30 septembre 2007

Désolée...

Bon, je vais encore me faire bâcher par certains, mais c'est comme ça: je suis en VACANCES! Eh oui, encore. C'est l'avantage de travailler dans une grosse entreprise capitaliste. Mais faut pas croire, j'ai un programme super chargé de ouf.
D'abord, j'ai tout ça à regarder, et ça fait quand même 23 épisodes, en américain siouplait, histoire de travailler un peu mon naturel polyglotte.

Mais surtout, je serai là-bas, la semaine prochaine, en dominicaine compagnie!


Et puis après, je vais mettre mes perles pour aller voir ça!

A peine rentrée je repars là-bas... où Jean-Baptiste m'attend de pied ferme!



Et enfin je termine en beauté là-bas...



Alors amusez-vous bien pendant mon absence, soyez bien sages et polis avec les étrangers. Je vous rapporterai des jolies vierges phosporescentes, et des Jésus crucifiés qui vous suivent avec les yeux.

26 septembre 2007

Minute glamour - Fashionista's blouse

Avis aux poulettes égarées sur ce blog, aux hommes curieux de découvrir les mille scintillements de la vanité féminine! Joie, oui joie: la minute blonde est de retour.
La minute Glamour se propose cette semaine de résoudre une question qui tourmente toute jeune femme à la mode, toute fille dans le vent ayant eu l'impudeur d'ouvrir un magazine féminin cet automne, ou même l'idée de se promener dans les rayons des boutiques. Cette question cruciale, qui risque de susciter insomnies et crises conjugales, est la suivante: Faut-il, oui ou non, porter la blouse?


LA BLOUSE! La blouse, ce truc bouffant et soyeux, pas vraiment chemisier - pire encore - cet improbable fripe que vous avez réussi à extorquer à votre grand-mère après moult palabres, arguant du fait que la taille 38, c'était fini pour elle depuis les années 70. D'ailleurs, si on devait la dater au carbone 14, cette blouse, on l'estimerait à peu près à 1976, l'année de la grande sécheresse où les grands-parents ont dû revenir (en catastrophe) du fameux pélerinage à Lourdes pour moissonner des blés déjà tout cuits. Dans le crissement du synthétique fin et volupteux, dans les couleurs criardes de l'étoffe, les motifs vaguement indiens ou totalement psychédéliques, c'est tout un monde disparu qui ressuscite!
Autant dire qu'il en coûte à l'aïeule de céder le symbolique vestige. Après avoir convaincu mamie, par une preuve incomparable - l'essayage, de l'inéluctable justesse de la donation, broyant impitoyablement ses vanités sous le rouleau compresseur de votre jeunesse triomphante; vous emportez donc la blouse, heureuse et fière. Ou bien, vexée par la résistance de l'ancêtre, vous allez chiner chez Emmaüs; et pour deux euros faites un shopping de dingue. Les plus coincées, effrayées par l'excès de vintage, iront faire flamber leur carte bancaire chez Zara et H-M pour des modèles plus au goût du jour. Mais tellement moins amusants!
Il ne reste plus qu'à assortir la chose. A une jupe droite, par exemple, un pantalon à taille haute. Et bien entendu, à un soutien-gorges balconnet. Joie! Eh oui, sur vous mesdemoiselles, sur vos fermes poitrines, vos tailles fines, sur la peau fine de votre cou, la blouse détone. La blouse est sexy, peut-être parce qu'à travers la symbolique vieillote du vêtement votre jeunesse se fait plus conquérante? Habituellement promenée par les chairs usées et fatiguées des mamies, la blouse portée par la jeune femme a le mérite de la surprise, et elle pourrait même - second degré aidant- avoir un petit côté excitant.
Diable oui, la blouse remonte tous ses boutons, jusqu'aux prémisses de votre menton, et vous offre même ce détail des plus affriolants: une LAVALLIERE! Là, on n'est plus dans le vintage, on est dans la jouissance pure. Une lavallière! Rien que le mot suscite l'émerveillement. Et ce petit col foulard que l'on noue chastement a décidément quelque chose de bien érotique.
Evidemment, la blouse effraiera le mâle premier degré, insécurisé par les initiatives féminines, mais elle pourra attirer l'homme un peu raffiné, dandy décadent amateur de vintage. Si par malheur ce genre d'homme ne croise pas votre chemin, vous constaterez probablement une flamme de surprise - voir d'amusement attendri et un peu condescendant envers les fantaisies féminines - dans l'oeil du mâle qui se pique de virilité. Lui donnant ainsi l'avantage, vous le valoriserez! Et par cet habile tour de passe passe, attirerez son attention vers vos avantages indéniables.
En revanche, je déconseillerais la chose à la jeune fille déjà maquée; l'homme maqué ayant généralement peur de ce qui vient troubler l'image fantasmée de sa compagne, il est probable qu'il supporte mal la superposition de l'image bien trop réelle de sa grand-mère à celle de la femme qu'il honore de ses ardeurs. Ne déstabilisons donc pas ces pauvres et fragiles créatures, et réservons la blouse dans la malle aux déguisements, pour les jeux de cow-boys et d'indiens de Maeva et Ethan, nos futurs enfants, et de leurs cousins, Nolan et Keryann.
Mais, pensez-vous, elle cause, elle cause, mais a-t-elle testé? Chères lectrices, ce discours vibrant, cet hymne à la blouse, est fondé sur l'empirisme le plus strict. Oui, je l'ai fait, toute une journée, et même pire: je le referai.

Pour ceux qui voudraient se faire une idée sur un sujet aussi crucial grâce à d'autres avis que le mien propre, qui je l'avoue est un peu fétichiste, je renvoie à l'étude scientifique publiée par la revue d'investigations en féminologie Isa: "Mamies blouses", ce mois-ci: en kiosques.

