquera, me fera comprendre ce que j'ai manqué chez M et qui me permet de l'entendre comme un bon chanteur (si vraiment mon jugement est erroné).

Si ce jour arrive, on pourrait imaginer que la honte me prenne, moi qui ait juger M pas très bon alors que maintenant je le trouve bon. Je me suis trompé etc.

Ce n'est pas le cas. La pensée, son mouvement destructeur perpétuel, m'apprend que mon jugement n'est jamais complètement définitif. Elle le questionne toujours et par là laisse la porte ouverte aux dialogues des autres.

Le résultat immédiat d'un tel phénomène, c'est que le fait de se tromper n'est pas dramatique. Laisser sa pensée prendre son envol c'est réduire la force de la mauvaise foi, car nous avons toujours en tête l'idée d'une contradiction, d'une remise en cause, d'un questionnement possible. Dès lors, apprendre que nous nous sommes trompé non seulement ne relève plus (ou en tout cas moins) du drame, mais presque d'une joie : une réconciliation a vue le jour.

Car quand la pensée fait son œuvre, avoir raison de son interlocuteur n'est plus l'objectif, ce qui compte c'est de porter un jugement juste. Et comme nous savons que ce jugement est toujours provisoire, y revenir sonne presque comme une victoire.

Dès lors la haine de soi parce que nous nous somme trompé, disparaît. Nous savons que nous ne pouvons pas ne pas nous tromper, donc apprendre que nous nous somme tromper n'est plus dramatique.
La haine de soi parce que nous sommes de mauvaise foi, parce que nous mentons, disparaît également, car la pensée éclate autant que possible cette mauvaise foi. Quand bien même je choisirai la mauvaise foi, mais aussi la pensée à plein régime, je me retrouverai confronté à une mauvaise foi qui ralentit ma pensée, la freine. Les deux ne peuvent pas bien vivre ensemble.

Dès lors la haine de soi est diminuée (on ne peut jamais dans certaines situations extrêmes, ou en tout cas difficilement, arriver à ce stade ou la pleine acceptation de ses erreurs n'est absolument pas teintée de quelques regrets).

Lorsque je disais "M n'est pas bon" et que j'expliquais pourquoi, j'attendais que quelqu'un vienne pour me faire comprendre en quoi il l'est. Dès lors, le jour ou je comprends qu'il est bon, ou j'entends la qualité de sa musique, je n'ai pas honte, car j'attendais depuis le début que l'on vienne me faire comprendre cela.

Et cela suppose bien entendu un conflit interne. Cela suppose que je porte un jugement qui dit "M n'est pas bon", pendant que ma pensée égraine tout ce qui pourrait être bon en lui, tout ce que je suis capable de penser et qui puisse me faire revenir sur mon jugement.

En ce sens, oui, le conflit interne lié à la pure activité de la pensée est source d'une véritable amitié avec soi-même.

Et je l'avoue : je m'aime comme j'aime mes amis. Mégalomanie dites-vous ! Oui, j'avoue m'aimer car je sais que ne suis généralement point mauvais, et lorsque je le suis j'essaierais autant que possible de me mettre devant cela. Mais aussi humilité : lorsque je porte un jugement il faut me laisser une porte ouverte à la parole contraire. Voilà l'idéal moral que suppose la pensée "à plein régime".

Le penseur ne pardonne pas aux autres, il ne se pardonne pas à lui-même. Seul Dieu est suffisamment haut pour pouvoir pardonner sans établir un rapport de domination arbitraire. Lorsque je pardonne quelqu'un, je lui fais une grâce, je l'allège de son péché en lui faisant comprendre que si je ne le faisais pas il serait dans le mal.

Le penseur ne pardonne pas, il laisse passer, il suppose que chacun est capable de reconnaître son erreur et de se corriger soi-même. Reconnaître son erreur c'est la laisser là où elle est. Ce n'est pas la transformer en reconnaissance de celui qui est pardonné, c'est la laisser erreur, mais derrière soi. C'est à dire comme quelque chose sur lequel je puis me retourner pour apprendre, mais qui ne bouche pas mes possibilités future.

