30 avril 2006

Travail et vocation eucharistique

Dernier jour, sûrement, de travail à Intermarché pour moi ce matin. Une page de ma vie se referme avec une apparente indifférence, prise dans le cours fluide de l’existence de tous et de chacun. En réfléchissant, devant mon café matutinal, à la perspective de quitter -toujours étrange- ce travail que je connais désormais bien, à tous les visages croisés depuis deux ans au bout d’une caisse de supermarché, j’ai eu l’intuition personnelle de l’idée fulgurante de Simone Weil, du travail comme « eucharistie sociale ». Deux ans, durant les vacances : c’est beaucoup de choses de moi que j’ai laissées à Intermarché. Une attention portée à des tâches répétitives, à des personnes qui passent et repassent au fil des jours. Une joie du contact et du service. Une compassion portée à des détresses, parfois trop lourdes, même à observer : alcoolisme et solitude, misère matérielle et spirituelle…

« L’homme se mange lui-même : il mange son travail. L’homme donne son sang, sa chair à l’homme sous forme de travail. L’homme se donne à l’homme en tant que travail » OC I 378-379

Ce matin, ruminant ma déception de ne pouvoir partager l’eucharistie dominicale, je me suis rendue compte que j’allais vivre l’eucharistie dans ce don de moi même dans le travail, don dirigé, porté vers ces personnes si éloignées de Dieu pour beaucoup d’entre elles. Je crois que Dieu nous demande d’être présents, de tout notre être, de tout notre corps et de toute notre âme dans ce don eucharistique qu’est le travail. Ce don passe par l’exercice de notre pensée sur notre corps : ce que Simone Weil désigne comme « attention », attention pleine à notre tâche, qui nous place dans le domaine de l’Esprit, et qui fait de notre acte laborieux une eucharistie.
Eucharistie qui est à la fois action de grâce à Dieu, pour ce monde qu’Il nous a donné, et la joie de continuer son œuvre créatrice ; action de grâce pour cette vocation d’être acteurs dans le monde, ne serait-ce que de la plus humble des façons. Eucharistie qui est aussi offrande de notre personne et de notre présence, geste du Christ qui se donne à l’humanité. Nous sommes appelés à nous donner pour le Christ, certes, peut-être pas comme les martyrs, dans le feu et le sang, mais dans ce « goutte à goutte » que nous décrivait Mgr Pontier. Au jour le jour, à chacun des petits choix quotidiens, faire de sa vie une eucharistie. Ce goutte à goutte passe de façon privilégiée, si l’on en croit Simone Weil, par le travail, cette « mort quotidienne » à laquelle notre condition nous astreint.
Labor et caritas…
Bonne fête, demain, de st Joseph travailleur !

27 avril 2006

Contre la liberté de la presse!

Ah ah, un petit peu de provoc’ sur ce blog, je suis sûre que je vais booster sa fréquentation ! En bonne philosophe quelque peu formée à la rhétorique, j’attire votre attention par cet éclat absolument politically incorrect ; puis je me soumets à la règle de la captatio benevolentiae : écoutez je vous en supplie mon humble discours, peut-être en tirerez vous quelque matière à réflexion !
Evidemment, vous connaissez la manie philosophique : toujours définir de quoi on parle, et de quoi parlons nous ? Eh, de la liberté, difficile problème, liberté d’expression dans le médias. Eh bien, dix jours d’exercice de mon ministère d’hôtesse de caisse auprès de ce que l’on a coutume d’appeler « la France d’en bas » ont suffit pour que mon esprit se révolte et pousse ce cri : halte à la liberté de la presse ! Rétablissons la censure ! Si on conçoit la liberté comme droit de parler de n’importe quoi n’importe comment, pas de problème, la liberté de la presse est respectée dans notre beau pays. Par contre, la personne humaine, elle, ne l’est pas, bafouée et profanée sans cesse par un discours d’une vulgarité et d’une violence sans mesure. Et je parle ici de la presse la plus achetée et la plus lue : celle que je passe toute la journée à ma caisse, Closer, People, Le Nouveau Détective, Voici etc.
Cette presse est une honte, elle développe une idéologie du corps absolument destructrice, elle cultive la peur et la paranoïa. Elle n’est que la mise en scène de la misère humaine, détruisant les personnes dans leur vocation spirituelle, attirant les âmes en faisant appel aux pulsions les plus viles. Eh bien, à la lecture de ces torchons, ce sont les mots de Simone Weil sur ce sujet – dans l’Enracinement – qui me reviennent à l’esprit, et je me dis : une société peut-elle admettre, au nom d’une liberté qui n’en est pas une, que la personne soit bafouée ainsi de façon publique ? Que de tels journaux véhiculent une idéologie de mépris de soi et de l’autre, et cela auprès du public le plus humble, le plus fragile, car le moins formé culturellement ? Moi, je dis NON, NON, NON et NON.
Prions St François de Sales, patron des journalistes, qu’il intercède pour les âmes de ces gens qui font des bas instincts de l’homme leur fond de commerce, je ne donne pas cher de leur salut, coupables d’attirer dans la honte ceux qui n’ont pas eu les facultés suffisantes pour se défendre. Ils bafouent le Christ en bafouant l’homme...
Misère de l’homme sans Dieu…