23 septembre 2007

Passion et épreuve de la vie

Qu'est-ce que la passion? Voila quelques jours que les discussions vont bon train sur ces pages, afin de tenter de cerner cette notion si délicate à manipuler. Chemin faisant, surgissent du néant quelques idées décisives.
A priori, la passion n'évoque que des sentiments négatifs pour un philosophe. Passions venant troubler la raison. Passions qui conduisent à des actes inconsidérés, bouleversant toute éthique, renversant l'ordre patiemment établi de la pensée et des idées. A plus forte raison, le chrétien se défiera-t-il de la passion! L'amour cherche, dans le christianisme, à se dégager de la passion pour entrer dans la définition d'un amour serein et doux, sorte de milieu de vie en Christ. L'agapè! La passion, elle, est du ressort de l'éros, ce gênant individu qui s'empare de nous et nous plonge dans une sorte de délire. Elle recherche la possession, elle veut absolument, elle ne sait se modérer. Cherchant à s'approprier son objet pour se satisfaire, elle joue trop sur les ressorts de l'égoïsme. Si on ne peut l'éviter, elle doit être jugulée par l'agapè.
Est-il possible malgré tout de penser une positivité de la passion? Et qui plus est, dans une perspective chrétienne?
La passion est avant tout une épreuve. Étymologiquement le mot découle du latin patior, verbe qui désigne le fait de souffrir... On subit donc la passion! Mais qu'éprouve-t-on, de quoi la passion est-elle l'épreuve?
Probablement la passion n'est-elle pas autre chose que l'épreuve de la vie dans sa densité. Sa densité, son intensité, sa splendeur, son élévation, mais aussi toute sa profondeur tragique. Mes réflexions sur le sujet n'ont pu se déployer réellement qu'au moment où j'ai pensé à la passion du Christ. L'expérience du vendredi saint m'est apparue alors comme celle de la passion la plus aboutie, celle qui va jusqu'au bout de la vie, jusqu'au don intégral de la vie. Le Christ crucifié éprouve absolument le tragique de la vie humaine. Il fait aussi l'épreuve de la vie dans les limites de son corps humain.
Cette passion qui va jusqu'à la mort est la condition nécessaire du basculement décisif de la résurrection.

La passion apparaît alors comme un jeu de forces vitales. Fondamentalement, la passion est un phénomène qui nous dépasse, qui transcende ce que l'on peut désigner simplement comme "sentiment" et même comme "affection": elle engage notre être entièrement, âme, corps et sensibilité. Dans tous les cas, la passion est une forme de consommation de notre être: elle nous brûle et nous oppresse, mais nous donne la certitude de notre unité, nous fait éprouver l'intensité et la grandeur de notre vie avec une acuité surprenante. Mais elle a un double visage. Elle peut nous rendre invinciblement forts et elle peut nous asservir et nous détruire.
En ce sens, la passion relève du combat en nous entre pulsion de vie et pulsion de mort. Comme Yahvé défie Caïn de dominer "la bête tapie qui le convoite" (Gn 4, 6), nous sommes enserrés dans les mailles d'une dialectique existentielle où s'affrontent, à chaque instant, pulsion de vie, pulsion de mort. La question est: comment dominer cette bête tapie, le péché, la pulsion de mort, en nous?
Je crois que la passion est ce qui fait de nous des vivants, tout comme la passion du Christ fait de lui le Ressuscité. L'épreuve même de la passion nous fait prendre conscience de cette vie si pleine de potentialités et si démesurée de notre être humain. A nous de nous battre pour faire de cette passion une passion de vie, qui rend toujours plus vivant, qui élève et illumine.


Il y aurait donc deux modes de vivre la passion: renfermé sur soi-même selon une pulsion morbide, jusqu'au désespoir devant l'inaccessible objet et l'impossible quête, ou éclaté vers le monde et vers les autres, avide de consommer son être au risque de le consumer.
"Le passionné de la vie n'est pas egocentré, comme le passionné de la mort qui n'arrive pas à sortir de son bourbier, bien au contraire ! Le passionné de la vie, celui qui lève les voiles dans la joie, brille, éblouit, y compris ceux qui n'ont rien demandé" (Commentaire de Jean-Baptiste Bourgoin)
Celui qui lève le voile, qui brille: n'est-ce pas celui qui vit déjà sa résurrection? Profondément humaine, la passion ne nous apparaît donc plus comme un fléau, une façon dévoyée d'aimer - d'idolâtrer, mais comme une condition sine qua non pour vivre une vie digne d'être vécue. La condition humaine est appellée à la transfiguration dans la Gloire : la splendeur de cette vocation ne doit-elle pas susciter en nous cette passion pour la vie, qui nous rend plus forts, soutenus par la force de Dieu qui a ressuscité le Christ?


21 septembre 2007

Rions (encore) avec Balzac


"Elle ne voulait pas qu'Eugène la crût une facile conquête, précisément parce qu'il savait qu'elle avait appartenu à de Marsay. Enfin, après avoir subi le dégradant plaisir d'un véritable monstre, un libertin jeune, elle éprouvait tant de plaisir à se promener dans les régions fleuries de l'amour, que c'était sans doute un charme pour elle d'en admirer tous les aspects, d'en écouter longtemps les frémissements, et de se laisser longtemps caresser par de chastes brises [...] Tout Paris lui donnait madame de Nucingen, auprès de laquelle il n'était pas plus avancé que le premier jour où il l'avait vue. Ignorant encore que la coquetterie d'une femme offre quelquefois plus de bénéfices que son amour ne donne de plaisir, il tombait dans de sottes rages. Si la saison pendant laquelle une femme se dispute à l'amour offrait à Rastignac le butin de ses primeurs, elles lui devenaient aussi coûteuses qu'elles étaient vertes, aigrelettes et délicieuses à savourer"
op. cit., p. 212-213.

20 septembre 2007

Rions un peu avec Balzac


"Elle parlait souvent de cette déplorable affaire, en se plaignant de son trop de confiance, quoiqu'elle fût plus méfiance que ne l'est une chatte; mais elle ressemblait à beaucoup de personnes qui se défient de leurs proches, et se livrent au premier venu. Fait moral, bizarre, mais vrai, dont la racine est facile à trouver dans le coeur humain. Peut-être certaines gens n'ont -ils plus rien à gagner auprès des personnes avec lesquelles ils vivent; après leur avoir montré le vide de leur âme, ils se sentent secrètement jugés par elles avec une sévérité méritée; mais, éprouvant un invincible besoin de flatteries qui leur manquent, ou dévorés par l'envie de paraître posséder des qualités qu'ils n'ont pas, ils espèrent surprendre l'estime ou le coeur de ceux qui leur sont étrangers, au risque d'en déchoir un jour. Enfin il est des individus nés mercenaires qui ne font aucun bien à leurs amis ou à leurs proches, parce qu'ils le doivent; tandis qu'en rendant service à des inconnus, ils en recueillent un gain d'amour-propre: plus le cercle de leurs affections est près d'eux, moins ils aiment; plus il s'étend, plus serviables ils sont. Maman Vauquer tenait sans doute de ces deux natures, essentiellement taquines, fausses, exécrables"
Balzac, Le père Goriot, p. 46-47 de l'édition Folio.

17 septembre 2007

Huis clos autour d'une passion presque éteinte

Les braises,
de Sandor Maraï


J’ai découvert ces jours-ci, une nouvelle fois grâce à ma chère marraine, l’écrivain hongrois Sandor Maraï (1900-1989). Les braises : voici ce qui reste, au petit matin froid, de la généreuse flambée qui la veille animait le foyer. Les braises (1942) est un roman de la passion consumée.

