09 décembre 2006

La povre vita, par Elise et Jean-Baptiste


Itinéraire d'un enfant raté, Marcello (à prononcer avec l'accent, par une voix féminine bien sûr, l'oeil coquin ou hagard selon les cas), la Dolce Vita est ce que l'on peut appeller à juste titre un film culte. Voire cultissime; palmé à Cannes, dont le titre est devenu proverbial, dont certaines scènes hantent l'imaginaire collectif... Appâtés par ces relents de magnificence, Jean-Baptiste et moi-même décidâmes, après quelques vins chauds et autres anti pasti, de briser notre virginité felinienne et d'enfin entrer dans le cercle des élus, ceux qui ont vu la Dolce Vita.
Nous nous proposons d'analyser philosophiquement ce film à partir du concept de décadence. D'où cette petite critique à vingt et un doigts (10 pour JB, 10 pour moi, 1 pour le porto).
Avec la Dolce Vita, Felini nous plonge dans les délires de l'automystification. Ce qui est mis en valeur à tous les niveaux par le cinéaste, c'est effectivement le déploiement de fictions et de mystifications, que ce soit dans l'espace social comme dans l'espace intime - et bien évidemment en premier lieu dans l'espace amoureux.

A part un physique plutôt agréable, que lui prête Mastroianni, ce pauvre Marcello n'a pas grand chose pour lui. On pourrait psychanamlyser tout ça : un papa absent, et plutôt joli coeur, une mère par conséquent éplorée qui a dû l'étouffer de toute sa passion maternelle... Quelle autre issue pour notre héros que celle d'une tension affective permanente? Cherchant désespérement l'amour, il s'encombre d'une jalouse passionnée qui le materne et l'étouffe, bien entendu. Dans un grand moment de vérité sur lui-même, il tentera bien de la jeter en le lui reprochant, mais cette franchise et ce courage ne dureront pas. Il semble donc retomber dans ses bras tout en poursuivant un papillonage amoureux des plus pathétiques. Eh oui, Marcello est un faible. Il ne remonte pas la cote de la virilité, bref c'est un homme qui veut le beurre, l'argent du beurre, le sourire de la crémière et un plan à trois avec sa copine.

Il faut dire que la mise en scène de Felini n'arrange pas le tableau. Nulle image qui ne soit précieusement ciselée en vue de faire paraître le grotesque, le ridicule, la fausseté des sentiments exprimés qui se croient pourtant sincères. Tous les clichés et toutes les caricatures y passent, depuis celle de la blonde idiote à gros seins, candide et exaltée - c'est la fameuse scène du bain dans la fontaine, qui n'a rien de romantique, on vous l'assure. Imaginez plutôt une fin de soirée arrosée, une blonde très décolletée dont les envies de tee shirt mouillé nous rappellent les raffinées soirées éponymes au Macumba Club du coin. Tout ça devant l'oeil concupiscent, amoureux et fasciné de Marcello. Car Marcello n'est pas à proprement parler un salaud - même si en réalité, il l'est. Quand il tombe amoureux de Sylvia - la fameuse blonde - il est intimement touché, profondément ému, comme transcendé par une grâce qui le dépasse. Hagard, perdu, cet esclave des passions ne sait à quel sein se vouer. Et c'est là qu'intervient l'oeuvre mystificatrice: il faut bien se convaincre que l'on n'est pas un salaud. Avec Sylvia, comme par la suite avec Magdalena, Marcello est sincère. Sincèrement amouraché de toutes, perdu dans une interminable sélection, il est incapable de faire face à la nécessité de l'élection et d'en aimer correctement une seule.