20 avril 2006

Du corps en christianisme?

Que fait on du corps en christianisme, à part celui du Christ auquel nous communions et que nous formons en Eglise? A ce propos, je me réjouis de vous faire partager une saine et falquienne lecture, qui plus est extrêmement abordable et claire. J’ai eu le bonheur hier de rencontrer un livre providentiellement, chez le bouquiniste de la rue de Bourgogne à Orléans, qui m’a toujours comblée. Il s’agit de l’ouvrage « Ceci est mon corps », publié aux éditions « la Joie de Lire » en 1996. Je me souviens avoir vu ce livre dans la bibliothèque personnelle d’Emmanuel Falque : j’ai donc, évidemment, sauté dessus, et j’ai bien fait ! L’auteur, M. Jean-Claude Larchet, est docteur en philosophie et en théologie : il a travaillé en patristique, notamment sur Maxime le Confesseur.
L’intérêt de ce petit ouvrage (120 pages) consiste en ce qu’il vient nous rappeler que « le christianisme, en sa réalité essentielle et originelle, apparaît comme l’une des religions qui ont le plus valorisé le corps » (Cf. p. 11-12). Si vous voulez entrer par une petite porte dans les grands questionnements de M. Falque, ou tout simplement si cette affirmation vous surprend et vous étonne, à plus forte raison si vous êtes chrétien – vous avez le devoir, je dis bien le DEVOIR, de vous former sur de telles questions - je vous recommande fortement la lecture de ces pages qui exposent la structure générale et les fondements de l’anthropologie chrétienne.
Ce discours est porté par une connaissance des Pères impressionnante par son érudition qui ne tourne jamais à la lourdeur, car il s’agit avant tout, non de vulgariser – en bonne disciple de Simone Weil, je n’aime pas ce terme – mais de donner une vision globale de ce que le christianisme, dans sa dynamique initiale, apportée par ceux que l’on désigne comme « les Pères », c’est-à-dire les penseurs des 7 premiers siècles, veut dire sur l’homme, sur sa réalité complexe, corporelle et spirituelle.
Quel sens donner au corps dans ce cadre ? Quel éclairage merveilleux peut nous apporter un tel travail, nous qui sommes plongés dans un monde où le corps est profané sans cesse par la pornographie et les violences de tous genres. Si la violence qui s’exerce sur le corps est une donnée je dirais « normale » de la vie terrestre, on peut légitimement interroger une civilisation où le sexe est pris comme référence normative, comme critère des comportements.
Mais nous même, chrétiens, quel sens donnons nous au corps dans notre vie spirituelle, quel sens donnons nous à NOTRE corps ? Je vous invite à réfléchir à ces questions en lisant ce précieux ouvrage, spécialement en ces temps de grâces incroyables où le Ressuscité, celui qui a transfiguré son corps et sa chair, habite avec nous. Après vos chemins de pénitence du carême, prenez un chemin de joie qui n’en sera pas moins ascétique : réconciliez vous avec votre corps et aimez le, il est membre du Christ, ne l’oublions pas !
Pax vobiscum !

17 avril 2006

Sous son regard, dans l'amour (Eph 1, 4)

Chers amis, en ce temps pascal je confie particulièrement à vos prières Mgr Le Vert et son diocèse de Meaux. Sa devise, "sous son regard, dans l'amour", sera le leitmotiv pour moi de ce temps pascal! Il aimait à nous rappeller que le temps pascal dure 50 jours, soit 10 de plus que le Carême: la grâce surabonde, le temps de joie est plus long que le temps de la pénitence! Mais assez régulièrement on oublie l'importance de ce temps de joie (on aime se mortifier dans notre Eglise!)...
Alors réjouissons-nous en souvenir des grâces qui nous ont été données par Dieu! Et gardons en tête les paroles de la prière eucharistique :
Le peuple des baptisés, rayonnant de la joie pascale, exulte par toute la terre!
En ces jours bénis où le Ressuscité habite parmi nous, nourrissons nous de ces paroles, et exultons sans cesse, afin de ne pas tomber sous le reproche nietzschéen de Zarathoustra: comment amener les autres à croire que Dieu nous sauve si nous n'avons pas l'air sauvés? Si Jésus est ressuscité, cette resurrection doit se manifester sur nos visages!
Joyeux temps pascal!