« Si nous examinons notre propre cœur, qu’y trouvons-nous ? De la passion ! Il faut aussi que nous sachions que la vieillesse n’est jamais harmonieuse. Le temps peut affaiblir mais n’arrive jamais à étouffer les passions […] Elles n’ont, en effet, plus beaucoup de sens. Néanmoins, elles restent dans notre cœur. Pour quelle raison attendre autre chose du monde, de ce monde rempli de désirs inconscients, de passions et de violences ? […] Seules les passions vivent, nous brûlent et en appellent au ciel… » (p. 190-191)

La structure de l’œuvre est celle d’un huis clos entre deux vieillards à l’aube de la mort. Elle respecte scrupuleusement les cadres du théatre classique : unité de temps – une journée, prétexte à l’évocation de toute une vie, unité de lieu – une pièce qui porte en elle le souvenir d’un monde disparu, et d’un jour décisif entre tous. Structure théatrale qui semble faire écho à la vie intime du personnage du général, que l’auteur s’est choisi pour point de focalisation : ne soigne-t-il pas la mise en scène de la rencontre, comme s’il s’agissait ce soir-là de la dernière représentation sur la scène de son existence consumée ? A juste titre, le général se prépare à assister au dénouement de l’intrigue de sa propre vie, la dernière scène dont il a passé quarante ans à repasser les dialogues et les détails...

La maîtrise romanesque de Maraï est impressionnante. L’unité de temps et de lieu concentre et déploie effectivement une fresque d’une surprenante densité. Ce roman peu épais (220 pages) enferme l’évocation nostalgique d’un monde disparu, les rêves de puissance d’une Europe dont la grandeur s’efface dans les désillusions, qui rappelle Zweig (en mieux) et Musil (dans un autre genre !). Mais ces bribes de grand roman historique ne prennent leur sens que dans le face à face du général et de Conrad.

Le lecteur découvre peu à peu, au fur et à mesure du déroulement de la journée, la nature du drame qui s’est noué, il y a plus de quarante ans, entre les deux personnages – et dont je ne veux révéler précisément que les contours pour préserver le plaisir de la lecture. Au-delà du thème de la trahison, l’intrigue se noue autour de celui de la passion. L’amitié comme passion, qui recherche sa consommation dans l’autre, qui brûle et dévore de sentiments contradictoires, qui suffit à faire basculer l’existence d’un homme !

« - Avec l’âge, réplique le général, je pense que l’amitié pourrait bien être le sentiment le plus fort du monde… que c’est à cause de cela qu’elle est si rare. Et sur quoi repose-t-elle ? … Est-ce sur de la sympathie ? … Non, le mot est impropre. On ne peut pas dire par exemple que par pure « sympathie » deux personnes répondent l’une de l’autre dans les circonstances les plus critiques de la vie. Peut-être le fondement de l’amitié est-il différent ? …

- Mais que penses-tu donc ? demande Conrad. Dis-le une bonne fois.

Le général répond lentement, en cherchant ses mots.

- Peut-être au fond de tous les liens humains y a-t-il quelque chose du dieu de l’Amour,… d’Eros ? » (p. 102-103)

Mais finalement, derrière ce dénouement libérateur, ces mots sur l’amitié et la passion ne sont qu’une interrogation sur la capacité à vivre en vérité nos relations. Ne vivons-nous pas la vie comme une passion, une projection vers un autre que nous désirons ardemment et qui nous échappe ? Et peut-être nous échappe-t-il, parce que nous sommes incapable de le désirer pour ce qu’il est réellement, autrement que comme le support de nos fantasmes et de notre nostalgie.

« […] ce qui consistait la raison profonde de toutes mes actions a été le lien qui me rattachait à l’être qui m’a blessé, oui, c’étaient les liens qui me rattachaient aux deux êtres qui m’ont offensé. Accepter inconditionnellement certains liens, n’est-ce pas notre destinée ? […] Es-tu aussi d’avis que ce qui donne un sens à notre vie c’est uniquement la passion, qui s’empare un jour de notre corps et, quoi qu’il arrive entre-temps, le brûle jusqu’à la mort ? Crois-tu aussi que notre vie n’aura pas été inutile, si nous avons ressenti, l’un et l’autre, cette passion ? Peut-être la passion ne consiste-t-elle pas à désirer une certaine personne, mais à ressentir, en général, un désir nostalgique ? » (p. 217, c’est moi qui souligne)

Vient alors l’aube nouvelle, pure et fraîche – mais dont la nouveauté n’éteindra jamais complètement les braises rougeoyantes de la nuit passée.


Les braises, édité en Livre de poche, collection "biblio", traduction Marcelle et Georges Régnier.

16 septembre 2007

Mikrokosmos - A voix et à coeur nus

A celui auquel on pensait, dont la voix nous enchante bien plus

Ulrich et moi avons profité d'un concert 100% Crédit Agricole cet après-midi à Cléry Saint-André. La Caisse Locale d'Orléans Centre conviait ses sociétaires autour d'un choeur de chambre du Cher, "Mikrokosmos".

Le concert avait lieu dans l'impressionnante basilique gothique de Cléry (XIVème), lieu du repos éternel de Louis XI (enfin, de son crâne) - et de pèlerinage, traditionnellement, à Notre Dame de Cléry. Le bel autel qui abrite la précieuse statue était couvert de fleurs, c'est donc un parfum délicatement céleste qui nous accueillit en ces lieux!

La zone de Cléry, au sud ouest d'Orléans, reste un site important de production de fruits (pommes, poires, cerises...) et de vins. Les vignerons de la région d'Orléans ont obtenu une AOC il y a pile un an, et je vous conseille ces petits vins bien sympathiques (cépage Cabernet): rouges légers, qui accompagnent très bien les repas entre amis sans façons.

