26 septembre 2006

De l’extension du domaine de l’indigène : 2006

(Suite et fin...)
Quoi de neuf depuis 1943, année de rédaction du texte de S. Weil? Eh bien, la belle affaire, on fait enfin droit à la culture des indigènes à grands coups de bons sentiments, et on continue joyeusement de prendre les ruraux pour des ploucs.
Bruno me faisait remarquer, sur Systar, qu’aujourd’hui, il n’y a guère plus que sur les cathos que l’on puisse s’acharner sans craindre de retour de manivelle. Faux : je crois qu’il y a aussi les paysans, qui sont régulièrement la cible de médias essentiellement parisiens qui ne connaissent rien à la campagne et racontent tout bonnement n’importe quoi. Ca ne coûte rien de pourrir les paysans, et personne ne va dire « touche pas à mon pote » ! Le médias ne connaissent que l’image fantasmée du rural : image qui se décline sous trois modes réjouissants : (1) les ploucs attardés style pub pour le camembert rustique, rustauds mais gentils – bien braves, avec la nappe à carreaux rouges et le pot à lait (2) les « gros » agriculteurs productivistes qui touchent des millions de primes et qui inondent leurs cultures de pesticides juste pour le plaisir de polluer (3) l’héroïque « petit » agriculteur qui fait du bio en Ardèche, alter mondialiste style José Bové (arggg).
Le rural n’a droit de cité qu’à travers l’image fantasmée qu’en ont les citadins qui tiennent les rênes des médias. Je passe sur le mythe de la campagne havre de paix, de ressourcement ; en bref, parc de loisir et de détente pour le citadin stressé et pressuré. Celui-ci apprécie les moutons dans le paysage, mais va porter plainte lorsqu’il retrouve du crottin devant sa résidence secondaire. Admire les vignes proches de sa maison mais maudit le vigneron qui va traiter à 5h le matin parce que le temps est propice. S’énerve après la poussière pendant la moisson. Etc. Ah, et je ne parle pas des anglais qui font monter la pression foncière partout… si bien que les autochtones ne peuvent plus trouver à se loger chez eux. Grrrrr.
Je n’ai pas l’âme d’une militante, mais si vraiment il y a une cause qui me tient à cœur, c’est celle-ci : chercher des moyens concrets de réduire cet éternel hiatus dans la société française, qui prend à chaque époque un nouveau visage, entre monde urbain et monde rural. Je suis en train de me dire que la cause est vraiment désespérée, car je ne sais même pas à quel saint me vouer ! Peut-être à St Benoît. Les bénédictins ont tant fait pour la campagne. Mais c’était au moyen âge…
Spes, spes, spes !

3 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est très vrai ça que la campagne est présentée comme l'espèce de repos idyllique pour citadin stressé ; côté à la fois désuet, rustique, retour aux "vraies valeurs", mon Dieu comme cette hypocrisie doit être pénible pour vous !

Etre réduit à une représentation, il n'y a rien de pire.

Je compatis pleinement,

Gai Lulu

Anonyme a dit…

Je me souviens d'un numéro «d'envoyé spécial» sur l'augmentation du prix du gaz. Il montrait une famille «obligé» de couper le bois pour se chauffer, n'ayant pas les moyens de s'acheter du gaz pour l'ensemble de l'année. «obligé de couper du bois comme au moyen-âge», précisait le journaliste !

Ces «envoyés spéciaux» savent-ils qu'en campagne chaque habitant dispose d'une parcelle de bois dans la forêt du coin (c'est pas pour faire joli que diable) ? Savent-ils que le chauffage au bois à toujours existé et existera toujours ?

J'aime beaucoup le "comme au Moyen-Âge", je ne savais qu'à la Renaissance on se chauffait à l'énergie nucléaire ...

Autre anecdote amusante : quand j'étais petit, tout les week-ends, une famille de Poitier venait dans leur maison de campagne à 100m de chez moi. Un jour ils ont décidés d'y rester. Les deux filles devaient donc être scolarisée dans le collège du coin. Une des deux filles m'a dit qu'au moment de quitter ses amis de Poitier l'un d'eux lui a dit : «tu vas voir tu vas tous les dépasser (scolairement) ces paysans !».

Amusant non ?

Sémiramis a dit…

Cher G L merci de votre compassion**
Cher M. Camille, quelle joie de vous retrouver, et bientôt à Lyon! I miss U. Vivement une petite absinthe philosophique avec toi.