21 juin 2007

Fureur et mystère, Brahms à Orléans

Pour D. mieux vaut tard...


Le vendredi 8 juin, j'assistai avec Ulrich au grand concert quasi inaugural du Festival de Sully et du Loiret: Brahms par l'Orchestre Pasdeloup, soliste Sergueï Babayan. La direction était assurée par l'autrichien Wolfgang Doerner. Comme d'habitude dans ce genre de sauteries, les têtes blanches et les blazers à bouton dorés étaient de rigueur, et notre charmante et fraternelle délégation pellerinesque détonnait un peu dans le paysage. L'exaltation fut pourtant, imaginiez vous le contraire, au rendez-vous.
Dans une autre vie, si le Seigneur m'avait faite janséniste, ou tout simplement honnête et chaste fille, je me serais à la sortie de ce concert précipitée chez mon confesseur pour soigner les effets de tant de fureur passionnée. Le Concerto n°1 pour piano et orchestre (1859) est une des choses qui m'exaltent le plus sur terre. La force évocatrice de cette oeuvre est terrifiante, elle entraîne l'imagination dans des méandres d'images grandioses et torturées. N'étant pas janséniste, je préfère vous raconter mes émois que de m'en mortifier.


Mais ce qui est splendide, indépassable, c'est ce dialogue entre l'orchestre, grand corps passionément harmonieux, en mouvement perpétuel, et le piano, cristallisation de l'être romantique qui se cherche et se perd dans le feu des passions qui l'emportent. Dialogue qui voudrait se faire combat, et les sons du piano prennent une voix étrangement humaine qui fait tressaillir et arrache au coeur un sentiment terriblement aigu de la beauté. De la souffrance aussi, et dans le tragique de cette oeuvre en perpétuel basculement je retrouve la voix du Christ, priant et suppliant au jardin des oliviers, seul face à la fureur du monde qu'il affrontera ensuite et qu'il transcendera par la Croix.
Que dire de la troisième Symphonie? Tube, archi-tube par excellence. Elle m'évoque les plus belles pages, les plus rayonnantes d'espérance, des grands romans russes. La bataille de Stallingrad dans Vie et Destin. Ce sentiment d'un drame gonflé d'espérance et d'une inexorable pulsion de vie.

La direction enthousiaste de Wolfgang Doerner, mince et inépuisable commandant aux éléments mouvants de l'orchestre, nous a impressionés. Nous sommes restés cois devant cette silhouette suspendue au silence, lorsqu''il referma lentement les bras autour de son corps pour clore l'allegro final... comme pour embrasser le mystère qui habitait cette musique furieuse, pour manifester la présence substantielle du silence. Et dans un ample mouvement, les fit retomber avec noblesse. Fureur et mystère.


Ill: Le jardin des oliviers de Mantegna, que l'on peut voir au Musée des Beaux Arts de Tours


7 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est dingue, en te lisant, moi aussi je reste suspendue en silence un instant et ensuite j'ai envie d'applaudir ! Magnifique... une fois de plus, dirais-je.

Sémiramis a dit…

Ah, c'est donc que j'ai bien rendu la magie de ce moment de grâce incroyable. Merci Raph! Et bonne nuit...

Anonyme a dit…

Wouha!
mortel comme on dit chez moi!

Anonyme a dit…

Merci de la dédicace, chère Elise !
Vous décrivez là un Brahms que je ne connais pas bien mais qu'il me tarde de découvrir plus avant. Pourvu que la musique soit aussi belle que vos mots.
Bon WE
D

Sémiramis a dit…

Tard rentrée du concert des Arts Florissants... Je vous le raconterai la semaine prochaine, puisque ce we je suis en goguette à Paris! je vous ferai aussi un compte rendu de partage de midi à la comédie française... Promis!
Pas de nouvelles publications donc jusqu'à mardi minimum.

Ano --> Euh, jusque là j'ai survécu mais qui sait, le prochain coup sera peut-être fatal, et je succomberai sous le feu de la beauté, telle sainte Thérèse ma patronne, blessée au coeur par les flèches enflammées de l'amour de Dieu que lui apportait un séraphin!

D --> Derien et ne vous inquiétez pas, la musique dépasse tous les mots (c'est pour ça aussi que cet article fut si long à venir...).

Bon week-end à tous!

Anonyme a dit…

Beau week end!Mois c'est a Mante la ville que je suis parti!A tres bientot tout le monde!

Sémiramis a dit…

Alors Sylvain, c'était touristique Mantes? Tu me raconteras ça demain. Bisous!