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Pour en revenir à nos moutons, le concert était d'une grande qualité! L'originalité de ce jeune ensemble, composé de 32 chanteurs âgés de 18 à 30, est de se concentrer sur l'interprétation d'oeuvres contemporaines et la création. Nous avons donc pu découvrir un beau panorama de la composition vocale actuelle, qui nous a fortement impressionnés!
Tout d'abord, le dynamisme créatif du choeur Mikrokosmos est vraiment enthousiasmant. Mené par son fondateur, qui est aussi compositeur et surtout très exalté (pour notre plus grand bonheur), Loïc Pierre, le groupe s'associe à toutes sortes de projets associant les différentes pratiques artistiques. A Cléry, cette créativité intelligente s'est manifestée dans un investissement dynamique du lieu. Les chanteurs ne cessaient de changer de place, selon la pièce interprétée, investissant les côtés ou bien le bout de la nef, jusqu'au millieu des spectateurs dans l'allée centrale. La présence des voix était presque matériellement mouvante! Cette démarche se double d'un effort de communication particulièrement appréciable. En plus d'un programme très détaillé, le chef de choeur a pris plaisir à présenter les oeuvres, ce qui permettait d'en goûter avec plus d'intelligence la subtile saveur.
En ce qui concerne le répertoire, autre découverte émerveillée. Nous avons parcouru, des USA aux pays baltes, la Scandinavie (Suède et Norvège), la Suisse et bien sûr la France. La création en musique pour ensembles vocaux me semble injustement méconnue, tant elle est riche et passionnante, si l'on en croit ce bref concert!
Les recherches des compositeurs s'axent autour des deux colonnes vertébrales de la pratique humaine du chant: le chant liturgique (le Sanctus de Franck Martin...) et le chant populaire (travail de collecte et de composition de l'estonien Veljo Tormis). Ce travail passe par un corps à corps avec la poésie, qu'il s'agisse d'une évocation quasiment plastique de la nature (la source "Kilden", du norvégien Grete Helgerod, magnifique solo englouti et submergé par les bourdons du choeur qui fluctuent et déclinent... Mais aussi "Fisrt snow" du suédois Bo Holten, concrétisation sonore d'une douce averse de flocons de neige!) - ou bien d'une mise en musique de poèmes contemporains (le Notre Dame de Miséricorde de Machuel, à partir d'un poème de Bonnefoy) ou de poèmes traditionnels ("Kilden").
Ce travail créatif passe aussi par la transcription, et nous en avons eu un très bel exemple avec l'interprétation de pièces de Fauré transcrites par un jeune baryton de l'ensemble, François Branciard. On s'émerveille de la capacité de synthèse de la création musicale, qui traîne derrière elle des milliers d'années en héritage! Le Sanctus de Martin débute comme un hymne grégorien, passe par quelques torsions baroques, et s'achève en une saturation sonore très messianique, parfaitement fascinante. Puissant!
On s'afflige donc du peu d'audience de la musique vocale et de la composition contemporaine. Il s'agit pourtant, par ces voix nues, d'un lieu privilégié de rencontre avec la beauté - et je pense particulièrement pour les gens qui n'ont pas beaucoup de culture musicale. J'ai trouvé magnifique la phrase d'une dame de connaissance, à la sortie: "on sent que ça réveille quelque chose"... Préfiguration des choeurs angéliques?

Ill:

1 - La photo n'est évidemment pas de saison, mais je n'ai pas pris le temps d'en prendre par mes soins... Merci Wikipédia!
2- (bis...)

13 septembre 2007

On avance

Samedi, après-demain, Thomas Gillet - plus connu sous le nom de "Funny Friend" sur ces pages - va reçevoir des mains du maître des novices de la province de France l'habit des frères prêcheurs.
Blanc.
C'est son papa qui a confectionné sa ceinture.


Fête de saint Jean Chrysostome


"Nous portons partout et toujours en notre corps les souffrances de mort de Jésus, pour que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée dans notre corps. Quoique vivants en effet, nous sommes continuellement livrés à la mort à cause de Jésus, pour que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée dans notre chair mortelle. Ainsi donc, la mort fait son oeuvre en nous, et la vie en vous"
2 Corinthiens 4, 10-12

11 septembre 2007

Robert Musil: Mystique et Réalité, par Paul Mommaers

Je reprends ici le texte d'une recension publiée dans le numéro de septembre de la revue La Vie Spirituelle, publiée au Cerf.
Il s'agit d'une étude sur Musil qui m'a enthousiasmée! A l'époque je réfléchissais effectivement sur le personnage de Jacob et sur le statut du couple des jumeaux dans cette histoire; ce qui m'avait naturellement amenée au couple Agathe Ulrich de l'oeuvre du grand autrichien.
J'ai en particulier écrit cet article dont les conclusions approchaient dangereusement (avant lecture de ce dernier) du livre de Paul Mommaers.
Pour info, on y trouve également la lectio divina du fr. Laurent Lemoine, op, que ce blog vous offrait en avant-première il y a déjà bien des mois! Toujours une longueur d'avance
;-) ...


Parmi les monstres sacrés de la littérature européenne se trouve un curieux dédale, une architecture somptueuse et inachevée, subtile et lente, si étrange qu’elle décontenance le lecteur - même le plus qualifié. L’Homme sans qualités est ce livre fascinant et improbable, dont on avoue pudiquement, avec plus ou moins de honte ou de perplexité, n’avoir lu que les cent premières pages.
C’est à ce monument que s’est attaché Paul Mommaers, docteur en science des religions, philosophe, philologue, spécialiste de la mystique chrétienne, dans une étude claire et concise qui se démarque de la critique existante. Nous prouvant avec brio qu’il est possible d’aller jusqu’au bout des fameuses mille huit cent pages, l’auteur déploie toutes ses compétences, qui ne sont pas de trop, pour permettre au lecteur d’accéder à une lecture spirituelle de l’œuvre de Musil.
Lecture axée sur le thème de la quête mystique des héros, Ulrich et sa sœur Agathe. Mystique et réalité : telles sont, selon l’auteur, les données du conflit qui se déploie dans l’action non-agissante du roman. L’Homme sans qualités, à travers ses héros, ne ferait pas autre chose qu’interroger les frontières de la réalité et la possibilité d’accéder à la plénitude de l’amour, de l’« état séraphique », c’est-à-dire celle de l’avènement du « Règne Millénaire ».
Après avoir replacé le texte dans une filiation mystique ancrée dans la tradition eckhartienne, P. Mommaers scrute avec une précision d’entomologiste les structures formelles mises en place par Musil pour exprimer la tension entre mystique et réalité. On aborde d’abord cette tension sur le plan sémantique, à travers une passionnante étude du champ lexical du thème de la réalité, puis une étude serrée du chapitre clef de l’œuvre, le « Voyage au paradis », souligne la structure ascensionnelle de l’œuvre, ascension minée par le conflit interne entre réalité et irréalité qui conduit à l’échec et à la chute.
Posant le problème de la dualité et de l’incarnation, c’est finalement aux tensions de notre humanité que le texte de Musil nous confronte, et à la condition terrestre entre « jardin enchanté » et « ombres » inquiétantes… Le regard de P. Mommaers nous est, dans cette confrontation, infiniment précieux.


Robert Musil, mystique et réalité, l’énigme de l’« Homme sans qualités »
, par Paul Mommaers, Paris, éd. du Cerf, coll "Cerf Littérature", 2006, 202 p., 22 euros.