La véritable réconciliation, c'est ce moment ou moi et autrui (qui peut-être moi-même) laissons passer. Ainsi autrui n'impose pas son pardon à moi, et moi-même je ne le quémande pas. Pas de domination. Ce n'est non plus un appel à l'oubli qui laisserait entendre que tout cela pourrait se reproduire. C'est l'acceptation d'un temps commun de notre histoire qui sera toujours là pour nous éviter de recommencer l'erreur, mais qui n'encombrera pas nos relations futures.

Toute la question est de savoir si nous pouvons tout laisser passer. Et ici le problème reste ouvert.

Laisser passer c'est laisser la porte ouverte.

En ce sens la pensée, en tant qu'elle produit continuellement des zones de tensions, de conflit, qu'elle exige cela, laisse la porte ouverte et permet une vraie conciliation entre soi, soi-même et autrui.

PS : tout cela est peut-être encore un peu flou mais il me semble que l'on peut tirer les prémisses de ce que c'est que vivre moralement de tout cela. Il faut clarifier !

Anonyme a dit…

Noooonn !!! Je t'en prie darling !!!! Tu sais bien que le malheur des autres ne fait que s'ajouter au mien et ne l'allège en rien ; dors, je t'en supplie.

Anonyme a dit…

D'ailleurs laisser passer est une manière de dire : «je te fais confiance et je ne te demande rien.»

Et sur la question de la confiance je vous renvoie à un petit article que j'ai publié cet après-midi (vous remarquerez la manière extrêmement fine de faire sa publicité !) :

http://enarkeenologos.olympe-network.com/pivot/entry.php?id=12#body

Anonyme a dit…

Et puis mon cher petit canard, il s'agit ici de bonnes insomnies !

Sémiramis a dit…

Mon Coincoin, be happy! C'était une blaguounette.

De toutes façons, en ce moment je dors mal aussi: je suis réveillée à 5h tous les matins. Je me mortifierai en pensant à tes souffrances dès le réveil. Mais on s'en fout, en fait.

Sémiramis a dit…

Jb, j'ai déjà tellement de matière avec tes com chez moi que je n'arrive même pas à te lire sur ton site... heureusement que les vacances arrivent bientôt! promis, j'irai lire (et puis il y a l'article de Coincoin sur la connaissance du Christ!)

C'est assez formidable ce que tu dis sur la pensée, la réconciliation, etc. Cela me fait revenir sur la question de la passion: je me demande pourquoi dans mon esprit raison et passion s'opposent ainsi, alors que pour vous cela ne va pas de soi!

Je crois que c'est parce que pour moi la pensée dépasse toute passion qu'elle soit positive ou négative; elle permet de surmonter quelque chose qui est de l'ordre de l'affect.

Par exemple, je viens de terminer l'amant de lady chaterley et ce livre m'affecte de passions négatives et positives à la fois. Le seul remède pour sortir de ce bourbier de trouble et de sentiments contradictoires c'est de réfléchir, penser, discuter, écrire finalement sur ce livre.

Fondamentalement, ce livre a mis à jour un de mes conflits internes: par la pensée, grâce au dialogue avec mes amis, je vais essayer de poser des mots dessus pour entrer dans une voie de réconciliation.

En ce sens, tout ce que tu dis m'éclaire de façon décisive!

En sorte que je sais que mon jugement n'est jamais définitif, parce qu'il éprouve mes zones d'ombres pour me faire accéder à une certaine unité de mon être, et je sais que j'ai besoin des autres pour affronter ces ombres.

Waow!

Sémiramis a dit…

D'ailleurs, dans ce bouquin il y a plein de choses qui devraient te passionner, sur le rapport corps/machine, on en discutera c'est très intéressant.

Anonyme a dit…

Il y a peut-être quelque chose de la passion dans la pensée "à plein régime". Finalement "penser passionément" sonne plus juste que "penser à plein régime" !

Mais je suis tout à fait d'accord avec toi. Pour pouvoir penser il faut se dégager des passions. Je ne pense pas bien lorsque je suis en colère, ou alors c'est que l'énergie offerte par la colère à nourrie ma pensée, et donc que la colère commence déjà à être derrière.

