Visiter un musée n'est donc pas une expérience si simple que cela. Il faut accepter de se heurter à une sphère spatio-temporelle déroutante, un univers silencieux, ou l'on refuse de vous parler des oeuvres qui résonnent étrangement, ou bien qui ne résonnent pas du tout. Il faut refouler les complexes que vous donnent forcément un lieu où tout se montre mais rien ne s'explique. Il faut s'extraire du quotidien...
Le MAMAC offre un vaste panorama de cette gigantesque expérimentation sur les limites de l'art, l'explosion des cadres, des techniques, des couleurs, des matériaux, du concept même de musée, qu'ont recherchée la plupart des grand artistes du XXème siècle. Qu'est-ce que l'art finalement, sinon ce que l'on désigne comme tel selon d'arbitraires critères? Et si, à la fin, il n'y avait plus aucun critères?
"Parfois je suis pessimiste et je pense :
- la culture c’est pour impressionner les pauvres
- la culture n’est qu’une histoire de tour operator pour vous faire acheter des cartes postales
- la culture sert à avoir l’air intelligent quand on passe à la télé
- la culture sert de prétexte à envahir les autres peuples (pour leur apporter la culture)
- la culture vous élève au rang d’oies que l’on gave de culture
- la culture c’est l’ethnocentrisme des peuples qui croient avoir le monopole du beau et du vrai
- la culture sert de miroir au pouvoir narcissique dominant
- la culture c’est le cadeau bonux de la société de consommation
- la culture permet d’avoir bonne conscience et justifie l’impérialisme
- la culture est un exercice d’égoïstes jaloux les uns des autres
- la culture doit vous faire croire que l’artiste est un être supérieur
- la culture c’est la boursouflure qui accompagne le bruit des bottes
- la culture culpabilise (dans un musée vous faites silence, pas dans un bar)
Parfois je suis optimiste et je pense :
- l’art nous apporte ce qui nous manquait
- l’art est un cri de vérité
- l’art c’est la découverte de l’autre
- l’art est une rencontre inoubliable l’art nous prend à la gorge
l’art nous fait rire aux larmes
l’art rend à chacun ses racines
Mais si, comme Duchamp l’a dit, « c’est le regardeur qui fait le tableau » la balle est dans votre camp
A vous de jouer"
Faire exploser les cadres: Support/Surfaces
L'objet usuel, industriel, le rebut, le déchet, la vieillerie, tous s'imposent dans l'art. Bientôt ce seront les matières périssables qui s'exposeront, bouleversant les canons de la durée de l'oeuvre (avec l'arte povera notamment, l'oeuvre de Beuys).
Les cadres explosent, les objets envahissent les surfaces et se les approprient, comme ils envahissent progressivement une société que Baudrillard théorise alors comme "société de consommation"...
Dans la lignée du Pop art ont lieu les premières performances. Ce n'est plus tant l'oeuvre qui compte sinon l'acte créateur, le moment de la création, et le corps créatif de l'artiste qui envahit l'espace de l'oeuvre, pour aboutir aux tendances ultra corporelles de l'art contemporain.
J'aime particulièrement ces cuivres dont l'assemblage évoque à lui seul la fanfare...
Au sein du groupe des Nouveaux Réalistes, Yves Klein occupe une place particulère. Le MAMAC fait la part belle à l'enfant prodige de la ville de Nice avec une salle et une chronologie très détaillée, qui permet d'entrer réellement dans la démarche de cet artiste surdoué, stupéfiant d'intelligence et de bizarrerie.
Champion de judo, Yves Klein est issu d'une famille d'artistes. Sa démarche est influencée par la mystique rosi-crucienne à laquelle il adhère dans sa jeunesse, avant de rompre ensuite, et par la lecture de Bachelard, philosophe des éléments. Il peint ses premiers monochromes à la fin des années cinquante, après avoir mis au point son fameux IKB "International Klein Blue". Les oeuvres décorent les murs de la salle d'entraînement de son école de judo parisienne. On lui déclare alors que ces tableaux sont inprésentables: "rajoutez y un point, au moins"...
La quête de l'harmoie céleste est sûrement ce qui peut le mieux définir l'oeuvre de Klein. Aux monochromes répond la "Symphonie Monoton", accord en ré suivi de 20 minutes de silence. Je repense à cette fameuse discussion des Faux Monnayeurs sur "l'accord parfait"...
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