09 septembre 2007

Le temps chrétien et l'Etre devenir, circulinéarité et parousie

Après la publication il y a bien des mois déjà, par Bruno, d’une passionnante série d’articles sur le concept du temps dans l’Etoile de la Rédemption de Franz Rosenzweig, j’avais été amenée à réfléchir sur le concept du temps en christianisme. Aujourd’hui ce sont les réflexions de Jean-Baptiste Bourgoin et le débat suscité par Halio autour du texte d'Exode 3, 14 qui me ramènent à ce thème. Si Dieu est « je serai qui je serai », « celui qui suis », quel est le statut du temps en christianisme ?



Ce texte reprend donc le corps d'un commentaire que j'avais fait sur Systar et que je voulais réexploiter - mieux vaut tard que jamais n'est-ce pas? A cette fin, je me fais plaisir et exerce ma naturelle pédanterie avec ce titre improbable. "Circulinéarité et parousie": plus que d'effrayer le badaud (quoique...), il s'agit avant tout de montrer que la structure du temps, telle que je peux l'appréhender en christianisme, se construit sur un mode à la fois linéaire et cyclique, l'un ne pouvant être dissocié de l'autre. En cela je m'oppose à la conception du temps que Bruno décrivait chez Rosenzweig, où le temps chrétien "voie éternelle" se dissociait du temps juif "vie éternelle cyclique". Mais on ne peut parler du temps chrétien sans évoquer la fin qui lui est promise. Le temps chrétien ne tourne pas à vide: il va vers son aboutissement dans la "parousie", la fin des temps - moment de conclusion de l'histoire humaine et de "recréation" du monde.

On se retrouve donc devant une situation complexe en forme de tension qui correspond bien à la complexité de la foi catholique et à la dynamique interne du nom de Yahvé, plénitude de l'être en devenir:

- Un temps historique, linéaire, qui court vers son achèvement, lié à l'Incarnation, à la Passion, et à la Résurrection du Christ dans un premier temps, et à l'action de l'Esprit Saint dans un second. La caractéristique principale de cette dimension du temps est son irréversibilité. Tout acte posé dans ce temps qui se déroule est définitif et irrémédiable, et déclenche aussitôt un mécanisme de conséquences sur lesquelles on ne peut plus revenir.


- Un temps cyclique, liturgique, lié à la plénitude de Dieu qui est. Ici, on parle de temps liturgique au sens courant du terme: celui qui rythme la vie de l'Eglise selon une circularité symbolique, un système cyclique qui actualise l'histoire du salut en la redonnant à vivre de façon répétée et inlassable.
En ce sens le temps dit "liturgique" peut être désigné comme "messianique" puisqu'il ordonne ces temps "qui sont les derniers" - c'est-à-dire les derniers avant la parousie. La vie du catholique est ordonnée selon une structure temporelle cyclique et répétitive qui l'inscrit personnellement dans l'histoire universelle du salut. Car la liturgie n'est que l'écrin des sacrements: on ne se situe donc pas uniquement sur un plan symbolique dans lequel on réévoquerait simplement l'histoire linéaire et ses évènements. Dans la dynamique sacramentelle, on vit réellement ce qui se joue et il faut croire que, de même que le pain devient réellement corps du Christ au moment de la consécration, l'évènement pascal est réellement une nouvelle création du monde, qui préfigure la recréation définitive lors de la fin des temps.

Ce qui s'est donc joué dans l'histoire linéaire, c'est-à-dire l'évènement de la résurrection du Christ, se rejoue dans la vie sacramentelle dans le baptême, et se renouvelle dans la circularité du temps liturgique qui donne à vivre la nuit pascale aux baptisés. Cette circularité liturgique, prise dans la linéarité du temps historique qui court vers son achèvement, préfigure la plénitude des temps dans le royaume de Dieu. Il y a tout lieu d'imaginer effectivement que la nouvelle création ne possèdera pas de structure spatio-temporelle... Par là, le temps chrétien suggère, et même donne à voir le dimanche de Pâques - le 8ème jour, l'éternité en germe et en "souffrance"au coeur même de l'histoire humaine qui en accouchera lors de la Parousie.

Mais cette double tension du temps est fondamentale dans le christianisme car elle renvoie également à la responsabilité de l'homme devant Dieu et à l'infinie miséricorde de ce dernier. L'homme est responsable de ses actes puisque tout acte qu'il pose est irréversible (linéarité impossible à remettre en cause car Dieu ne fait pas de miracles contre l'ordre du monde). En ce sens, l'homme est pris dans les mécanismes naturels du temps qui court vers son achèvement dans l'éternité, et déploie inexorablement dans l'histoire la révélation du Christ, jusqu'à la plénitude de sa présence. Mais néanmoisn, par la miséricorde de Dieu qui se soucie de lui, l'homme n'est jamais prisonnier, condamné par la linéarité du temps, puisque il est ouvert à la grâce divine qui peut tout renouveller en lui. En ce sens, on entre dans une dimension du temps surnaturelle, qui vient se surajouter à la dimension naturelle sans la contredire. Cette dimension est à mes yeux manifestée par la circularité du temps liturgique, qui manifeste la capacité de renouvellement par la grâce sacramentelle (et particulièrement celle du pardon qui culmine à Pâques) de tout l'être de l'homme.

En ce sens, tout est pris dans le Logos. Le Christ est indépassable. Le temps naturel est le déploiement de sa présence au monde, Lui par qui tout a été fait. Dans cette dimension, l'homme est obligé de se soumettre au temps qui règle l'univers selon les lois que Dieu a voulues lors de la Création. Mais, dans le temps liturgique, c'est Dieu qui nous manifeste le fait qu'Il a voulu entrer dans cette soumission au temps. Puisque le Christ s'est incarné, Il a pris la dimension et la mesure de notre expérience du temps. D'où l'instauration d'un temps liturgique qui est le lieu où nous pouvons personnellement faire sa rencontre, selon les modalités de notre finitude. On ne peut donc penser le temps sans passer par l'Alpha et l'Oméga; il va jusqu'à notre histoire, tant universelle qu'individuelle, qui s'inscrive en Lui.

08 septembre 2007

Le nom de Dieu, 2 - l'Etre devenir, par Jean-Baptiste Bourgoin

Je reproduis une fois de plus le généreux commentaire de Monsieur Camille sur mon précédent texte... A lire également sur son nouveau site qu'il faut ajouter à vos favoris. Quant à moi je pense poursuivre le cycle avec un texte en hibernation depuis décembre dernier sur la circulinéarité du temps chrétien. A voir demain probablement. Merci de votre assiduité et de la grande érudition de vos interventions...