Oui, les philosophes n'ont jamais vraiment attaqués les passions. Mais c'est une erreur que de croire que la passion est compatible avec le moment ou nous pensons. Si les passions n'ont jamais vraiment été l'ennemi des philosophes, c'est qu'ils sentaient, et nous sentons bien, que les passions nourrissent elles aussi notre pensée. Lui donne de l'énergie.

Pour autant l'activité de pensée éteint l'état passionnel, à moins que nous poussions dégager une passion tout à fait spécifique à la pensée. Mais je ne suis pas certains. Il y a une passion de la volonté de pensée. Nous voulons passionnément penser. Mais au moment ou nous pensons, nous sommes à côté de nous, là ou les passions se taisent.

Tes propos sur l'Amant de Lady C. sont tout à fait excitant ! J'ai une soudaine envie de laisser Zizek pour me réfugier dans cette lecture !

Anonyme a dit…

Salut JB

Merci pour la réponse.
Tu devrais lire Popper; si ce terme n'était réservé à Elise, j'oserais affirmer que sa lecture t'exalterait.

Sinon je ne suis pas convaincu par ta lecture de la position athée : affirmer la vie n'est pas refuser la mort. Et penser à la mort n'est pas penser la mort. Mais baste.

Encore une demande de précision : je n'ai pas bien compris ton argument sur M :

" Si le fan X me répond "tu peux pas dire ça, y'en a qui aime, toi tu n'aime pas, mais tu ne peux pas dire que M c'est nul", je vais bien entendu grimper aux rideaux devant cette affirmation claire de toute volonté de dialoguer."

Affirmation ? N'est-ce pas plutôt un enfermement dans la subjectivité qui rend toute discussion impossible ? C'est, je crois, Hegel qui démontre ce fait dans la relation de la philosophie au scepticisme ( Coincoin ? ). Et mon cher Feyerabend ( pour une fois bon poppérien ) semble vanter la discussion critique qui s'oppose aux deux jumeaux pleins de hargne que sont le relativisme et l'absolutisme.

Bref : dogmatisme pas bien; relativisme pas bien; discussion critique bien.

Et au fait, on m'a falsifié ( chic, je suis scientifique !! ) : deux interventions à 1h passée.

Anonyme a dit…

Tatianus tu as mal compris. Je ne parle ici de la position athée. Il n'y a pas une position athée, ce serait stupide de penser cela. Je parle d'un argument que l'on retrouve chez beaucoup d'athées, qui reprochent aux croyants (parfois, et peut-être même souvent, à raison) ce qu'ils découvrent en réalité en eux-même quand ils se posent la question : et si je devais croire, pourquoi le ferais-je ?

Encore une fois, il faut visiter le site atheisme.free.fr, qui est précisément le défenseur du discours que je critiquais. Je n'attaque donc pas "la position athée". Il n'y a pas de position athée ! On peut penser une position chrétienne parce qu'il y a l'Église qui représente les chrétiens, même si en réalité le christianisme est bien plus diverts que cela. Mais il n'y a pas de représentant officiel de l'athéisme, donc il est impossible d'attaquer une soi-disante position athée.

Je n'attaque pas un groupe, mais un argument utilisé par certains athées.

Passons à la mort :

"affirmer la vie n'est pas refuser la mort."

Je n'ai jamais dit cela. Ma critique vise un discours précis, et certainement pas les positions vitalistes les plus intelligentes. Je peux même généraliser si je ne suis pas encore assez clair : il y a des positions athées qui sont intelligentes, et je ne les attaques pas ici. Je ne fais qu'attaquer la position stupide la plus répendue. Et c'est tout. Ce n'est pas tout l'athéisme, bien évidemment.

"Et penser à la mort n'est pas penser la mort."

En quel sens ? "à la mort" le phénomène, l'événement ? "la mort", le concept ? Ou "la mort", l'être même de la mort ?

