03 septembre 2007

René Lalique flaconnier - Une certaine idée du luxe

On dit que l'aventure est au coin de la rue, j'aime à croire qu'il en va de même pour la culture! Dans mon cas, il faudrait plutôt dire au coin du bois. Dimanche je suis donc allée voir au coin du bois, et j'ai trouvé ça:

Bon, que je vous explique. En fait c'est un chateau renaissance dont le principal intérêt historique est d'avoir été une des seules places fortes protestantes de la région durant les guerres de religion. Chateau dont, à part un souvenir glorieux lié à l'homonyme fameux du seigneur du coin, Lancelot du Lac (!), il ne restait plus que les douves, où mon arrière grand-père allait pêcher avec son petit-fils (mon papa en l'occurence!)
En quête de supports pour son développement touristique, le Conseil Général du Loiret a décidé de le reconstruire dans les années 90.
On obtient donc un magnifique chateau renaissance des années 90. Vous voyez qu'on peut trouver plus exaltant.
Malgré tout les idées sont bonnes puisqu'a été aménagé un très beau jardin où l'on rêverait de promener un amoureux. Et une muséographie axée sur le parfum dans l'histoire (occidentale) qui se fonde en légitimité sur la place prépondérante du département dans la production de cosmétiques. Le territoire, rebaptisé "Cosmétique Valley" (eh oui...) accueille effectivement la seule unité de production Dior du monde, Shisheido, Caudalie, Sephora, d'importantes structures logistiques de produits de luxe, etc.
Tous les étés, le chateau propose en outre une (toujours) intéressante exposition portant sur un grand nom de la haute couture et du chic français. Je me souviens avoir contemplé avec exaltation des pièces vintage de Rochas et des flacons Guerlain... Cet été, surfant sur la vague de l'exposition des bijoux Lalique au palais du Luxembourg, l'exposition offrait une vaste perspective sur le travail de flaconnier de parfums de René Lalique.


Leurs âmes, d'Orsay, 1913 env.

Autant vous dire que je m'en suis mis plein les mirettes. Je trouve particulièrement remarquable cette créativité inépuisable orientée vers un usage quotidien!
Synthétisant les goûts de son époque avec brio, René Lalique (1860-1945) a été le premier, au tout début du XXème siècle, à conçevoir des flacons de parfum à la fois uniques - car créés en collaboration avec le parfumeur, inspirés par le jus - et de façon industrielle, c'est-à-dire en série - démocratisant ainsi avec les fragrances et leurs splendides flacons ce qui était un vrai luxe...

Orfèvre de formation, le jeune René Lalique séjourna en Angleterre entre 1878 et 1880. A cette époque l'art anglais est dominé par le courant "Arts and craft", mouvement de renouvellement des arts décoratifs dont l'influence est remarquable dans l'oeuvre de l'artiste français. La figure la plus célèbre est celle de William Morris (1834-1896). Pétri de conviction socialistes, Morris conçoit l’artisanat comme une force créatrice à développer face à l'industrie - qui ne produit pas de beaux objets et qui n'apporte pas d'épanouissement aux ouvriers. Artiste et businessman, Morris va créer et commercialiser de superbes tissus, meubles, papiers peints etc.

Le corail rouge, Forvil, 1925

On retrouve chez Lalique cette démarche d'industrialisation artisanale menée avec un souci esthétique exigeant, ainsi que les thèmes végétaux - et animaux qui le rapprochent aussi du Symbolisme. Mais il saura capter et synthétiser les tendances des époques qu'il traversera, que ce soit l'Art Nouveau avec ses figures lascives et ses volutes, ou l'Art Déco avec ses lignes pures et rigoureuses!



La première collaboration de Lalique avec un parfumeur sera celle avec René Coty, dès les années 1900. Le succès est immédiat, mais Coty oriente rapidement son entreprise vers la recherche de fournisseurs meilleur marché... Dès lors le grand orfèvre cisèlera de nombreux flacons, que ce soit pour des maisons encore célèbres: Roger et Gallet, Molinard, Guerlain et dans l'après-guerre Nina Ricci ; mais aussi pour des noms qui ont aujourd'hui sombré dans l'oubli: Worth, d'Orsay, Volnay...
Autant de réminiscences désuètes au chic suranné.