Ce Dieu qui est ce qu'il serai de toute éternité est très séduisant... Si j'ouvre la traduction de Chouraqui (Exode est ici Noms), je lis :
«Elohîm dit à Moshè : "Èhiè ashèr èhiè ! - Je serai qui je serai"»

Ce qui paraît logique puisque s'il n'y a pas vraiment de présent en hébreu, nous ne pouvons avoir "je suis ce que je serai". IHVH termine par
"Voilà mon nom en pérennité,\ voilà ma mémoration de cycle en cycle"
_______________
La vérité chez les grecs était témoignage des yeux. La parole n'était là que pour communiquer ces visions, les traduire en mots. La vue est fondamentale chez les grecs. La vérité est ici ineffable, et figée. C'est pour cette raison que l'intuition est si importante chez les grecs. L'intuition est le résultat d'une contemplation, quelque chose de figé. La theoria grecque est un processus de savoir qui a un but, qui est linéaire. Ici le logos ne peut être que descriptif. La contemplation était primordiale car c'était l'action qui était admirée. Non pas cette inscription dans une temporalité qu'implique la recherche d'une signification, mais la contemplation d'un pur advenir. Être là au bon moment pour contempler l'action réalisée au bon moment. Le savoir devenait la quête des philosophes : qu'ai je vu ?

Avec la religion hébraïque nous passons de l'ineffable grec à l'invisible. Dieu se présente comme celui qui peut être entendu, mais pas vu. La vérité n'est pas la vue, l'identité de ce que l'on a sous les yeux, mais l'obéissance : est-ce que j'obéis à la parole de Dieu ? La vérité est dans la signification de la parole. Et la signification de la parole se recherche par le travail toujours recommencé de la pensée. C'est ainsi que la religion hébraïque créé l'histoire. Ou plutôt, fait de l'histoire l'élément fondateur d'un peuple. L'histoire est linéaire, elle construit du sens. Paradoxalement, le travail sur ce sens est circulaire : c'est la pensée, en tant qu'elle est pure recherce de sens, qui révèle m'histoire. Le couple Histoire/pensée, est l'opposé exact du couple contemplation de l'action/savoir. La contemplation est toujours recommencée, mais la recherche du savoir (décire en mot l'identité visible) est linéaire, elle a un but précis : mettre les bons mots sur l'image. Chez les juifs, la pensée est révélation toujours recommencée d'un devenir que ne peut promettre qu'un Dieu invisible et éternel.

On retrouve la notion d'éternité chez les philosophes grecs. Héraclite (fragment B30) nous dit :

«Ce monde-ci, le même pour tous, nul des dieux ni des hommes ne l'a fait, Mais il était toujours est et sera, Feu éternel s'allumant en mesure et s'éteignant en mesure.»

Mais aussi, bien sur, chez Parménide (fragment VIII) :
«Seul reste donc le récit de la voie «est». Sur elle, les marques sont très nombreuses : en étant sans naissances et sans trépas il est, entier, seul de sa race, sans tremblement et non dépourvu de fin, jamais il n'était ni ne sera, car il est au présent, tout ensemble, un, continu»

Le reste du fragement est sublime, mais je dois m'arrêter. Dans ce poème il est dit un moment : «J'arrête là pour toi le discours fiable et la pensée sur la vérité » Passage sublime. Un des rares moment dans lesquels la pensée, le discours, est chemin vers la vérité. Ici les dieux sont semblables aux hommes, car ils sont spectateurs d'un monde qui les précèdent. D'une certaine manière la philosophie grecque est l'assassin de la religion grecque.

Ce qu'il y a d'intéressant chez Héraclite et Parménide, c'est la question du temps et de l'être. Chez Héraclite, le monde est et sera. Présent et futur. On est ici assez proche du «Je suis ce que je serai». Avec Parménide il y a une sorte de refus du devenir dans l'être. Paradoxalement, il dit de lui qu'il est "continu". Il est, ne devient pas, mais continue d'être. Peut-être un problème d'histoire. Chez les grecs l'histoire est déjà un produit humain et divin, mais pas un produit de l'être, du moins pas spécifiquement. Avec la religion hébraïque, Dieu créé l'histoire. Voilà peut-être la raison d'un Dieu qui «serai ce qu'il serai», un devenir absolu.

Si l'homme est à l'image de Dieu, alors l'histoire est le seul moyen d'inscrire l'homme dans un devenir. Parce que l'homme a un horizon, la mort, parce que l'histoire des ses Ancêtres lui apprend qu'il est né dans un monde qui était avant lui et qui continuera d'être après lui, alors son inscription dans un devenir se comprend dans la naissance. «Un enfant nous est né», par cette phrase nous savons déjà la fin de l'histoire : «un homme est mort». Mais pas la fin de toute l'histoire. Ici Dieu se fait homme en s'inscrivant lui-même dans l'histoire des hommes qu'il a rendu possible en les faisant à son image et en leur donnant la volonté.

Dieu s'il est entendu est innommable, car son nom lui donnerai une fixité qu'il n'a pas en propre. Seuls les animaux, les plantes, les minéraux etc. peuvent être nommés. Car leur vie de pure circularité les figent dans leur être. Ils sont toujours identiques à eux-mêmes. L'homme comme Dieu, devient. Et son nom ne résonne qu'au travers de son histoire. Dieu en pur devenir ne peut être nommé car il est déjà pleinement tout ce qu'il devient, et cela est pour nous invisble. L'homme doit attendre sa mort pour être parfaitement nommé. À la naissance il est difficile de distinguer un petit jules d'un autre petit jules, ils sont des êtres en devenir. Mais à la mort Jules Renard n'est pas Jules César. Leur naissance est pourtant déjà marquée par leur nom de famille, et cette famille constitue déjà pour eux une inscription dans une histoire.

Le «je serai ce que je serai» du Dieu de la religion hébraïque disait : vous, mon peuple, devez vous inscrire dans une grande histoire familiale. Vous êtes un peuple en devenir et devez faire de l'obéissance en ma parole la directive de vos actions.

Le «un enfant nous est né» du Dieu chrétien disait : Je ne parle plus seulement à un peuple, mais à vous tous, hommes. Chacun d'entre-vous êtes des devenir. Vous êtes libres car Jésus a racheté vos péchés en se faisant à son tour homme, en mourrant, et en réssuscitant. Il a fait de la mort votre horizon, et du souvenir en vos semblables votre résurrection. Jésus a produit l'histoire qui permet à chacun des hommes de s'inscrire dans un devenir qui ne le fait pas chuter dans l'anéantissement.

Se faire un nom. Les hommes peuvent nommer, mais leur prénom ne les saisit pas dans leur devenir. Puis vient la mort, et une nouvelle vie en chacun de nous.

Souviens-toi que tu es mortel, et écoute la parole des morts.

07 septembre 2007

Le nom qui est au delà de tout nom

"Moïse dit à Dieu: "Voici, je vais trouver les Israélites et je leur dis: Le Dieu de vos pères m'a envoyé vers vous. Mais s'ils me disent: "Quel est son nom?" que leur dirai-je?"
Dieu dit à Moïse: "Je suis celui qui est."