Je parle ici avant tout de la manière avec laquelle l'homme pense le moment ou il va mourir, ce que cela signifie pour lui dans sa vie ce "je vais mourir". C'est un phénomène, il pense à la mort. Mais y donner une réponse suppose que l'on se fait, d'une certaine manière une idée de la mort, de ce qu'elle est. Je vais être un peu brutal, mais le concept en tant que tel je m'en fous (pas entièrement, mais je pose les priorités). Faire une histoire du concept de la mort, ou tout simplement comparer le concept de la mort entre tel ou tel auteur, pour l'histoire du concept, ou pour la comparaison entre ces deux auteurs, je m'en fous. Ce qui compte c'est ce que m'apporte le dialogue avec ces hommes, ces auteurs, ces morts (pour certains), sur la mort. Ce n'est pas un phénomène subjectivo-relativiste, ou je ne sais quel connerie. Penser, c'est un dialogue. Quand je lis les philosophes, je lis des êtres humains qui ont des choses à nous apprendre. C'est ce qu'ils ont à m'apprendre qui m'intéresse, pas de faire l'histoire de leur concepts en tant que tels. Ce qui ne veut pas dire que je ne m'intéresse pas aux concepts, bien entendue. C'est un problème de position. Ne pas comprendre cela, c'est ne pas comprendre tout mon discours sur le dialogue. C'est impossible. Il faut se rappeler Pascal dire «on s'attendait de voir un auteur, et on trouve un homme». C'est cela penser, et dialoguer, c'est s'attendre à parler avec des hommes, et non avec des auteurs. Et cela à avoir avec soi-même. Pascal pour certains c'est un auteur, pour d'autre c'est un homme, je dirais même mieux : un ami. C'est cela le sens profond du "Souviens-toi des morts". Ne pas comprendre cela, ne pas le sentir au moins, c'est avoir perdu tout sens de la culture.

"Affirmation ? N'est-ce pas plutôt un enfermement dans la subjectivité qui rend toute discussion impossible ?"

Je comprends mal ton interrogation car je ne sais pas si elle signifie que tu as mal compris une phrase que j'ai mal écrite, il fait bien entendue lire :

"je vais bien entendu grimper aux rideaux devant cette affirmation claire de toute volonté de ne pas dialoguer"

Ou si pour toi toute forme d'apparition de la subjectivité dans le discours est synonyme d'impossibilité de dialoguer.

La question de la subjectivité est un faux problème. C'est toujours un homme qui parle. Pas un esprit complètement abstrait. Ce qui ne signifie pas que tout soit relatif. La relativité telle qu'elle est aujourd'hui comprise est une monstruosité.

De plus il faut que tu m'expliques ce que tu entends par discussion critique, ce qu'il y a derrière ce mot. La discussion critique, c'est bien ? Ok, mais tu entends quoi par là ?

Discussion critique = objectivité ? Mais c'est quoi un discours «objectif» ? Un discours pris du point de vue de l'objet ? Je ne comprends pas, je ne sais pas me dématérialiser. Pire, c'est un discours sans chair, donc profondément faux, érroné. La science moderne a très bien réussie à décrire les phénomènes physiques, mais elle est absolument incapable de comprendre l'homme, elle ne comprend plus l'homme, précisément parce qu'elle le prend comme objet, comme chose !

Non, le discours objectif, si c'est bien de cela dont tu parles en disant "discussion critique" car ce terme peut signifier pleins d'autres choses, est faux. Il ne sait pas parler des hommes.

Ma position n'est pas dogmatique, ni relativiste, c'est une certitude. Je n'impose pas mon discours, je m'y refuse, mais je refuse également toute forme de refus du dialogue sous prétexte que chacun aurait le droit de penser ce qu'il veut, sous-entendu : fiche moi la paix, je pense ce que je veux, je ne suis pas d'accord, et tu fermes ta gueule.

Bien évidemment. Si pour toi "discussion critique" signifie discours qui s'affirme tout en écoutant la parole d'autrui, alors va pour "discussion critique". Si "discussion critique" signifie discusssion objective, et le reste discussion subjective, je crains de ne pas être tout à fait d'accord.

Bien sur, la discussion reste entièrement ouverte, heureusement même. Si mon ton peut te paraître brutal, c'est uniquement pour clarifier le discours et faire ressortir les points de divergences. Je suis entièrement ouvert à une justification de l'objectivité nécessaire du dialogue. Si il s'agit bien de ce qui est en jeu ici.

Pour ce qui est de Popper, j'avais lu quelques lignes de lui il y a quelques années. C'était le début de la "Connaissance objective". La première chose que je me suis dit autour de ces quelques lignes, c'est qu'il n'avait rien compris. Il n'avait rien compris à Hume, aux grecs, aux références culturels en général dont il usait, et qui me parraissait justement n'être que des références. Logiquement ça tien. Mais on poeut tenir les pires horreurs avec la logique.