Mais la mystification ne s'arrête pas aux histoires de coeur de Marcello. En réalité, son personnage nous permet d'entrer de plein pied dans un jeu de dupes de plus grande ampleur. Vous aurez reconnu le thème du fameux theatrum mundi, de la Comédie Humaine. Autour de lui se déploie l'hystérie collective, la vanité, l'orgueil, le voyeurisme, la culte médiatique du sensationnel. Ainsi se succèdent plusieurs tableaux de moeurs dans lesquels Marcello évolue d'une manière insignifiante. Autant de dialogues de sourds, de rencontres qui n'en sont pas, de mises en scènes aussi sensationnelles que vaines. Ce qui donne au déroulement du film un goût acide, faisant rire, tout en laissant profondément perplexe. Avec, en fil rouge, l'omniprésence du monde du journalisme en plein essor à l'époque (1960), auquel appartient bien malgré lui le héros. L'effervescence des paparazzi, la violence de leurs assauts, constitue une unité dans l'action film, formant peu à peu comme un immense objectif mitraillant et poursuivant les protagonistes. Le photographe perd toute substance personnelle pour ne devenir qu'une machine à images, une sorte de mécanisme décisif dans le theatrum mundi qui se joue. Tout le monde se regarde, tout le monde parle et personne ne s'écoute, chacun se met en scène. Les médias encouragent cette théatralisation dramatique de la vie sociale, créant l'évènement, le pathos, suscitant le mensonge et la fiction. La vie sociale finit par apparaître comme une vaste hystérie, un mouvement de foule incontrôlable, suscité et ordonné par les exigences de la mise en scène.

A ces instants surréalistes, où les fictions semblent prendre corps dans la réalité, succèdent de violentes désillusions. Le réel revient en force, et l'échec de l'effort mystificateur laisse une solide gueule de bois. A ces lendemains de cuite que l'on peut prendre au premier degré se joignent d'autres scènes tout aussi brutales. Ainsi, la mort de l'enfant au matin de la fameuse nuit d'hystérie autour des pseudo apparitions de la Madone. La seule personne qui apparaissait comme sincère dans sa démarche de prière ne sera pas exaucée, et, après le jeu de dupes des petits enfants "voyants" et de leur famille, le héros se trouve confronté à la réalité de la mort et à la douleur d'une mère. Ainsi, la gifle publiquement portée à Sylvia par son fiancé alcoolique lors de son retour à l'aube - après le fameux bain. Gifle à laquelle se trouve encore une fois associé Marcello, qui se prend carrément deux châtaignes. Ainsi, pour Marcello, le suicide de son ami Steiner, qui assassine avant de se tuer ses deux enfants.

Désabusés et sans illusions sur l'issue de cette Comédie Humaine, on assiste au catalogage exhaustif, au gré des soirées décadentes, ponctuées de stip teases, d'emplumages, de travestissement, de séances de spiritisme, de coucheries, des beuveries, de toutes les formes d'extériorisation de soi, jusqu'à la désincarnation née du dégoût de soi. Le malaise des personnages est si mal assumé que chacun cherche à se vautrer dans l'autre pour échapper au face à face avec soi-même.

"Et ainsi quand on leur reproche que ce qu'ils recherchent avec tant d'ardeur ne sauraient les satisfaire, s'ils répondaient, comme ils devraient le faire s'ils y pernsaient bien, qu'ils ne recherchent en cela qu'une occupation violente et impétueuse qui les détourne de penser à soi, et que c'est pour cela qu'ils se proposent un objet attirant, qui les charme et les attire avec ardeur, ils laisseraient leurs adversaires sans réparties. mais ils ne répondent pas cela parce qu'ils ne se connaissent pas eux-mêmes. Ils ne savent pas que ce que n'est que la chasse et non pas la prise qu'ils recherchent
[...] Sans divertissement, il n'y a point de joie; avec le divertissment, il n'y a point de tristesse; et c'est aussi ce qui forme le bonheur des personnes".

C'est donc bien au spectacle d'une "povre vita" que Felini nous convie, comme si la "dolce vita" n'était qu'un mensonge, et que derrière l'illusion d'une douceur se trouve la brutalité du drame. Ainsi, le personnage de Sylvia, qui incarne cette douceur de vivre, cette candeur pleine d'amour face au monde, subit la violence de son fiancé malgré son innocence. La vie peut bien vous paraître douce, mais "le dernier acte est sanglant, quelque belle que soit la comédie en tout le reste. On jette enfin de la terre sur la tête, et en voila pour jamais"[2]...


[1]Pascal, fragment 126 éd. Le Guern.
[2]Pascal, fragment 154 éd. Le Guern.

17 commentaires:

Unknown a dit…

Bonjour,
y-a-t'il une déformation volontaire dans votre titre, le o suivi de trois lettres de "povre" mimant le "dolce"?

Si c'est le cas, désolé, je n'ai pas saisi la finesse et je mets les pieds dans le plat... mais en italien, on dit "povera vita".

