Convié par Chloé Chevalier, chef de chœur de son état et grande amie, à l’opéra de Tours, c’est sans a-priori que j’ai abordé cette soirée. Bon, j’avoue, étant invité à un programme contemporain, je m’attendais à quelque chose d’assez conceptuel ! Du reste, nous avons été servi…
Le thème du (de la/de cette) spectacle/performance/foutage de gueule/merde (rayer les mentions inutiles) n’importe pas ici. Pseudo mise en abîme d’extraits de Nietzsche couplée à une chorégraphie venue d’ailleurs, une musique à laquelle on ne peut se raccrocher et des chants inharmonieux, cette « chose » ne tire d’elle même qu’un seul intérêt (en sus du fait qu’on peut jeter des regards complices et amusés à sa voisine de gauche) : celui d’éprouver une vertu quelque peu désacralisée de nos jours, le COURAGE. Pour ceux du fond qui se demandaient encore à quoi servait l’art contemporain, voici un élément de réponse.
De là, deux façons de se montrer courageux :
La première, jouissant d’un petit succès dans les parterres (je n’ai pas pu observer ce qui se passait dans les balcons mais je suppose que les réactions sont assez équitablement réparties), est de partir au beau milieu de la représentation dans un plus ou moins grand fracas ; les mieux placés pour ce genre d’action étant ceux placés en plein centre de la rangée. Le tout étant de se décider à s’en aller dans un moment relativement calme dans le spectacle, se lever assez rapidement pour que le fauteuil se referme avec fracas et dans un mouvement ample, remettre son manteau , prendre son parapluie (les nuits tourangelles sont arrosées ces temps-ci) et d’affronter simultanément tous ses voisins pour qu’ils vous laissent évacuer. Du reste, il ne vous reste plus qu’à passer la porte de la salle que vous aurez soin de claquer subtilement. Vous aurez ainsi éprouvé votre courage pendant les quelques minutes qui auront suffi à exécuter votre plan de fuite.
Plus éprouvante pour votre vertu, la seconde méthode n’a pour seule difficulté physique que de rester assis sur son fauteuil pendant les quelques deux heures et des poussières de représentation. Poussés par l’impératif de l’article à écrire sur le-dit spectacle par ma comparse, nous avons opté pour cette solution. Ayant décroché de l’intrigue (euh, il y en avait une ?) au bout de vingt minutes, j’ai pu alternativement me pencher sur mon chèche fraîchement acheté, me gausser avec ma voisine, observer les représentants du premier groupe quitter la salle, regarder d’un œil les inepties contemporaines perpétuées sur scène… Mais, malgré ce large éventail de choses pouvant m’occuper, il a fallu supporter la musique lancinante, les décors et les effets de lumières psychédéliques, les chants, dialogues et autres pollutions sonores… et ceci pendant plus de deux heures ! Il faut donc pouvoir démontrer un courage important pour surmonter ces épreuves et l’ennui inhérent à ce genre de prestations. Du reste, il faut en sus se jouer des regards assassins de la femme assise juste devant nous. Cette même dame nous a même gratifié à la fin de la représentation d’une remarque acide :
>LA DAME : (acide) Vous auriez pu avoir la décence de partir.
>CHLOE : Nous aurions bien voulu mais j’ai un article à écrire et je devais rester jusqu’à la fin !
>LA DAME : (à la limite de la révolte) Eh bien vous auriez pu au moins vous taire. (se retourne)
>CHLOE : Eh pourtant, nous avons essayé !
Il faut croire que le courage est bien peu valorisé dans nos salles de spectacle...
Enfin, toute cette merde contemporaine s’est quand même achevée par de grands applaudissements couplés à des « BRAVO » répétés et sortis d’on sait quelle bouche ignare.
Les gens sont bêtes…