Cependant, je ne vais pas ici faire un jugement définitif, je n'en fais d'ailleurs jamais. Je n'ai lu que quelques lignes de Popper qui ne m'ont pas données envie d'en lire plus. Mais il est fort possible que 1) je n'ai pas entendu ce qu'il voulait dire (le problème n'était pas celui de la compréhension, mais du sens de son discours) 2) ces quelques pages que j'ai lues ne permettent pas de tenir un tel jugement. J'ai certainement fais l'erreur 1 ou 2, ou les 2. Donc, je vais le relire !

Si je te dis cela c'est pour une raison bien simple : par quoi me conseilles-tu de commencer ?

P.S. : j'espère que tu excuseras le ton péremptoire de cette réponse. Il y a deux raison à cela. La première c'est qu'une telle manière d'affirmer permet de clarifier le discours. La seconde c'est que je sors tout juste d'une série d'émissions sur Finkielkraut absolument affligeantes. Un exemple : F. dans le cadre d'un dialogue se met à la place des colonialistes et utilise leurs propos, prenant entre autre le terme de "sauvages". Le dialogue donne lieu à une retranscription pour un article du Monde. Le monde reprend les propos de F. sans préciser, sans même mettre de guillemets, qu'il se mettait ici à la place des colonialistes, et donc que lorsqu'il parle de sauvage, il ne parle pas en son nom. De cette horreur produite par le Monde naît un amalgame. Les gens pensent que F. est négrophobe, celui essaye vainement de s'expliquer etc. Et voilà qu'un journal télévisé antillais (si mes souvenirs sont bons), invite Sarkozy pour qu'il se justifie de ses propos frisant soi-disant la négrophobie. Parmis les "preuves" du journal télévisé, le passage sur les sauvages de F. est repris, donc on suppose que F. est négrophobe, et on ajoute cela à un discours de Sarkozy disant du bien de F. Conclusion : Sarkozy est d'accord avec F. qui pense que les noirs sont des sauvages !
Un pur montage basé lui-même sur des éléments parfaitement érronnés ! C'est proprement hallucinant !

Donc désolé, devant la déliquescence absolue de la modernité, je suis quelque peu tendu et je regrette que cela transparraisse quelque peu dans le ton de cette réponse. En réalité j'ai beaucoup de mal à me calmer, je dois avouer être ce soit particulièrement déprimé au sujet de notre modernité. Car vois-tu je suis allez voir les commentaires des internautes au sujet de ces vidéos, et entre les insultes, les propos anti-sémite, les accusations de racisme, les propos haineux, il y a quelque propos du type "F. tes le meilleur" (sans vraiment savoir pourquoi), mais aucun discours bienveillant. Aurions-nous perdu l'idée même de bienveillance ? C'est absolument terrifiant, cela me met hors de moi, et je m'en excuse.

Anonyme a dit…

Salut JB

Ne t'inquiète pas, je ne m'offusque pas. D'autant que je sais que considères que " la pensée est éminament violente, brutale, destructrice, et le dialogue relève de la pensée." Je partage par ailleurs avec toi le goût de la franchise, voire de la crudité entre amis. Ce qui ne signifie pas qu'il ne faille pas être soucieux de l'autre néanmoins. Enfin, bon, tout ça pour dire no pb. Ah langage, texto, quand tu nous tiens...

Tu as parfaitement raison de me reprendre sur " la position athée ". C'était un raccourci malheureux. Je voulais simplement dire que l'argumentaire athée que tu critiquais ne me paraît pas celui que l'on retrouve le plus fréquemment. Et comme toi, je considère qu'il faut classer ses priorités. Autant s'attaquer à autre chose qu'à une position marginale.

" Affirmer la vie... " : j'ai lu ta phrase " puisqu'il n'y a rien après la mort, ce n'est pas la peine de s'emmerder avec elle " comme une critique du fameux " la mort n'est rien pour nous." Si je me suis trompé, je m'en excuse. Je voulais dire que considérer qu'elle n'est rien pour nous, ce n'est pas l'oublier, c'est lui attribuer une certaine valeur : nulle certes mais c'est bien la penser.

