10 janvier 2008

Mélodrame bourgeois et longueurs

Divorce à Buda, de Sandor Maraï (1935)

Enthousiasmée par Les Braises, je poursuis ma découverte de Sandor Maraï, avec Divorce à Buda: grosse déception. On retrouve des thèmes communs, apparemment assez récurrents dans l'oeuvre de l'écrivain hongrois: le huis-clos entre deux hommes - autour d'une figure féminine qui à la fois les réunit et les oppose, le motif de la passion - ici pathologique, un regard désabusé sur la bourgeoisie issue de l'empire austro-hongrois...
Seulement, l'intrigue est lourde, les ficelles assez grosses - avec une dose de freudisme subtile qui suffit à exaspérer. Tout se mélange dans un mélodrame bourgeois ennuyeux avec de longues digressions qui rappellent les pires moments du morne et désespérant Zweig.
Et finalement la somme de reflexions intéressantes du roman, sur le désir humain de posséder totalement celui que l'on aime, les occasions manquées, les non-dits, le désir de justice... tout est didactique et presque caricatural. On ne retrouve pas le souffle romanesque, condensé et intense, qui anime l'intrigue des Braises.
Heureusement, il y a l'absente ! Mais je n'en dis pas plus pour le moment...


Divorce à Buda,
Sandor Maraï
traduit du hongrois par Georges Kassai et Zeno Bianu
Le Livre de Poche, 2007
première édition française, Albin Michel, 2002

30 commentaires:

Catherine a dit…

Concentrez vous sur "l'absente" !

Didier Goux a dit…

Et, surtout, laissez-moi tomber ces Zweig et consorts et lisez Joseph Roth jusqu'à plus soif !

Sémiramis a dit…

Zweig, je l'ai toujours détesté. Je vais mettre Roth sur ma liste de lecture mais quel ouvrage me conseillez vous pour débuter?

En attendant, priorité à l'absente que je ne savoure que plus!

Anonyme a dit…

Et bien, moi, j'aime Zweig !

Les "Vingt-quatre heures de la vie d'une femme" m'ont semblé être parmi les plus intéressantes de la vie d'une femme (oui, je sais ce que l'on va dire, alors c'est pas la peine). Le "Marie-Antoinette" est l'une des vies de Marie-Antoinette les moins emmerdantes qu'il m'ait été donné de lire. J'ai lu "Le joueur d'échec" en un peu moins d'une heure et j'ai passé une journée à le relire le lendemain, ravi. Quand à "Amok", "Volpone" ou "Marie Stuart", je n'ai pas trouvé ça vraiment très chiant, au contraire. Une réserve quand même sur "Erasme", mais c'est plus le personnage d'Erasme que je n'aimais pas, du moins tel qu'il transpirait de l'oeuvre de Zweig.

Le problème avec Zweig, c'est qu'il est inclassifiable sur beaucoup de points et qu'il ne sufft pas de dire "humaniste" ou "pacifiste" pour en avoir cerné un petit bout.

Bon, allez, c'est fait, j'ai défendu un auteur qui m'a souvent donné beaucoup de plaisirs.

Anonyme a dit…

Je me joins à Halio pour défendre le pauvre Zweig, bien malmené en ces contrées. Tout de même "Le Monde d'Hier", ce n'est pas rien !
Bonne soirée,
Ne restez pas absente trop longtemps.
D.

Didier Goux a dit…

1) Zweig, d'abord : je suis d'accord avec Inactuel pour défendre Le Monde d'hier et avec Halio pour les biographies (celle de Balzac est parfaite). Mais c'est tout, sur le plan littéraire. On peut ajouter, sur un plan extra-littéraire, que Zweig était un homme d'une grande générosité qui, après l'exil des antinazis allemands, a fait beaucoup (notamment financièrement) pour aider les déracinés (dont Roth au prezmier chez : leur correspondance est magnifique).

2) Roth, justement. Grosso modo, l'oeuvre se partage en deux branches (qui se rejoignent çà et là) et que j'appelle les romans "austro-hongrois" et les romans "juifs orientaux". Dans la première veine, il me semble indispensable de lire La Marche de Radetsky. Pour les romans "juifs", le recueil de nouvelles Le Marchand de corail et surtout Le Poids de la grâce.

Enfin, ne pas oublier l'ultime oeuvre de Roth, achevée en 1939, quelques semaines avant sa mort (entraînée par une crise aiguë de delirium tremens), et intitulée La Légende du saint buveur, court récit qui est une sorte de miracle de poésie et de profondeur - de désespoir, sans doute, aussi.

Voilà, M'dame.