16 avril 2006

Gaudete Jerusalem!

De l'épître aux Romains

Frères, nous tous, qui avons été baptisés dans le Christ Jésus, c'est dans sa mort que nous avons été baptisés. Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle. Car si c'est un même être avec le Christ que nous sommes devenus par une mort semblable à la sienne, nous le serons aussi par une résurrection semblable; comprenons-le, notre vieil homme a été crucifié avec lui, pour que fût réduit à l'impuissance ce corps de péché, afin que nous cessions d'être asservis au péché. Car celui qui est mort est affranchi du péché. Mais si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivons aussi avec lui, sachant que le Christ une fois ressuscité des morts ne meurt plus, que la mort n'exerce plus de pouvoir sur lui. Sa mort fut une mort au péché, une fois pour toutes; mais sa vie est une vie à Dieu. Et vous de même, considérez que vous êtes morts au péché et vivants à Dieu dans le Christ Jésus.

Gloire et louange à Dieu notre Père miséricordieux, à son Fils Jésus Christ le Seigneur, à l'Esprit qui habite en nos coeurs, pour les siècles des siècles, Amen!

15 avril 2006

Mystère du samedi saint, mystère de la foi

En ce jour où l'Eglise entière est en suspens, en attente dans la confiance, j'ai la joie infinie de vous offrir en partage, et plus spécifiquement peut-être à ceux qui me sont chers et qui ne partagent pas ma foi, quelque chose du mystère profond qui est en train de se déployer dans l'univers entier : le mystère de la résurrection...
Hier, nous avons lors du chemin de croix médité ce texte donné par le "Magnificat" pour la XIIème station - celle de la mort de Jésus sur la croix:
Serviteur inutile, les yeux clos désormais,
Le fils de l'homme a terminé son oeuvre.
La lumière apparue rejoint l'invisible,
La nuit s'étend sur le corps, Jésus meurt.
J'ai été bouleversée par cette image de la lumière qui rejoint l'invisible. Jésus est bien la lumière, "vrai Dieu né du vrai Dieu, lumière né de la lumière", qui s'est manifestée aux yeux des hommes. Le mystère pascal est précisément là, dans l'entrée de la lumière du Christ au coeur des ténèbres de l'humanité, au coeur des ténèbres insondables des enfers, et la victoire finale de cette lumière. Cependant, après la passion de Jésus, cette lumière manifestée dans la chair, manifestée dans la condition humaine, rejoint l'invisible: elle rejoint l'invisible de notre FOI!
La réalité du salut, le mystère de l'amour de Dieu n'est plus manifesté dans notre monde de façon visible, de façon directe: il nous faut entrer dans l'ordre de la foi. C'est la foi qui rend les réalités invisbles concrètes à nos yeux, présentes à notre coeur, déterminantes pour la conduite de notre chair. La réalité de ce basculement, depuis l'ordre du réalisme de la manifestation de Dieu dans l'incarnation, jusuq'à l'ordre de la foi totale qui est celle de la croyance et de l'expérance en la résurrection, est soulignée par la liturgie. C'est Alexandre Guérin qui a attiré mon attention sur ce point, en nous rappellant combien le triduum pascal était le lieu de ce basculement, depuis le réalisme liturgique du lavement des pieds et de la passion jusqu'à l'entrée dans une liturgie marquée par la mystère et présupposant la foi. Le Christ nous a laissé, a laissé à l'Eglise les sacrements qui sont ce qu'ils disent, mais qui reposent sur la foi.
T
oute notre vie liturgique s'appuie sur cette foi et ce mystère de la foi. Nourrissons-nous particulièrement en ces jours de la beauté de la liturgie, qui n'est autre que la manifestation terrestre, dans l'ordre de la foi, de la splendeur éternelle du Verbe, de la vraie lumière qui se manifeste à nous dans son corps, l'Eglise!
Dans l'attente de la vigile pascale et de la "Gaudium magna" de l'Alleluia, que la Vierge Sainte, fidèle aux pieds de la croix, vous garde par son intercession maternelle.