" Penser la mort et penser à la mort. " Pour reprendre tes termes, je ne distinguais pas entre le concept et l'être même. Même si je ne suis pas d'accord avec toi et considère que selon le concept de mort que tu adoptes, tu l'appréhenras ( l'événement ) de différentes manières. Je contestais et conteste toujours ta phrase : " y penser, c'est l'affronter ". Il me semble d'ailleurs que tu dis la même chose que moi en démontant l'argumentaire d'athéisme.free.fr ( j'ai fais gaffe cette fois-ci, hein ! ) : ils y pensent mais pour dire qu'il ne faut pas s'emmerder avec. Bref, ils Y pensent sans LA penser. Il me semble que la plupart des discours athées ( j'ai encore fait gaffe ) adresse plutôt ce reproche au christianisme. Et c'est précisément pourquoi le propos d'Onfray n'est pas cohérent : ce ne peut être une pulsion de mort si c'est au contraire un oubli de la mort.

" Affirmation " J'ai lu au pied de la lettre. Je n'ai pas rétabli la négation, ok.
Mais du coup, ton interrogation m'étonne : tu dis que le fan de M ne veut pas dialoguer et tu me contestes que le relativisme ( ce qu'il faut entendre par " enfermement dans la subjectivité " ) interdit le dialogue ? Il me semblait que nous disions la même chose.

Enfin par discussion critique, je faisais référence à Popper. il ne s'agit pas d'un discours objectif au sens où tu l'emploies ( et qui, en bon scientifique, ne me paraît pas si condamnable que cela ). C'est plutôt de critique à la manière de Kant qu'il s'agit. Celui-ci propose la critique comme troisième voie pour sortir de l'alternative stérile dogmatisme / scepticisme. La notion popperienne de falsifiabilité découle de ce caractère critique. PKF écrit ainsi pour décrire les conceptions de Sir Karl :
" une discussion rationnelle consiste en un essai pour critiquer, et non pour prouver ou rendre probable. Toute démarche qui défend une conception contre la critique, qui la rend sûre et "bien fondée", est une démarche qui éloigne de la rationalité. Toute démarche qui la rend plus vulnérable est bienvenue." Il s'agit donc bien de recevoir les arguments de l'autre pour mettre ses propres conceptions en péril.

Pour le reste, tu as raison, Popper est un logicien qui importe dans le champ de la science des conceptions qui valent en maths. Il n'est toutefois pas inintéressant et je te conseille en particulier " Le mythe du cadre de référence " dans lequel il explique sa conception de la discussion qui ne me parait pas si éloignée que cela de la tienne. Avec la nuance sur la distinction conflit / violence que je signalais. Malheureusment, je ne sais pas si cet article est sorti en édition séparée en France. Tu le trouveras peut-être sous son titre anglais : " the myth of the framework ".

" Déliquescence absolue de la modernité " : je ne suis pas certain que le travestissement des positions d'autrui soit tellement propre à la modernité... Surtout s'il s'agit de négligence plus que d'une volonté délibérée.

Bonne journée

Anonyme a dit…

"Je voulais simplement dire que l'argumentaire athée que tu critiquais ne me paraît pas celui que l'on retrouve le plus fréquemment."

Oui,tu as sans doute raison. J'ai peut être donné trop d'importance à cet argument.

"Si je me suis trompé, je m'en excuse. Je voulais dire que considérer qu'elle n'est rien pour nous, ce n'est pas l'oublier, c'est lui attribuer une certaine valeur : nulle certes mais c'est bien la penser."

Oui tu as raison, il ne s'agit pas d'un oubli de la mort, je suis allez trop vite. En revanche je parlais bien ici d'un discours qui ne pense pas pas la mort. Penser au sens strict. Ne pas l'oublier ne veut pas dire que l'on y pense. Or je parlais bien ici d'une volonté de ne pas penser la mort sous prétexte qu'elle ne comte pas.

"Bref, ils Y pensent sans LA penser."

Je comprends mieux ce que tu voulais dire. Mon problème c'est que l'action de penser a prit tellement un sens précis chez moi que j'ai du mal à le lire dans son sens "commun" (pour parler vite). Oui, je suis entièrement d'accord et rejoins ce que je disais juste avant.