Sémiramis a dit…

Ah mes enfants, j'entends absolument vos arguments et veux bien m'y plier!

J'ai passé d'ennuyeuses heures avec Zweig (que j'ai dû, en plus "étudier" pour le bac de lettres) et j'avoue que je ne suis pas très enthousiasmée par cette personnalité désabusée et bouregoise.

Je n'ai lu aucun de ses essais, peut-être sont-ils meilleurs que ses nouvelles dont j'ai un souvenir pesant, didactique, moralisant et surtout hyper négatif dans la vision du monde.

Evidemment cela peut se comprendre, l'époque n'était pas très youkaïda, mais bon, moi ça me plombe tout ce désespoir.

Quant à Joseph Roth, j'avais occulté ce livre fameux, effectivement: je le lirai!

Merci pour vos réactions et amitiés!

Sémiramis a dit…

D.

C'est une absence toute relative, ne vous inquiétez pas!

Jean-Baptiste Bourgoin a dit…

Merci vous me faites gagner du temps ! Je pensais lire Zweig un jour ou l'autre, je ne le ferais pas.

Sémiramis a dit…

Certes mon cher ami; ce blog tend modestement à améliorer la productivité culturelle de ses lecteurs en les aidant à sélectionner une matière première de qualité optimale!

Catherine a dit…

Moi aussi j'ai aimé "le monde d'hier" n'en déplaise à mon Luminaire Céleste, c'est quand même lui qui me l'a fait lire !

Sémiramis a dit…

Bon, alors je le lirai peut-être, si l'Irremplaçable l'a aimé...

Anonyme a dit…

JBB,
vous m'étonnez grandement.
comment peut-on, sur l'avis de deux ou trois personnes seulement, renoncer à la lecture d'un auteur ?
n'avez-vous jamais fait l'expérience du fait qu'un livre peut déplaire énormément quand on le lit à un moment et plaire ensuite totalement quand on le relit plus tard (ayant muri ou changé) ? (ce qui serait p-e le cas d'Elise si elle relisait Zweig maintenant)
enfin, l'avis des autres vous suffit-il ? n'avez-vous pas de curiosité intellectuelle personnelle ?

Anonyme a dit…

Elise,
"améliorer la productivité culturelle" ?!
tu nous tiens là un discours digne des grandes heures de l'éducation nationale !!!
en fait, comment peux-tu être certaine de ta sélection alors que tu as, somme toute, une culture relativement restreinte puisque tu n'as pas encore un quart de siècle... ?

Jean-Baptiste Bourgoin a dit…

@ Raph

Il ne faut pas prendre ce que je dis trop au sérieux ;)

Il est tout à fait possible que je lise Zweig un jour, mais les avis croisés de quelques amis et de certaines lectures ne me pressent pas.

"enfin, l'avis des autres vous suffit-il ? n'avez-vous pas de curiosité intellectuelle personnelle ?"

Il faudrait que vous fassiez un tour sur mon blog ;)

Sémiramis a dit…

On dirait que Raph a décidé de rappeller à l'ordre les mégalos que nous sommes... ;-)

Mais je te trouve un peu rude!

Effectivement, il y a des amis dont on commaît tellement le paysage intellectuel que l'on peut juger d'après leurs impressions de la qualité d'un livre. Il y a une différence entre se référer à l'avis de quelques uns et se référer à l'avis d'un ami!

L'effet de consensus assez général, ici présent, chez des gens apparemment pour autant qu'on puisse en juger depuis des mois sur ce blog sont cultivés et relativement ouverts, joue aussi!

Alors oui, l'avis des autres peut suffire (parfois même, il le doit), et le fait de parler simplement ou d'écouter parler de livres que l'on n'a pas lus est déjà le signe d'une puissante curiosité personnelle!

A bon entendeur!

Sémiramis a dit…

En ce qui concerne ma culture restreinte, je répondrais qu'il ne s'agit pas d'une question de quantité mais d'une question de QUALITE!

Anonyme a dit…

Enthousiasmée par "Braises" et "L'héritage d'Esther", j'ai voulu poursuivre ma découverte de Marai mais j'avoue que j'ai été plutôt déçue par ses autres oeuvres.
Sinon, j'aime aussi beaucoup "Le Monde d'hier" de Zweig (ainsi que "La pitié dangereuse" et "Vingt-quatre heures de la vie d'une femme"). :-)

Sémiramis a dit…

Bonjour Flore!

Alors si vous nous recommandez l'héritage d'Esther, je vais le lire. Lesquels avez vous lu autrement? Les Confessions d'un bourgeois?

Bonne soirée et merci de votre visite!