12 avril 2006

Mon diocèse et moi, une grande histoire d'amour

Mercredi saint, 18H: ce n'est pas le moment de chercher une place de parking en centre ville! Le peuple de Dieu qui forme l'Eglise de Tours va se réunir autour de son évêque pour la Messe Chrismale... késako, me diront les non initiés aux mystères de la liturgie catholique?
Messe Chrismale: moment de la bénédiction par l'évêque des saintes huiles (des malades et des catéchumènes) et de la consécration du Saint Chrême (baptême, confirmation, ordinations). Occasion pour l'évêque de réunir son prebyterium, invité à renouveler devant lui et devant le peuple de Dieu ses promesses sacerdotales. Beau programme, moment de la semaine sainte que j'affectionne d'une façon toute spéciale.
La participation à cette messe, il y a deux ans, a été pour moi la source de grandes découvertes sur la nature de l'Eglise, réalité terrestre et céleste, et la communion ecclésiale. Je n'étais alors qu'une modeste catéchumène! Mais depuis, la splendeur de la communion qui est manifestée par cette liturgie reste à mes yeux l'un des témoignages de communion visible entre les croyants parmi les plus marquants.
La communion entre les fidèles, et avec le pasteur, à l'intérieur d'une communauté est importante, fondamentale. La communion avec le Saint-Père ne l'est pas moins. Il ne faut pas oublier cette communion diocésaine, étape intermédiaire essentielle à la vie de l'Eglise universelle! La vie diocèsaine, l'Eglise diocésaine est effectivement la part de l'Eglise qui est à la fois locale - on le ressent avec émotion, lorsque défile dans la cathédrale la procession des 110 prêtres, parmi la foule des fidèles venus de tout le diocèse - et universelle: c'est par cette communion entre les fidèles et leurs prêtres, eux-mêmes en communion avec leur père évêque, que se structure l'Eglise universelle. Collégialité oblige: si nous ne sommes pas en communion avec notre évêque, nous ne ne le sommes pas non plus avec l'évêque de Rome!
Alors, entre mon diocèse et moi: une grande histoire d'amour. Et vous?

10 avril 2006

Du mimétisme en matière de saturday night fever?

Mes considérations de samedi soir sur la foule et la vox populi ont trouvé une singulière issue au cours de la nuit qui a suivi. Ce mimétisme à l'oeuvre dans la vie sociale ne cesse en effet d'apparaître de façon plus ou moins éclatante: si les manifestations en sont un exemple privilégié, une petite sortie en boîte de nuit constitue une expérience intéressante pour une lectrice de Simone Weil et de René Girard. J'ajouterai humblement que la lectrice en question ne s'excepte nullement de ce phénomène mimétique. Je m'explique!
Tout a commencé effectivement au moment stratégique du choix de la tenue de soirée. Au bout de moult hésitations, essayages en tous genres, recherche désespérée du vêtement adapté au pantalon etc etc, Christelle s'est rabattue sur l'option cache coeur noir... Option que j'ai suivie car d'un point de vue esthétique et pratique elle était résolument la meilleure. En plein mimétisme amical, nous avons pu voir et constater de façon plaisante que cette situation était normale, et n'avons pas cessé d'observer combien les gens qui sortent en boîte ensemble suivent un comportement mimétique! Et c'est très, très drôle. Quelques exemples:
- Quatre copines en jean avec top noir, dont deux ont exactement la même coupe de cheveux et la même décoloration blonde (et le même air très maquillé et pas très raffiné)
- Deux potes qui avaient dû se rencontrer dans une salle de muscu, exhibant avec le même air bêtement satisfait leurs pectoraux artificiels sous un tee-shirt plus que moulant
- Trois femmes de l'âge de nos mères dissimulant mal sous des top fashion une poitrine légèrement avachie (je suis charitable)
- Quatre grosses copines... etc, etc
D'ailleurs, vendredi, Chloé et moi avions mis toutes deux une robe noire en vue de sortir là encore. Encore un fait amusant. Apparement, qui se ressemble s'assemble, et qui s'assemble ne manque pas de se ressembler encore plus! Ce n'est peut-être pas une fatalité en matière d'amitié mais cela semble assez universel.
Je ne sais trop que tirer de ces considérations un peu inutiles peut-être, mais qui ne manquent pas de souligner combien nous sommes tous soumis à ce mimétisme qui semble constituer une règle de notre vie sociale. Cet état de fait n'est aucunement déplorable puisque nous sommes construits ainsi! Soyons pourtant vigilants quant à notre tendance mimétique, pourvu qu'elle ne verse pas dans le panurgisme...