"Il me semble que la plupart des discours athées ( j'ai encore fait gaffe ) adresse plutôt ce reproche au christianisme. Et c'est précisément pourquoi le propos d'Onfray n'est pas cohérent : ce ne peut être une pulsion de mort si c'est au contraire un oubli de la mort."

Oui, tout à fait. Il me semble qu'un certains discours athée reproche effectivement au christianisme ce que nous pouvons lui repprocher à notre tours. C'est ce que je voulais dire en parlant de l'Église des chrétiens, et de l'absence d'un tel représentant chez les athées. C'est une critique tout à fait valable mais qui dans les termes laisse croire qu'il s'agit là de la position de l'Église, ce qui est faux. C'est pour cette raisons que je précisais bien que je ne visais pas tout l'athéisme, parce que je sais que tous les athées ne tiennent pas le même discours. Mais en visant le chrétien, qui est représenté par l'Église, on vise tous les chrétiens. Ce n'est pas que cela me choque, c'est surtout que cela est faux, précisément parce que le dogme de l'Église, qui est le seul à être représentatif si on a la maladresse de parler des chrétiens en général, ne dit pas cela sur la mort. Le discours de l'Église n'est pas celui de tout les chrétiens. Mais quand on parle des chrétiens en général, on ne peut se référer qu'à l'Église.

"Mais du coup, ton interrogation m'étonne : tu dis que le fan de M ne veut pas dialoguer et tu me contestes que le relativisme ( ce qu'il faut entendre par " enfermement dans la subjectivité " ) interdit le dialogue ? Il me semblait que nous disions la même chose."

Sur le relativisme comme enfermement, il n'y a aucun doute. Je suis entièrement d'accord avec toi. Je revenais juste sur la question du discours dit "objectif", et de tous les problèmes que cela entraîne. Si on pense en termes de discours "objectifs" et "subjectifs", on en vient à penser que le discours "objectif" est le seul possible. Mais c'est une erreur, l'objectivité est une erreur lorsque nous parlons des hommes. Tout discours est subjectif, ce qui ne signifie pas qu'il est nécessairement relativiste !

"" une discussion rationnelle consiste en un essai pour critiquer, et non pour prouver ou rendre probable. Toute démarche qui défend une conception contre la critique, qui la rend sûre et "bien fondée", est une démarche qui éloigne de la rationalité. Toute démarche qui la rend plus vulnérable est bienvenue." Il s'agit donc bien de recevoir les arguments de l'autre pour mettre ses propres conceptions en péril."

Oui, c'est une très belle phrase. C'est la fameuse falsifiabilité du discours rationnel. Il s'agit bien ici de l'exposé d'une méthode. D'ailleurs dans ce "bien fondée" j'entends la critique qu'il fait à Descartes dans La connaissance conjecturale qui construit sur des «fondements» solides. Or pour Popper il s'agit de partir d'un sens commun vague, «sans assurance».

Tout cela est très intéressant. Mais ce que je reproche à Popper n'est pas de cet ordre. Ce que je lui reproche c'est de mal comprendre la culture qu'il expose car il ne lit pas des hommes, mais des objets. Non seulement il commet de nombreuses simplifications qui mènent à l'erreur :

«L'idéalisme, sous sa forme la plus simple dit : le monde n'est rien d'autre que mon rêve». Ce qui est faux.

Il extrait un passage d'un livre de Routledge, et explique que cela va à l'encontre des fondements cartésiens. Je vais citer le passage, c'est plus simple (il commence lui-même par une citation) :

«"L'esprit hébété de notre pauvre Kipa s'accrochait toujours obstinément à l'idée qu'il était mort" Je ne n'affirme pas que l'idée du pauvre Kipa relevait du sens commun, ni même qu'elle était raisonnable, mais elle jette un doute sur l'immédiateté et l'indubitabilité auxquelles prétendaient Descartes.»

Or tout cela est complètement tiré par les cheveux. C'est une réflexion bancale, qui met sur le même niveau toutes les formes de discours etc.

Et il y a ces passages dans lesquels autrui est un objet devan soi comme l'est une pomme de terre. L'idée de décodage, ou lire un livre relève d'un décodage qui suppose un entrainement au même titre que la conduite d'une voiture.

