15 août 2007

Sur l'Incarnation par Funny Friend : 1 - Jésus, vrai homme, vrai Dieu

De nombreuses religions mettent en oeuvre l'incarnation. Des religions antiques aux religions asiatiques encore actives aujourd'hui. Pensons simplement aux multiples incarnations auxquelles se livre Zeus pour conquérir ces dames ou bien aux multiples incarnations de Vishnu comme Krishna. De nombreux mythes exaltent le rencontre entre le divin et l'humain. Dans ce genre de cas on dépasse guère le stade de l'anthropomorphisme : l'événement reste circonscrit dans le temps et très souvent la nature humaine sert de faire-valoir à la nature divine.
Seulement chez les chrétiens rien de tel vous vous en doutez. Le « concept » y trouve sa forme aboutie. Pour les disciples du Christ, l'Incarnation est le fait que le Fils de Dieu ait assumé la nature humaine et ait consenti, par là, à s'abaisser pour assurer notre salut. Donc Jésus est vrai homme et vrai Dieu. Homme et Dieu à part égale et entière. Une seule personne (en théologie on emploie le terme d'hypostase) mais deux natures. Voilà ce qui fait la spécificité de la foi chrétienne et, à mon sens, sa force, sa vérité.
L'Incarnation dépasse le cadre de la fantaisie mythologique. Si Dieu choisit d'assumer la condition humaine c'est parce qu'Il est Tout-Amour et qu'Il veut réaliser notre salut quelque peu malmené depuis qu'Adam et Eve eurent commis le péché originel.
Cette cause salvatrice de l'Incarnation, Nicolas Cabasilas, penseur grec orthodoxe de la fin du XIVe sièlcle nous en donne connaissance d'assez belle manière. A la question « Pourquoi Dieu s'est-il fait homme ? », voici ce qu'il répond :
« Il n'était pas possible de vivre pour Dieu sans être mort aux péchés ; mais le pouvoir de mettre à mort le péché n'appartenait qu'à Dieu. En effet, pour nous les hommes c'était une obligation -ayant été vaincus volontairement, nous étions tenus de réparer notre défaite-, mais cela nous était absolument impossible, une fois devenus esclaves du péché : comment aurions-nous pu l'emporter sur ce dont nous étions esclaves ? Aurions-nous même été plus grand que nous ne sommes, « l'esclave n'est pas plus grand que son maître. » Puis donc que celui qui était tenu d'acquitter cette dette et de remporter cette victoire était réduit en esclavage par ceux-là même qu'il devait vaincre au combat ; et puisque Dieu, qui était capable, n'avait aucune dette, et que dans ces condition aucun des deux ne se chargeait du combat, et que le péché vivait, et qu'il n'y avait plus moyen que la véritable vie se levât sur nous -car autre était celui qui devait gagner ce trophée, autre celui qui le pouvait-, pour cette raison il fallut que l'un et l'autre se réunisse, que fussent un seul et même être les deux natures de celui qui devait faire la guerre et de celui qui pouvait vaincre.
C'est ce qui se produit : un Dieu s'approprie le combat livré pour les hommes, parce qu'il est homme ; un homme triomphe du péché, étant pur de tout péché parce qu'il est Dieu. De cette façon, notre nature est affranchie de la honte et ceint la couronne de la victoire, car le péché a été abattu. »

En somme cela revient à l'exclamation de Jean Chrysostome lors d'une homélie sur la Nativité : «Un Dieu sur la terre, et un homme dans le ciel ; un concert admirable rétabli». Oui, par le mystère de l'Incarnation le monde retrouve son caractère intrinsèquement bon, son harmonie est rétablie.