08 avril 2006

Vox et ratio populi : deux poids, deux mesures - et le CPE alors ?

Poursuivant ma réflexion avec Simone Weil sur la nature du social, poursuivant mes activités diverses et variées dans la ville de Tours, poursuivant l'année liturgique - qui en arrive demain à la fête des Rameaux, et enfin, poursuivant ma lecture critique - philosophe avant tout - des évènements sociaux en cours, je voudrais vous livrer une petite anecdote qui fut la source de considérations regroupant tous ces champs de ma vie...
Aujourd'hui donc, pérégrinant aux alentours de la Cathédrale, je me heurte à un monceau de palmes abandonnées par un jardinier sans états d'âme dans une poubelle. Touchée par cette vision, en cette veille de la fête des Rameaux, je récupère quelques unes de ces palmes et reprends ma route vers mon foyer tout en méditant dévotement comme à mon habitude. Tenir ces palmes m'a projeté dans l'imagination de ce que pouvait être l'ambiance à Jérusalem le jour de l'entrée de Jésus sur son petit ânon.
Ce n'est qu'en arrivant à la place Jean-Jaurès, où j'ai pu rencontrer mes amis manifestants contre le blocage de l'université - et donc pour une juste cause - que l'analogie et même l'identité profonde entre les évènements actuels et ceux qui se déroulèrent à Jérusalem lors de la Passion de Jésus m'a subitement frappée. De là, une méditation sur le sens de la VOX populi : elle existe et doit exister sans doute. Néanmoins, Simone Weil fait valoir dans son analyse de la vie sociale - et je tiens aussi cette position - qu'il n'y a pas et qu'il ne peut pas y avoir de RATIO populi. La foule n'est pas rationnelle: la foule est le "gros animal" dont parle Platon dans la République. Je crois qu'il n'y a pas besoin de faire un dessin pour étayer cette idée - que tous ceux qui ont un jour manifesté avec candeur au nom d'une opinion mesurée se rappellent la honte d'avoir été associé à des slogans extrêmes et injurieux au nom du groupe, et des autres phénomènes collectifs qui n'ont rien de rationnel.
Il s'agit donc bien, dans cette "politique de la rue" qui se déploie sous nos yeux depuis plus d'un mois et qui veut s'imposer comme légitime, de l'expression d'une vox populi non fondée rationnellement qui se donne comme alternative au DISCOURS (logos) politique... J'espère que je fais bien valoir par ce petit jeu conceptuel que d'aucuns qualifieront de chinoiserie la perversité de cette situation qui joue sur l'idée de démocratie pour imposer la "vox" du peuple. N'empêche que je persiste et signe, ce travail de pensée doit être fait, et surtout en ce moment.
Travail de la pensée que je veux profondément lié et uni - en puissance - à la personne du Christ! De là, le rapport direct qui s'est imposé à mes yeux entre l'attitude de la foule lors de l'entrée de Jésus à Jérusalem, puis de sa Passion, et l'attitude de la foule manifestante et récriminante. La foule de Jérusalem, qui plébiscite un Messie guerrier, crucifie quelques heures plus tard le serviteur souffrant. La vox populi est bien changeante... Comment pourrait-on en faire une référence normative? Il serait peut-être intéressant d'aller plus avant dans cette réflexion en poursuivant avec Simone Weil, par l'analyse de l'idolâtrie à l'oeuvre dans le corps social... Je vais y réfléchir.
BONNE FÊTE DES RAMEAUX et bonne Semaine Sainte!
Bon week-end pour ceux qui ne sont pas concernés par la mention ci-dessus!
Gaudete!