Popper ne comprend rien à la culture, et ne comprends rien à ce qu'est l'homme. Et ce problème "d'objectivité" en science va dans ce sens, la science moderne a complètement perdue le sens de ce qu'est l'homme.

C'est en ce sens que la lecture de Popper me fatigue. Sur de nombreux points il est très intéressant, je suis entièrement d'accord, mais pour l'atteindre il faut passer, comme pour beaucoup de scientifiques qui se mettent à parler de l'homme, de la culture etc. il faut passer par une déshumanisation complète de sa pensée. Cela n'a rien à voir avec le sentimalisme. Ce problème est un problème de compréhension du sens de la culture, du sens du monde, et même du sens tout court.

Cela dit, sachant lire l'anglais, je vais suivre tes conseils de lecture et ne pas m'arrêter au seul texte "la connaissance conjecturale".

" Déliquescence absolue de la modernité " : je ne suis pas certain que le travestissement des positions d'autrui soit tellement propre à la modernité... Surtout s'il s'agit de négligence plus que d'une volonté délibérée.

Il ne s'agit pas de travestissement. Pas du tout. Je parle d'une société qui ne sais plus ce qu'est la culture, le monde, l'homme. Et qui soupçonne, détruisant par là toute possibilité de lien politique entre les hommes. Je te renvoies à l'article affligeant du Monde, que tu peux consulter sur leur site au sujet d'une prétendue lettre d'amour douteuse photographiée par Choc, que ce dernier n'aurait pas voulu publier parce qu'il s'auto-censurerait. Non seulement le fait est inintéressant au possible, mais le soupçon ne repose sur rien, et on relance l'idée d'une suspicieuse presse contrôlée par "Sarko le facho".

C'est absolument terrifiant. C'est de cela dont je parle.

Anonyme a dit…

Bon, ben finalement on est d'accord sur pas mal de choses.

Sinon quand tu dis chrétien, tu veux dire catholique ? Sinon, c'est un truisme que de dire que " le discours de l'Église n'est pas celui de tout les chrétiens."
Je ne suis d'ailleurs pas tout à fait d'accord avec toi si tu parles bien des catholiques. Ok, les catholiques sont avant tout des gens avec leurs singularités. Mais ça doit quand même bien avoir une signification que de se reconnaitre comme appartenant à la seule religion véritablement centralisée.

Pauvre Poppy, il s'en prend plein la tronche. J'ai quand même une petite tendresse. Enfin - relent spinoziste ? - je ne suis pas de ton avis sur la science et l'objectivité. Je suis prêt à défendre, dans une certaine mesure, le point de vue de nulle part.

Sorry pour la modernité, je n'avais pas compris de quoi tu parlais.

Simplement te dire de ne pas être terrifié et que j'espère te voir sortir de ta déprime.

Sémiramis a dit…

Déprimé JB? Il m'a l'air au top de sa forme, au contraire, le bougre.

Sémiramis a dit…

JB, oui finalement tu synthétises bien ce que je pense: la passion apporte de l'eau au moulin de la pensée; c'est aussi bête que ça!

Anonyme a dit…

@ Tatianus

Oui, je parlais bien des catholiques. Et oui, ça a bien une signification d'apartenir à une religion centralisée. Je voulais juste laisser de l'espace à une certaine "liberté" chez les catholiques. Ce que je voulais dire, c'est qu'une critique du catholicisme vise l'Église, mais je ne suis pas dupe, il y a des catholiques qui ne suivent pas complètement le dogme catholique, il faut leur permettre d'exister.

Finalement mon discours ne tient, je parlais du christianisme, et je pensais catholicisme ...

Pour Poppy, je suis désolé. Je porte un jugement assez violent sur la lecture d'un seul article. Il n'y a vraiment rien de définitif là-dedans, c'est pour cela que je vais suivre tes conseils de lecture. Mais il fallait bien que je dise ce que j'en pense.

Pour la déprime et la modernité, ça va tout de même bien ;) Mais la lecture de certains articles de journaux, de certains livres etc. m'ont quelque peu perturbés, mais ça va !

@ Élise

Oui être terrifié un moment n'indique pas forcément une déprime. Heureusement !