13 novembre 2007

...s'étirait, immense et sans fin...



"L'aube approchait. Le brouillard flottait au-dessus de la Volga et il semblait qu'il avait englouti toute vie.
Soudain le soleil apparut, comme une explosion d'espoir. Le ciel se refléta dans l'eau et l'eau sombre respira et le soleil sembla crier dans les vagues du fleuve. La rive était blanche de givre et les arbres roux ressortaient gaiement sur ce fond blanc. Le vent forçit, le brouillard disparut, le monde avait la trasparence aiguë du cristal, et il n'y avait de chaleur ni dans le soleil éclatant, ni dans le bleu du ciel, ni dans le bleu de l'eau.
La terre s'étirait, immense et sans fin. Et, immense et éternel comme la terre, il y avait le malheur"
Vie et destin, Vassili Grossman, Chap. 25 (p. 129 édition pocket)

13 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est donc que le malheur a une fin ?
(chouette !)
bonne soirée,
D.

Anonyme a dit…

Merci pour ce très bel extrait !

Si la froideur, le glacial est malheur, alors la satisfaction vivifiante d'une promenade au bord d'une eau claire et sous la lumière pâle du soleil de l'automne ne peut naître que du désir de réchauffer la terre.

Anonyme a dit…

et, immense et éternel comme la terre, il y avait le bonheur...
car que viendrait faire le malheur dans un gai paysage d'automne ??

Didier Goux a dit…

Je reste personnellement frappé par l'extraordinaire concision de l'incipit de Vie et Destin, en même temps que par sa force, son pouvoir à, enquelque sorte symboliser, résumer tout ce qui va ensuite être dit :

Le brouillard recouvrait la terre.

Difficile de faire mieux, il me semble...

Sémiramis a dit…

Il faut préciser que l'extrait se situe au moment ou l'un des personnages féminins part auprès de son fils blessé de guerre (qui en fait est mort mais elle ne le sait pas, quoiqu'elle s'en doute). Donc, le malheur est infini et éternel comme la mort d'un fils chéri.

Je suis d'accord avec vous Didier, l'incipit est génial. Le brouillard et les lignes droites qui reviennent sans cesse et semblent tracer le destin au détriment de la vie...
Je vous remercie d'ailleurs car c'est grâce à vous que j'ai repris ce livre. Il est rare qu'on rencontre quelqu'un qui le connaisse et l'occasion est trop belle pour ne pas partager!
Mais je voulais vous demander: connaissez-vous de bonnes critiques de ce livre?

Bonne soirée et merci.

Didier Goux a dit…

Chère Élise, dans l'édition "Bouquins" dont il s'est occupée, et pour laquelle il a écrit une longue et très intéressante introduction, Tzvetan Todorov donne deux ouvrages en bibliographie :

- S. Liptkine, Le Destin de Vassili Grossman, L'Âge d'homme,

- S. Markish, Le Cas Grossman, Julliard-L'Âge d'homme.

Mais, évidemment, je n'en ai lu aucun des deux.

Du reste, si quelqu'un parmi vos commentateurs souhaitait découvrir Grossman, je me permets de recommander vivement cette édition : outre que c'est la première complète en français, elle contient aussi d'autres textes superbes.

Anonyme a dit…

Merci, Didier, de la recommandation. Je cherche ardemment cette édition dans ma bonne ville de Grenoble, mais pour l'instant je ne l'ai pas trouvée. Je sens qu'elle va finir dans ma "wish list" amazon...

Didier Goux a dit…

"Dont il s'est occupÉ", sombre crétin !

Sémiramis a dit…

Merci du conseil Didier!

C'est vrai que l'achat de cette édition (récente: j'avais d'ailleurs salué sa sortie sur ces pages!) n'était pas prioritaire car j'avais acquis avant sa parution plusieurs des textes qu'elle rassemble. Malgré tout j'ai bien envie de lire Todorov alors...

J'aime énormément le texte de la madone sixtine! Je l'ai évoqué aussi ici dans un texte sur le tableau en question qui est l'une des pages les plus consultées sur mon blog!

Par contre je n'ai pas encore lu tout passe qui est pourtant sur mes rayonnages.

Avez-vous lu les carnets de guerre? Je l'ai offert à plein de gens et même pas acheté pour moi.

Bonne soiré ;-) euh soirée!

Didier Goux a dit…

Pas lu les Carnets de guerre, non. Ça se trouve en librairie, à votre avis ?

(Vous me direz que j'ai juste à aller voir sur Amazon, hein !)

Je ne sais plus où (chez moi ?), vous me dites que vous venez d'emménager près de la gare des Aubrais : cela m'a rajeuni, moi, qui, trois étés de suite, y ai fait les 3 x 8 en tant qu'étudiant saisonnier. Je venais de la Ferté-Saint-Aubin à mobylette et, les matins où il pleuvait, décoller à trois heures vingt du mat, se taper trente bornes pour être à quatre heures dans mon portillon, les godasses peines d'eau, il fallait vraiment avoir 18 ou 19 ans, je vous jure !

Anonyme a dit…

Bonjour,
Merci à vous qui m’incitez à lire Vie et Destin.
Certes, il y a longtemps déjà que je me suis promis de le faire, mais je n’ai cessé d’en différer le moment, plus prompt à m’immerger dans les œuvres prodigieuses de Proust ou Musil, lesquelles m’inspirent la plus vive admiration …

Sémiramis a dit…

Cher Didier,

les Carnets de guerres ont été salués dans l'actualité éditoriale comme un évènement et vous les trouverez dans la plus vulgaire des FNAC (c'est dire...). Par contre, le les cherchez pas au rayon littérature mais au rayon documents historiques (je me suis fait avoir!).

Ah, les souvenirs de jeunesse, vous devriez en faire un roman misérabiliste comme il se doit ;-)

Sémiramis a dit…

Eliade,

Grossman ne joue pas sur le même terrain que Proust et Musil; je ne vois pas d'ailleurs à qui on pourrait le rapporter. Précipitez vous sur Vie et Destin!

Bon dimanche.