05 avril 2006

Quelques éclairages sur le CPE

« La force sociale ne va pas sans mensonge. Ainsi tout ce qu’il y a de plus haut dans la vie humaine, tout effort de pensée, tout effort d’amour, est corrosif pour l’ordre. La pensée […] pour autant qu’elle construit sans cesse une échelle de valeurs “qui n’est pas de ce monde“ est l’ennemie des forces qui dominent la société ». Simone Weil, 1938
Je vous soumets cet extrait des Méditations sur l'obéissance et la liberté en tant que modeste contribution aux débats actuels sur le CPE et autres revendications sociales. Les manif' et blocages en tous genres ne se rapportent pas, il me semble, à un quelconque effort de pensée (!!), encore moins à un effort d'amour... Alors, la construction d'une échelle de valeurs supérieures qui permettrait d'évaluer la vie terrestre, elle est où? Bof, sûrement pas chez les anarchos. Peut-être dans l'Eglise après tout? Finalement, le Royaume de Dieu n'est-il pas lui même cette échelle normative pour les chrétiens?
Je vous soumets donc la question en me glissant dans le vocabulaire de notre ami Aristote: Je pense que le Royaume de Dieu est la cause formelle (c'est-à-dire l'essence qui tend à se réaliser), cause efficiente (ce qui réalise concrètement cette essence) et la cause finale (le but, ce vers quoi la chose tend) de notre vie "politique" - au sens grec "polis": la cité, il s'agit de notre vie "publique", sociale.
Alors il ne nous manque plus qu'une cause selon la classification aristotélicienne: la cause matérielle. La matière du Royaume de Dieu, ne serait-ce pas ce monde? De là, on prend un nouvel intérêt pour la politique. Et on en met plein les dents à ceux qui pensent que les chrétiens sont de vilains gnostiques qui n'aiment pas cette tragique et jouissive vie terrestre. Je vous propose donc de réflechir à ce qui pourrait-être une POLITIQUE SPIRITUELLE, en lien direct avec le Paraclet...
Amis de la LCR et du PPR, portez vous bien!

04 avril 2006

De l'hérésie et du désespoir, un retour sur ste Rita


Partant du principe que la Providence divine peut faire de tout malheur un plus grand bien, je me dois de vous faire part des fruits spirituels de ma fantasque aventure gallicane. Je serai brève mais précise, directe et brutale, en posant cette lourde question: est-il chrétien de solliciter l'intercession de Ste Rita?
Entendons nous bien, chers amis, et rassur
ez vous, je ne suis pas en train de faire un coming out réformé; la vénération des saints me reste chère, soutien et témoignage pour vivre dans l'adoration de l'unique Dieu. Seulement, pendant une nuit d'insomnie, l'Esprit Saint dans sa grande miséricorde a bien voulu faire surgir en moi cette pensée: n'y a t-il pas une hérésie dans la vénération de Sainte Rita? Il y a donc problème à traiter, matière à s'interroger.
Non que je veuille mettre en question la sainteté de la dite Rita - je serai bien mal placée pour cela, je l'avoue humblement. Mais ce qui me pose réellement question, c'est le fait qu'elle soit instituée par la conviction commune et populaire patronne des causes désespérées!
Effectivement, il me semble que le chrétien, en tant que baptisé, déjà ressucité dans le corps du Christ, ne doit jamais se laisser aller au désespoir! Espérance qui est une des trois vertus théologales, fondement de notre vie dans l'Esprit Saint. Et le désespoir n'est-il pas l'arme de Satan, qui le met au coeur du pécheur afin de l'écraser sous le poids son péché, pour qu'il ne revienne pas vers son Dieu?
Ainsi, dans le délire nerveux qui accompagne un sommeil qui se fait attendre, je me suis prêtée au petit jeu suivant: rechercher pour quelles causes je pourrais bien prier Sainte Rita. Donc je me suis plue à étudier les causes que l'on pourrait désigner comme désespérées. Et en fait, je n'en ai pas trouvé! Il me semble que l'attention portée aux difficultés de chacun guide notre prière vers un saint qui a particulièrement bien connu ces difficultés précises. J'ai grande facilité à me tourner vers st Vincent de Paul pour les malades, vers st Thomas d'Aquin pour les études ou ste Thérèse d'Avila pour la vie spirituelle: leurs charismes propres leur permettent de comprendre ces dimensions, ces évènements dans les vies de chacun.
Mais des causes désespérées? Faudrait-il croire que Rita se soit trouvée confrontée au désespoir au point d'en faire un fond de commerce spirituel? Comme tout un chacun certainement elle a été aux prises avec le démon. Reste qu'une telle dévotion se rapproche, non de l'hérésie comme je le suggérais pour accrocher mon lecteur, mais d'une forme de superstition chrétienne dans laquelle personnellement je ne me reconnais pas.
Heureusement, je suis convaincue que ste Rita et tous les saints du ciel ne s'arrêtent pas à ce genre de mesquineries et tendent l'oreille à tous les justes qui supplient sincèrement! C'est pourquoi, pour conclure cette petite réflexion non dénuée de scepticisme, je vous invite à prier ste Rita sans arrières pensées et surtout sans aucun désespoir! Et que *Dieu vous bénisse et vous garde *!