Et il dit: "Voici ce que tu diras aux Israélites: Je suis m'a envoyé vers vous." Dieu dit encore à Moïse: "Tu parleras ainsi aux Israélites: Yahvé, le Dieu de vos pères, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob m'a envoyé vers vous. C'est mon nom pour toujours, c'est ainsi que l'on m'invoquera de génération en génération"
Exode 3, 14 (traduction Bible de Jérusalem)

Halio me demande de m'exprimer sur cet épisode du livre de l'Exode. Autant dire, sur la révélation du nom de Dieu - révélation qui se donne à Moïse, par le biais du buisson ardent, épisode cultissime digne d'un peplum hollywoodien - qui suscita moult réflexions et interrogations philosophiques et théologiques. La tâche est donc rude, je passe après bien des génies, exégètes, saints, érudits, et je vais tenter de m'en acquitter du mieux que je puisse faire... Battons les buissons; que faut-il comprendre dans cette révélation du nom de Dieu comme "celui qui est"?
Tout d'abord, et je ne suis pas experte en hébreu biblique - je ne suis même pas initiée pour dire vrai, mais toute analyse honnête commence par ce biais, il faut souligner les problèmes insondables de traduction qui plombent cette formule. Là où la Bible de Jérusalem propose "Je suis celui qui est", la TOB nous donne effectivement "JE SUIS QUI JE SERAI". La palme de la formule la plus exacte revient probablement, si j'en appelle aux souvenirs lointains mais néanmoins persistants des cours de métaphysique de licence, à la Bible du chanoine Crampon qui traduit "Je suis celui qui suis", fidèlement à la Vulgate "Ego sum qui sum"...
A Moïse qui cache son visage de ses mains "car il craignait de fixer son regard sur Dieu" (Ex 3, 6), Dieu se donne donc comme l'incommunicable, l'intraduisible: Yahvé. Comment l'Invisible pourrait-il être soumis à la préhension du langage, à la vue de l'intelligence? Dieu ne se cache pas, il est là, au coeur du buisson qui brûle sans se consummer. Dieu se manifeste, se révèle et se nomme. Le Très-Haut, Celui qui est au-delà de l'entendement et des concepts humains, prononce son nom qui est au-delà de tout nom. Est-ce à dire qu'il ne faille rien dire de Dieu?
On se souvient qu'aux premiers jours du monde, Dieu avait donné à Adam le pouvoir de nommer les animaux de la terre (Gn 2, 19), premier geste de collaboration de l'homme à la création qui lui était confiée. Geste d'abord politique; la construction de la communauté humaine est contenue dans la possibilité de communiquer, grâce à un langage commun... Langage commun qui subira la dispersion lors de l'épisode de Babel. Bref, l'homme a été voulu par Dieu capable de poser des noms, de conceptualiser ce qui l'entoure, par le biais de l'exercice de son intelligence. Nommer, c'est circonscrire: affirmer un pouvoir, définir. Il n'y a que devant le Créateur que le jugement se suspende... Impossible de juger et de conceptualiser: l'esprit doit se faire obéissant afin d'entrer dans cet état de contemplation amoureuse, d'adoration, qui éclaire l'intelligence d'une lumière nouvelle.
Au cours des textes du Premier et du Nouveau Testament, on constate que c'est Dieu lui même qui donne le nom de ses prêtres, prophètes, et rois. Dieu baptise et rebaptise, appelle ses élus par leurs noms propres, baptise Jacob et lui donne le nom d'Israël, rend Zacharie muet (Luc 1) et baptise Jean-Baptiste en lui rendant la parole (!) - pour ne citer que quelques exemples. En nommant ces petits enfants, en rebaptisant ces hommes, Dieu affirme leur élection et leur vocation à le servir plus particulièrement. Il pourra ainsi se désigner lui-même comme "le Dieu de vos pères, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob". En posant un nom sur ces hommes, Dieu pose sa main sur eux: le nom est une onction reçue du Seigneur. On retrouve cette idée lors du baptême de Jésus, onction ultime et définitive, désignation du Fils entre tous les fils (Luc 3, 21).
Par là, on entre déjà dans une dimension profonde du nom qui nous échappe. Par un nom, l'homme donne une coquille creuse dans laquelle vient prendre place plus ou moins justement une réalité qui échappe toujours à son intelligence. Il utilise la nomination comme une technique de lisibilité du monde, comme un moyen de distinguer ce qui doit l'être et de rassembler ce qui est suceptible de l'être. Mais quand c'est Dieu qui nomme, Il accède à la plénitude de ce qu'Il nomme. Dieu exprime toute la singularité de la personne lorsqu'il prononce un nom. Ce sont les mots de l'amour maternel de Dieu qui s'expriment dans le livre d'Isaïe: "tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et je t'aime" (43, 3). Le nom que nous portons exprime-t-il la vérité de notre être? On pense immédiatement à l'appel du ressuscité à Marie Madeleine: "Marie" (Jn 20, 11)! La résurrection finale sera probablement cela; un appel, par notre nom propre... Celui que seul Dieu peut exprimer, Lui qui a tissé notre être dans le sein de notre mère.
Si Dieu possède la pleine connaissance des noms - celle qui est adéquation totale entre le signifiant et le signifié, c'est bien parce que Lui-même est au-delà de tout nom. C'est parce que c'est de Lui que nous tenons notre être. Nous ne subsistons dans l'être que parce que "celui qui suis" a voulu nous créer et qu'Il nous apporte notre subsistance.
On entre donc dans la dimension ontologique de cette formule: elle désigne Dieu comme l'être même, Celui qui n'existe pas - qui ne tire pas son être d'un autre que lui. Dieu est. Il est "celui qui est", "celui qui suis", "celui qui serai": la plénitude de la vie, hors du temps humain, du langage et de l'espace. Et la beauté hésitante de ces diverses traductions nous introduit dans le mystère de la révélation de Dieu dans l'histoire: celui qui est de toute éternité, qui est parfaitement cohérent à soi-même, celui dont le corps se développe pour atteindre la plénitude de sa révélation... Chose mystérieuse et merveilleuse, l'être pur de Dieu est une vie relationnelle entre les trois personnes consubstantielles! Dans l'évangile de Jean, Jésus se désigne lui-même par le nom qui est au-delà de tout nom lorsqu'il annonce la Passion (13, 19 et surtout 8, 28 : "Quand vous aurez élevé le Fils de l'homme, alors vous saurez que Je Suis et que je ne fais rien de moi-même, mais je dis ce que le Père m'a enseigné"). J'aime à conclure que, si son nom est au-delà de toute intelligence, Il a plu à Dieu de révéler par la venue au monde du Christ sa nature trinitaire. Un Dieu caché, un Dieu dont on ne peut parler?