Et si c'est une erreur, hum, pas la peine de publier le commentaire.

Anonyme a dit…

Oui, vous résumez bien l'ambiance de ce film, assez désagréable finalement.
Le bain dans la fontaine évoque celui d'un animal qui s'ébroue dans l'eau; difficile de voir pourquoi la scène est devenue un modèle de sensualité. Pour le reste, Fellini fait défiler une gallerie de monstres de cirque, des pantins qui bougent et vivent sans raisons.
Bref, ce monde n'a pas de sens, à moins que...
Je crois me rappeler que les dernières images sont le visage d'une jeune fille blonde, sur la plage, et que Marcello contemple son innocence. Certes l'apparition est ambiguë : pourrait-il être sauvé par un vrai amour, ou plutôt ne gâcherait-il pas cette chance, ne la souillerait-il pas comme le reste?
Néanmoins, même s'il est lâche, et qu'il se trouve "au milieu de sa vie, dans une forêt obscure" - comme il est dit dans une autre Commedia - tout n'est pas encore perdu tant qu'il est capable d'être ému par la pureté et la beauté.

Sémiramis a dit…

Bonjour Lionel,

Je m'attendais à une telle rectification de ta part, toi qui parles couramment la belle langue du Saint Siège! Je conserve donc ton commentaire afin que les lecteurs ne soient pa surpris par ce jeu de mot qui correspond bien à un barbarisme.

Pour la fin du film, effectivement, la scène est bien celle que tu décris. Néanmoins on peine à y lire la possibilité d'un "salut" tant le rendu est pathétique. Marcello est ivre mort, incapable ne serait-ce que de reconnaître la jeune fille qui l'vaait tant ému. Il repart vers ses amis décadents, traîné par une fille (en petite tenue). Bref, pas très positif ni plein d'espoir.

Dans tous les cas, Camille et moi résumions l'intérêt de ce film en nous disant qu'un tel film, s'il est passablement ennuyeux et assez traumatisant, constitue au moins une occasion de réfléchir. Quand on va voir 007, on passe un bon moment mais il n'y a pas grand chose à dire (Cf mon post)

Ah cette manie de la ratiocination...

Anonyme a dit…

Ah, imaginer tous ces Italiens au sang chaud des années 60 se ruer dans les cinoches de l'époque pour baver devant la scène de la fontaine...

Mais je sais pas s'ils ont compris le reste du film

Anonyme a dit…

Ce film est assez pénible, j'en conviens ; mais je m'étonne tout de même des critiques à l'égard de la scène de la fontaine, qui est magnifique et sensuelle, si si.

En fait, Fellini filme évidemment la décadence, ce qui ne vaut pas grief contre son film ; on s'y ennuie, parce qu'au fond, soyons honnête, il ne se passe strictement rien. L'histoire n'est pas continue, certains personnages apparaissent d'un coup puis disparaissent sans raisons, et j'aurais malgré tout un point de désaccord, qui porterait sur le ton employé : ce que me semble dire Fellini, c'est qu'au fond, on s'ennuie dans la décadence, on y est triste, on y noie quelque chose. Mais... on ne s'y ennuie pas plus que dans un autre style de vie; la fiancée de Mastroiani est épouvantable, et s'il n'a pas le bonheur dans la décadence de la via veneto, il n'en a au moins pas les réprimandes ni la banalité d'une jalousie féminine.

Il est vrai qu'au fond on prend conscience de toute l'illusion de la vie, les paparazzi - mot créé par ce film - en étant la caricature ; mais peut-être Fellini a-t-il voulu suggérer au téléspectateur l'ennui de sa propre vie, en montrant les échappatoires factices mais pas forcément condamnables, juste factices, auquel cas il aurait parfaitement réussi son coup.

Cela étant, ce film est en effet très ennuyeux, ce qui est peut-être le signe de sa réussite.

Sémiramis a dit…

Tout à fait d'accord Gai Lulu. Allez, on file à la gare!

Sémiramis a dit…

Ecoutez Maël,

C'est une drôle d'habitude que de visiter régulièrement des pages qui vous font vomir. Vous avez des côtés maso.