Le Nouveau Testament manifeste largement cette unité des deux natures, humaine et divine, en la personne du Christ. Tout est intimement lié.
Tout commence par la Nativité. Une naissance banale en apparence mais l'ange du Seigneur est présent pour annoncer au monde à travers les bergers de Bethléem le caractère extraordinaire de la venue au monde du Christ : « Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : aujourd'hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur. Et voilà le signe qui vous est donné : un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire ». « Un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire ». On voit bien qu'ici pour Dieu prendre forme humaine n'est pas un jeu, une solution de facilité pour assouvir tel ou tel désir. Dieu a choisi d'assumer jusqu'au bout l'Incarnation, pas de signe particulier, pas de coup de tonnerre pour prévenir de son arrivée, pas de signe distinctif, non, simplement « un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire ».
Comprenez-moi bien, je ne voudrais pas passer pour un arien de derrière les fagots (bien que tout ça soit bien mystérieux et que chacun d'entre nous soit toujours plus ou moins hérétique sans le savoir ; papa, maman si vous me lisez...) mais les faits sont là. Et je ne gloserai pas sur le silence des évangiles concernant les quelque trente années qui précèdent le ministère public du Christ. Pendant ce temps Jésus vit «normalement », « grandissant et se fortifiant, tout rempli de sagesse, et la grâce de Dieu étant sur lui ».
Le Baptême du Christ marque un tournant évidemment, Dieu lui-même s'exprime : « C'est toi mon Fils : moi, aujourd'hui je t'ai engendré ». Au fur et à mesure que Jésus avance dans sa mission salvatrice son caractère divin s'affirme. Il se manifestera d'ailleurs glorieusement par la Résurrection et la Pentecôte. Mais la manifestation de la nature divine du Christ n'efface en rien son humanité. Prenons le texte de la résurrection de Lazare . Notre Dieu, Jésus, celui-là même qui affirme à Marthe : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s'il meurt, vivra » (v.25), Jésus donc, est touché, ému, bouleversé par la mort de son ami Lazare. Le terme est répété deux fois tout comme l'équivalent grec, «εμβριμωμαι » qui ajoute une nuance de colère, de révolte dans le sentiment exprimé par Jésus à ce moment. On notera aussi l'emploi du verbe « δακρυω » : le Christ verse littéralement des larmes et fait preuve de plus de retenue puisqu'à l'opposé, Marthe, Marie et les familiers de Lazare « se lamentent » («κλαίω ») dans la plus pure tradition orientale. Bref, Jésus réagit comme n'importe lequel d'entre nous le ferait face à la mort de son ami et à la détresse de sa famille.
Oui, mes amis, « DEUS CARITAS EST » et par surcroit « Deus homo est » ! Jésus est d'ailleurs tellement homme qu'il va jusqu'à subir pour nous la dernière des infâmies : la mort. Naissance et mort, le destin de chacun d'entre nous. Ce destin, le Christ l'a vécu. Seulement puisqu'Il est le Sauveur il est allé plus loin. « Le Christ est ressuscité des morts. Par sa mort Il a vaincu la mort. A ceux qui sont au tombeau Il a donné la Vie ».
Vous vous rendez bien compte tous seuls, arrivés à ce stade, que l'exposé que je tente de construire, et au-delà toute recherche théologique elle-même trouve sa limite dans l'objet-même de sa recherche tellement l'imbrication de tous ces éléments est grande (Incarnation, Résurrection, humanité, divinité,etc.), tellement dans une telle démarche la tête doit laisser place au coeur !!
Puisque tout ça me donne quelque peu le vertige et que résonne en moi les paroles de St Thomas d'Aquin, « Contemplata aliis tradere », je vous propose une pause, petit temps de silence ou de prière pour ceux qui veulent, une bonne Guiness pour les autres. Rendez-vous dans deux minutes pour la deuxième et dernière partie de ce déjà long discours !! (lol)....

1 commentaire:

Sémiramis a dit…

Je ne sais pas pourquoi, la transposition depuis word a squizzé les notes de bas de pages! je verrais demain si j'ai le courage de les copier/coller... Ca ferait plus scientifique quand même!