Dans la nuit, Worth, 1924
Les étoiles qui se dessinent sur le bleu du flacon constituent une prouesse technique!

Pâquerettes, Roger et Gallet, conçu entre 1910 et 1920.

L'inspiration généreuse de Lalique se manifeste pleinement dans cet élégant flacon reprennant le motif de... trois guêpes!

Même inspiration pour Au coeur des calices, conçu pour René Coty. Le flacon représente le calice de la fleur, et le bouchon, un petit bourdon...

Le grand "Hit" des années d'après-guerre: l'Air du temps conçu pour Robert Ricci (1942). Ce parfum est l'un des cinq jus les plus vendus au monde!

Bonne semaine à tous.
Visiter le château de Chamerolles: Chilleurs aux bois, Loiret - 02 38 39 84 66

11 commentaires:

Anonyme a dit…

héhé : je jubile de te voir t'intéresser ainsi à la Renaissance ; darling. Je trouve ça tellement ... décadent...

Sémiramis a dit…

Eh bien je m'intéresse à la renaissance comme je m'intéresse à tout ce qui m'entoure, de façon fricole et exaltée et un plus plus approfondie quand les conditions s'y prêtent...
Décadent, je ne vois pas en quoi darling!
Ceci dit la lecture passionnante d'un passionnant mémoire sur l'influence néo platonicienne dans la peinture de Boticceli a probablement été déterminante dans cet intérêt (basse flatterie)...

Anonyme a dit…

je sais pas, j'avais envie de dire "décadent", n'y vois pas de raisons particulières.

Il faut dire que ce mémoire était remarquable !

Bisous irremplaçable darling

Sémiramis a dit…

Irremplaçable moi? Quel vil flatteur ce Coincoin. Allez, je daigne t'accorder un pédant baiser.

Anonyme a dit…

C'est charmant. Un petit coup de Leurs âmes le matin, et zou !

Sémiramis a dit…

Oui, charmant est le mot! Zou!

Anonyme a dit…

J'ai découvert le travail de Lalique récemment, à l'occasion de l'exposiion du palais du Luxembourg. Personnellement je trouve que "décadent" est un adjectif qui va bien avec son oeuvre - même si cela concerne peut-être plus ses bijoux que ses flacons - et j'ajoute que ça ne me déplaît pas (hmmm, bouquiner du Lorrain ou du Huysmans entouré de ce genre d'objets doit être une expérience intéressante!...). C'est en tout cas un plaisir de découvrir quelques créations supplémentaires de son cru grâce à tes superbes photos!

Sémiramis a dit…

Tout à fait d'accord Léopold, Lalique incarne parfaitement l'esprit symboliste et décadent de cette fin de siècle et début de XXème...

Ce qui était parfaitement étonnant c'est que Coincoin applique l'adjectif décadent à mon engouement pour la renaissance!

J'ai loupé l'expo Lalique mais d'aucuns autour de moi sont restés sur leur faim. Qu'en as tu pensé?

Bonne nuit!

Sémiramis a dit…

Ah, et merci pour les compliments sur mes photos! Je n'ai aucun mérite, mon appareil est assez fantastique il m'obéit au doigt et à l'oeil!

Anonyme a dit…

En ce qui me concerne j'ai vraiment beaucoup apprécié cette exposition. - Je l'avais d'ailleurs chroniquée pour mon propre blog, le lien sur ma signature renvoie directement au billet. - En revanche il est vrai qu'il s'agissait de pièces de (souvent très) petites tailles, méritant qu'on leur porte une attention minutieuse, et que ce n'était pas toujours facile; et encore, j'y suis allé à un moment où la foule n'était pas à son maximum... J'imagine que certaines frustrations peuvent peut-être venir de là, je ne sais pas...

Sémiramis a dit…

Effectivement, quand on connaît l'affluence des expos parisiennes...

Bon, je vais mettre ce week-end à profit pour lire ton compte rendu. En attendant, je vais dormir!

Good night et merci de la fidélité de chacun!