Je ne publie pas vos commentaires qui sont strictement vides de sens. Je ne souhaite pas activer une polémique que vous ne faites que rechercher, lors même que personne ne vous oblige à lire mes écrits et ceux de mes amis, et que vous vous rendez de votre plein gré sur mon site dans l'unique objet de me prendre pour une grosse conne.

C'est assez singulier, car finalement, vous êtes ce que vous croyez combattre: vous êtes un HOMME DU RESSENTIMENT.

Vous nous poursuivez de vos sarcasmes et de vos complexes de supériorités. Mais nous ne vous avons rien demandé. Laissez nous donc tranquilles. Je ne vous empêche pas de voter à gauche ou ailleurs, je m'en fous, je me fiche de ce que vous ayez eu l'agrégation, que vous soyez une grosse pointure en philosophie, que vous soyez le plus intelligent et le plus malin, que vous idôlatriez la Dolce Vita. Je m'en contrefous!

En retour, que peut bien vous importer ma foi? Qu'est ce que ça peut vous faire que je vote Sarko ou Buffet? Laissez nous faire nos choix depuis notre propre existence et occupez vous de vos affaires. Franchement, vous n'avez que ça à foutre, d'aller prendre les gens pour de la merde? Ca ne constitue pourtant pas vraiment une occupation philosophique, mais c'est vrai que vous philosophez au marteau (sur ma tête et celle de Gai Luron) et que je suis une teletubbies.

Je trouve ça singulier votre façon de vous mettre du côté des opprimés, des gens de cités, etc... contre le vilains méchants de droite, bouh. C'est tellement ardent que ça sent à plein nez le bourgeois mal assumé. Celui qui se donne bonne conscience, parce que finalement, il n'accepte pas son aisance.

Et qui philosophe pour avoir un job! Laissez moi donc écrire mes textes de collégienne en paix, aller voir le curé en paix, être une conne en paix, je vous laisse à vos contradictions de nietzschéen plein de ressentiment avec joie.

Anonyme a dit…

Laissez moi au moins la publication de ce communiqué :
"Moi, l'homme du ressentiment, je renonce par la force des choses à la joie de l'ébahissement sarcastique, et au plaisir de remuer les petites fesses de la vertu.

Mais je m'étonne, néanmoins, de la censure qui touche ce débat, tandis qu'une pensée pense mériter sa "publication" sous forme de blog. Publication appelle exposition ; la (gentille) censure et la négation de toute polémique est le signe d'une faiblesse de l'écriture.

M'a-t-on compris ? Mastroianni contre le Crucifié."

merci, Elise. Ce seront mes derniers mots. Un peu de commisération ; publiez-les.

Anonyme a dit…

Cher Maël Niguedouille

Tes "lol" marquent fort mal ton absence lamentable de sens de l'humour ; un minimum d'attention et d'intelligence t'auraient fait comprendre qu'Elise nommait "décadence" non pas le reproche réactionnaire adressé à des sociétés en fin de vie, mais un style très particulier qu'elle revendique souvent pour elle-même et qui fait l'objet de posts pleins de dérision sur ce blog. Avant de te lancer dans les dénonciations grotesques, apprends à lire.

Par ailleurs, cette manie nullissime consistant à ne jamais aborder un sujet traité pour toujours chercher à s'en prendre aux auteurs qui traitent le sujet, relève, au mieux d'une médiocrité intellectuelle, au pire d'une médiocrité d'entendement. Pas un mot, pas un seul, sur la dolce vita en tant que telle. Pitoyable.

Enfin, nous sommes tous ravis que tu aimes la dolce vita, j'en apprécie moi-même l'esthétisme et le rythme langoureux, mais est-il possible de ne pas aimer totalement un film, d'être nuancé, sans que cela ne devienne un symptôme de je ne sais quelle maladie réactionnaire ? La subtilité t'est-elle si étrangère que cela ? On ne peut que aimer à 100 % ou détester à 100 % ? Tu n'es donc pas capable de comprendre qu'on peut, tout en reconnaissant qu'il s'agit d'un bon film, ne pas l'aimer ? Cela te dépasse ? Il te faut instaurer à tout prix un goût officiel où toute personne n'aimant pas un film est condamnée à l'infamie réactionnaire et droitière ? Tu as le droit de répondre oui, ce serait juste une réponse méprisable.