Anonyme a dit…

"Les Confessions d'un bourgeois" m'est littéralement tombé des mains. Une amie me l'avait conseillé en me disant : "puisque tu as aimé "Le Monde d'hier" de Zweig", celui-ci devrait te plaire". Personnellement, je trouve que les deux ouvrages n'ont absolument rien à voir.
Même sort pour "Divorce à Buda" que les critiques comparent pourtant souvent à "Braises" ...
En ce qui concerne Zweig - que je n'avais jamais étudié au lycée - je l'ai découvert à l'université, un peu par hasard, dans la correspondance de Hermann Hesse.

Sémiramis a dit…

Ah ah, vous faites bien de me prévenir! Quelles études avez-vous suivies à l'université?

Anonyme a dit…

Littérature française et comparée (à Nanterre).
Cordialement

Sémiramis a dit…

Avez vous travaillé sur un auteur ou un sujet particulier? (ah je suis curieuse!)

Bonne soirée!

Anonyme a dit…

Oui !
Hermann Hesse (littérature comparée) : "Face au christianisme et aux religions orientales,un insoumis à la recherche de l'absolu".
Christian Bobin (littérature française contemporaine): "La femme et sa relation au divin".
Voilà, vous savez (presque) tout ! :-)
Bonne nuit (vu l'heure ...)

Sémiramis a dit…

Oh la la, deux auteurs que je n'ai même pas lus! Hermann Hesse doit être pourtant très intéressant par rapport à Simone Weil. Quant à Christian Bobin, c'est ne chouchou de ma maman et aussi de sa maman à elle! J'ai dû lire tout de même de lui un petit livre, l'homme qui marche (?) sur la recommandation grand-maternelle.

Bon week-end!

Anonyme a dit…

J'ai constaté que Bobin, on adore ou on déteste ... Pour se faire une idée il vaut donc mieux commencer par emprunter ses ouvrages à la bibliothèque du quartier :-)
Si un jour vous avez le temps, je vous conseille : "Le Huitième jour de la semaine", "L'Enchantement simple" et "La Part manquante".
En ce qui concerne Hermann Hesse, est-ce pour son "pacifisme" que vous le rapprochez de Simone Weil ?
Bon week-end.

Anonyme a dit…

Je n'ai lus qu'une seule chose de Hesse, une nouvelle : «Le dernier été de Klingsor». J'en ai un très bon souvenir, mais très flou.

Il faut que je le lise à nouveau...

Sémiramis a dit…

Flore,

Oui les ouvrages de Bobin sont en général de petits livres non? J'irais voir à la bibli (quand je serai venue à bout de R.Camus!) En fait je pense que c'est probablement un auteur que j'apprécierai plus quand je serai plus vieille (je suis trop attachée au "romanesque" encore!)

Je pensais plus au contact avec les religions orientales qu'au pacifisme pour SW/HH... contact décisif chez SW pour comprendre son rapport avec le christianisme!

Bon dimanche, amitiés

Anonyme a dit…

Un court extrait de "Une petite robe de fête". Cadeau ! - en attendant que vous soyez "bien vieille, le soir à la chandelle", etc., :-) pour lire Bobin.
"La poésie commence là, dans ce chapitre, vers cette fin du douzième siècle, sur cinquante centimètres de neige, quatre phrases, trois gouttes de sang. La poésie, la fin de toutes fatigues, la rose d'amour dans les neiges de la langue, la fleur de l'âme au fil des lèvres. C'est dans ce siècle, dans cette furie des affaires, des dettes de sang et des guerres d'honneur, que les troubadours prennent le nom d'une femme entre leurs dents et laissent monter leur chant, une flamme bleue dans le ciel franc. C'est dans ce monde sans issue qu'ils inventent une issue, la porte d'un seul nom dans toutes les langues, l'appel d'un seul vers une seule, et la terre saisie dans l'étoile de ce chant, illuminée dans le tour de cette voix. C'est dans ce temps que naît une nouvelle figure d'homme, immobile, absent. Immobile sur la neige blanche, penché sur l'absence rouge, ne désirant plus rien du monde, et qu'on le laisse en paix dans la contemplation de son amour".
Ce n'est pas romanesque, ça ???
Bonne soirée.

Sémiramis a dit…

C'est magnifique, et merci beaucoup!
Mais je persiste: c'est contemplatif!

Le romanesque, ce sont des passions qui vous submergent, la puissance d'évocation des images est incarnée dans des personnages qui concentrent en eux toute l'intensité du texte... L'extrait que vous donnez propose autre chose (à mes yeux!)

Bonne nuit Flore, et merci de ce petit cadeau!