Au fond, de même que tu te gargarisais bêtement d'avoir lu Lawrence, comme s'il FALLAIT avoir lu Lawrence, ce qui conférait à cette lecture une dimension de devoir moral et de prestige parfaitement grotesque, de même il FAUT aimer la dolce Vita sans réserves, sous peine d'être dans le camp de la bêtise et du mal réactionnaire. Tu serais bien en peine de dire pourquoi tu as aimé ce film (si toutefois tu l'as vu), tu te contentes d'un "sublime" qui ne mange pas de pain, qualificatif minimal avec lequel on ne peut être que d'accord ; évidemment que ce film est sublime, qu'il est parfaitement réussi d'un point de vue esthétique, et qu'il décrit admirablement la mollesse décadente de Rome. Mais et après ? Tu n'as même pas compris, aveuglé par ta pseudo-moquerie, qu'Elise s'en prenait moins au film qu'à la vie même qui y était décrite, vie lancinante qui rejaillissait sur le tempo et qui faisait parfois sombrer dans l'ennui. Mais loin de discuter cette interprétation, tu as préféré te parrer derrière la posture idiote de l'homme de goût façon Télérama, s'indignant que l'on pût critiquer un film érigé en dogme intouchable par un petit milieu d'intellos branchouilles, se réclamant de la subversion officielle.Pfff, tu es tellement prévisible mon pauvre ami.

Au fond tu n'existes pas, tu n'es que le rire gras et vulgaire du chroniqueur de france culture qui ricane sans grâce et sans joie face à ceux qui n'accordent aucune importance aux dogmes du moment ; tu es une espèce de mélange sale de ce gauchisme intello à la mode, qui se croit subversif et nietzschéen en luttant contre (toujours contre) les quelques traces de racisme et de réaction q'il se réjouit de trouver çà et là pour justifier son dégoût inné et ses beurk de pureté, et d'utilitarisme néo-libéral qui instrumentalise la philo "pour avoir un job". Rien de plus vil, de plus bas, de plus laid, de plus risible.

PS : ah et puis une dernière petite chose perso, petit homme : essaye de ne pas confondre systématiquement critique et ressentiment. Quand, sur 250 posts, trois parlent en partie de Deleuze, dont un en bien, il est difficile de parler de "ressentiment" à son égard. Mais quitte à vouloir à tout prix se la jouer nietzschéen (de même que l'exaltation du "je" ne suffit pas pour être rimbaldien, le mépris affiché ne suffit pas pour être nietzschéen...) on en vient à falsifier le vocabulaire pour un résultat assez minable. Je dis "on" car tu ne mérites pas mieux.

Anonyme a dit…

Maël, dis-moi, as-tu lu cet article ?

Maël, quel est le rapport entre être "bien au chaud dans ses pantoufles" et cet article ?

Dois-je comprendre que toutes la bassesse du monde s'explique par la température de nos pieds ? Magnifique ! À partir d'aujourd'hui cher Maël, sache que je marcherais toujours pieds nus. Merci à toi.

Maël vraiment tu es un génie. Au début je ne voyais en toi qu'un populiste rageur aimant à cracher sur le pitoyable philosophe, forcément enfermé dans sa tour. Mais depuis que j'ai appris que tu étais un agrégé, mes yeux se sont ouverts ! J'ai découvert que l'on pouvait avoir une formation d'intellectuel (uniquement pour manger bien entendu) et être actif ! Être actuel ! Vraiment, Maël, merci.

Cependant, un point me tourmente : pourquoi avoir choisi l'éducation nationale ? Il est certain que tu vas vite détester tes collègues : ces gens à la Maif, qui bénéficient de la sécurité de l'emploi, bref, qui ont les pieds bien aux chauds ... (attention à tes aigreurs d'estomac !)

Et encore. Ce qui me surprend encore plus c'est ceci : pourquoi avoir passé l'agrégation ?
Sais-tu qu'avec ce diplôme tu as toutes les chances d'être envoyé dans les établissements les moins "difficiles" ? Ce n'est pas ce qu'il y a de mieux pour être connecté au monde actuel.

À moins que ... Mais oui ! Bien entendu ! Ce choix est un choix par défaut : mieux vaut l'éducation nationale plutôt que l'entreprise privée, car cela est bien connu : l'entreprise c'est l'esclavage moderne. Et tes idéaux, ton honneur, t'empêche de participer à une telle barbarie.Merci Maël, merci.

Vraiment Maël je regrette infiniment que ma femme ait quitté l'enseignement pour être conservateur de bibliothèque, j'aurais pu vivre au travers d'elle ton propre parcours, j'aurais été plus proche de toi, Maël, mon Soleil !

Camille, toujours très heureux de découvrir qu'il est un écolier inhibé de droite, catholique et érudit.

Sémiramis a dit…

Bon, eh bien, les petites fesses de la vertus sont bien défendues.

Je crois que Thibaut a parfaitement compris quel était le propos que Camille et moi tenions. On ne peut nier l'attrait sublimement décadent du film, cette langueur toute en contrastes, et cette ironie mordante qui est géniale. En vérité l'ennui produit par le film n'est pas autre chose qu'un procédé, à mon sens, utilisé de façon tout aussi géniale par Felini pour faire entrer le spectateur dans son propos.

Ce film est un grand film. En aurions nous parlé sinon?

J'aime cette façon qu'a Maël de me souligner la faiblesse de mon écriture. Si j'écris, si je recherche le dialogue et la rencontre, n'est-ce pas pour y pallier? Trop consciente de mes failles, je ne suis pas certaine toutefois de l'indignité de mes réflexions. Elles ont au moins le mérite d'exister et d'être les miennes. Contrairement à certains, je ne passe pas mon temps à démonter les tentatives de pensée des autres en me faisant mousser.

C'est vrai que je n'ai pas eu la chance ni les moyens de fréquenter un grand lycée ni de passer mes vacances à lire. Je les ai passées à l'usine ou à intermarché. Je ne baigne pas dans la culture éduc nat' et n'ai jamais eu d'ambition carriériste: je n'ai pas fait de prépa et n'ai donc pas le niveau d'une prépa. J'ai appris d'autres choses. Je ne suis pas une merde pour autant, je suis seulement... différente, pas dans le moule... Et j'en ai le droit.

Anonyme a dit…

Je suis quelque peu la "polémique" engagée sur ce blog via un certain Maël... Je n'y rajouterai rien si ce n'est que, non décidément, "nihil novi sub sole" !! Non, nous n'avons rien compris à ce chef d'oeuvre du cinéma italien, non, nous ne pouvons prétendre à parler philosophie dans la mesure où nous ne sommes pas d'anciens élèves de prépa ou de dignes élèves de l'ENS et que nous n'avons pas totalement été exaltés par le dernier Onfray ! Oui, nous sommes des "pauvres gars et des pauvres filles", oui nous sommes des "teletubbies"... Et alors ??? Nous avons, mes amis, notre conscience pour nous et nous savons pertinement où est La Vérité.

Merci Mr. Camille pour cette ironie toujours mordante, vous lire ici et ailleurs demeure en ces jours d'hiver un véritable rayon de soleil. Quant à toi ma très chère Agathe, quel bonheur de voir que tu revendiques toi aussi ton "imposture" intellectuelle !!

Je vous laisse pour que vous y réfléchissiez mes deux leitmotiv de ces derniers jours :
- "La Vérité est ailleurs"
- "Mort aux cons !!" (ce dernier slogan retrouvé de derrière les fagots soixante-huitards a reçu l'approbation d'un docte et "saint" Frère dominicain alors n'ayons pas peur de le crier haut et fort !!)

Paix à tous !

Anonyme a dit…

Tiens la dolce vita est passée la nuit dernière. Votre compte-rendu m'a donné envie de le revoir; mon grand âge et mon alzheimer naissant ne me permettant guère d'en garder d'autre souvenir que celui d'une foule de photographes. J'en ai été quitte pour de petits yeux aujourd'hui mais ça valait le coup.
En ce qui me concerne, je vois surtout dans ce film une métaphore de la difficulté à grandir. La dolce vita, c’est celle de l’enfance insouciante face au monde. En témoigne l’importance accordée à Sylvia malgré sa très courte apparition dans le film. Comme vous dites, Sylvia est l’image de la candeur, c’est une enfant dans un monde adulte et perverti, un monde où la religion est pervertie, un monde dans lequel le diable joue du jazz dans une église, sans parler de la perversion des médias qui traverse tout le film. Et pourtant il demeure des êtres que toute cette bassesse n’a pu souiller. Témoin de cette candeur, la scène précédent la scène de la fontaine où l’on voit Sylvia rire, danser, et s’amuser, insouciante quand les hommes sérieux travaillent. A ce titre la scène de la fontaine me paraît au contraire très romantique, presque baptismale : elle représente la purification de Sylvia après que celle-ci a été salie par Robert, son boy-friend.
C’est à mon sens cette impossibilité à grandir que manifeste le rôle récurrent de l’enfance dans le film.
Marcello est un de ces enfants qui veulent tout à la fois et ne veulent pas choisir. La scène de la fête chez Steiner est très parlante à cet égard. La poétesse ne nous dit-elle pas que « même en amour, il vaut mieux être choisi » ? C’est effectivement cela que signifie tout le film : Marcello se laisse porter par la vie, il ne fait rien en propre. Ce n’est pas lui qui décide de faire l’amour, ce n’est pas lui qui décide de manger, etc. Il se laisse porter par les événements. Il est fondamentalement passif. On pourrait dire qu’il ne vit pas sa vie mais que c’est elle qui est vécue par lui. Beau paradoxe pour un comédien que de jouer le rôle de quelqu’un qui n’est pas même l’acteur de sa propre vie...
Oui Marcello est un faible, Ce qui le caractérise, c’est son incapacité à dire non, sa transparence : il est inexistant dans de nombreuses scènes du film. Je n’ai pu m’empêcher de penser à Phèdre ou à Bajazet de Racine ou encore à En attendant Godot de Beckett. Ici, c’est tout le contraire. Thésée, Amurat ou Godot pèsent chacun à leur façon de tout leur poids malgré leur absence. Marcello, bien que présent, est très discret.

Mais faut-il porter un jugement sur Marcello ? Après tout, les choix qui ont déchiré Steiner lui ont coûté la vie. Faut-il dire comme vous le faites à propos des femmes qu’il y a une « nécessité de l’élection et d’en aimer correctement une seule » ? Je ne le crois pas. Le film ne juge pas, chacun est bien sûr libre d’avoir son opinion mais Fellini n’invite-t-il pas à réserver son jugement ? La scène finale qui suit la déchéance de Marcello en laisse l’espoir. Bien sûr, sa faiblesse a fait de lui un parasite alors qu’il avait un talent d’écrivain. Bien sûr, l’incapacité à choisir l’entraîne vers des bouffonneries toujours plus malsaines. Bien sûr. Mais il demeure des moments de grâce, dans le visage d’une enfant par exemple. Je ne crois pas que Fellini était sartrien : Marcello ne se réduit pas à ses actes. Après tout, les personnages « rangés », qui ont fait leur choix sont-ils mieux lotis ? Quels sont-ils ? On ne les voit guère. De là à dire qu’ils n’existent pas. Sera-ce le père de Marcello, pathétique vieux beau qui veut profiter de la vie. Mais trop tard, il n’est plus l’heure. La comédie est finie.

Anonyme a dit…

J'applaudis des deux mains (et j'y ajoute les deux pieds) le commentaire de Tatianus ; c'est exactement cela. La passivité et l'enfance, voilà, c'est ça, non c'est exactement ça. Bravo !

Sémiramis a dit…

Je suis moi aussi parfaitement en accord avec toi, Tatianus. Tu devrais te lancer dans la critique, tu es très bon, et toujours très fin. J'espère te retrouver bientôt (à Tours, pas avant quelques semaines... début février surement) Travaille bien et tout et tout.

Anonyme a dit…

C'est trop, c'est trop. Mes chevilles n'en peuvent plus. Gai Lulu, attention à toi, si tu applaudis aussi des deux pieds, tu risques de te retrouver par terre. Mais je salue la performance.
Elise, ce sera avec plaisir que je te retrouverai en février après que tu auras pris un an si je ne m'abuse.
Et à propos d'abus, je vais vous laisser : je pars en famille verser dans l'excès dindesque et chocolatier. Joyeux Noël à tous.

Sémiramis a dit…

Bravo Tatianus, quelle mémoire. Je vois que le culte de ma personnalité se développe et mon Nous de Majesté se pâme. Bonnes fêtes à toi en tous cas et reviens nous pas trop excédé tout de même!