04 septembre 2007

La minute glamour - Nuxe et mes lèvres!

Une fois n'est pas coutume, ce blog s'offre une minute glamour - pour ne pas dire blonde... Marre de vous recommander livres, expos, fi de débats théologiques et littéraires! Pour prouver au monde que l'on peut être catho et communier tous les dimanches, lire des livres avec plein de pages dedans et de mots pédants, et prendre soin de sa petite personne. Voire de se pomponner un peu et même de faire preuve de coquetterie (que voulez vous, on n'attire pas mes mouches avec du vinaigre...) Mais aussi, dans l'espoir d'attirer sur ces pages un public un peu plus féminin (espoir...)Alors qu'en est-il? Une révolution dans la relation entre moi et mes lèvres. Voila, je me suis acheté le baume prodigieux pour les lèvres de Nuxe et c'est vraiment top. Complètement exaltant parce qu'on a en même temps l'effet GLOSS (couleur chocolat irisé pour moi, rien que ça eh eh eh) et le soin des lèvres, puisque ce baume est nourrissant et protecteur! En plus il sent vraiment super bon - comme tous les produits de cette marque d'ailleurs. Et on peut se la jouer Audrey Hepburn avec son lipstick, dans les toilettes au boulot!

Bref je conseille donc avec exaltation ce baume sublimateur à toutes les demoiselles soucieuses d'afficher un sourire aussi brillant que leur esprit.

03 septembre 2007

René Lalique flaconnier - Une certaine idée du luxe

On dit que l'aventure est au coin de la rue, j'aime à croire qu'il en va de même pour la culture! Dans mon cas, il faudrait plutôt dire au coin du bois. Dimanche je suis donc allée voir au coin du bois, et j'ai trouvé ça:

Bon, que je vous explique. En fait c'est un chateau renaissance dont le principal intérêt historique est d'avoir été une des seules places fortes protestantes de la région durant les guerres de religion. Chateau dont, à part un souvenir glorieux lié à l'homonyme fameux du seigneur du coin, Lancelot du Lac (!), il ne restait plus que les douves, où mon arrière grand-père allait pêcher avec son petit-fils (mon papa en l'occurence!)
En quête de supports pour son développement touristique, le Conseil Général du Loiret a décidé de le reconstruire dans les années 90.
On obtient donc un magnifique chateau renaissance des années 90. Vous voyez qu'on peut trouver plus exaltant.
Malgré tout les idées sont bonnes puisqu'a été aménagé un très beau jardin où l'on rêverait de promener un amoureux. Et une muséographie axée sur le parfum dans l'histoire (occidentale) qui se fonde en légitimité sur la place prépondérante du département dans la production de cosmétiques. Le territoire, rebaptisé "Cosmétique Valley" (eh oui...) accueille effectivement la seule unité de production Dior du monde, Shisheido, Caudalie, Sephora, d'importantes structures logistiques de produits de luxe, etc.
Tous les étés, le chateau propose en outre une (toujours) intéressante exposition portant sur un grand nom de la haute couture et du chic français. Je me souviens avoir contemplé avec exaltation des pièces vintage de Rochas et des flacons Guerlain... Cet été, surfant sur la vague de l'exposition des bijoux Lalique au palais du Luxembourg, l'exposition offrait une vaste perspective sur le travail de flaconnier de parfums de René Lalique.


Leurs âmes, d'Orsay, 1913 env.

Autant vous dire que je m'en suis mis plein les mirettes. Je trouve particulièrement remarquable cette créativité inépuisable orientée vers un usage quotidien!
Synthétisant les goûts de son époque avec brio, René Lalique (1860-1945) a été le premier, au tout début du XXème siècle, à conçevoir des flacons de parfum à la fois uniques - car créés en collaboration avec le parfumeur, inspirés par le jus - et de façon industrielle, c'est-à-dire en série - démocratisant ainsi avec les fragrances et leurs splendides flacons ce qui était un vrai luxe...

Orfèvre de formation, le jeune René Lalique séjourna en Angleterre entre 1878 et 1880. A cette époque l'art anglais est dominé par le courant "Arts and craft", mouvement de renouvellement des arts décoratifs dont l'influence est remarquable dans l'oeuvre de l'artiste français. La figure la plus célèbre est celle de William Morris (1834-1896). Pétri de conviction socialistes, Morris conçoit l’artisanat comme une force créatrice à développer face à l'industrie - qui ne produit pas de beaux objets et qui n'apporte pas d'épanouissement aux ouvriers. Artiste et businessman, Morris va créer et commercialiser de superbes tissus, meubles, papiers peints etc.

Le corail rouge, Forvil, 1925

On retrouve chez Lalique cette démarche d'industrialisation artisanale menée avec un souci esthétique exigeant, ainsi que les thèmes végétaux - et animaux qui le rapprochent aussi du Symbolisme. Mais il saura capter et synthétiser les tendances des époques qu'il traversera, que ce soit l'Art Nouveau avec ses figures lascives et ses volutes, ou l'Art Déco avec ses lignes pures et rigoureuses!



La première collaboration de Lalique avec un parfumeur sera celle avec René Coty, dès les années 1900. Le succès est immédiat, mais Coty oriente rapidement son entreprise vers la recherche de fournisseurs meilleur marché... Dès lors le grand orfèvre cisèlera de nombreux flacons, que ce soit pour des maisons encore célèbres: Roger et Gallet, Molinard, Guerlain et dans l'après-guerre Nina Ricci ; mais aussi pour des noms qui ont aujourd'hui sombré dans l'oubli: Worth, d'Orsay, Volnay...
Autant de réminiscences désuètes au chic suranné.


Dans la nuit, Worth, 1924
Les étoiles qui se dessinent sur le bleu du flacon constituent une prouesse technique!

Pâquerettes, Roger et Gallet, conçu entre 1910 et 1920.

L'inspiration généreuse de Lalique se manifeste pleinement dans cet élégant flacon reprennant le motif de... trois guêpes!

Même inspiration pour Au coeur des calices, conçu pour René Coty. Le flacon représente le calice de la fleur, et le bouchon, un petit bourdon...

Le grand "Hit" des années d'après-guerre: l'Air du temps conçu pour Robert Ricci (1942). Ce parfum est l'un des cinq jus les plus vendus au monde!

Bonne semaine à tous.
Visiter le château de Chamerolles: Chilleurs aux bois, Loiret - 02 38 39 84 66

Joie!

Grâce à l'ami Didier Goux, j'ai trouvé la combine pour faire apparaître vos derniers commentaires sur la marge de l'Homme sans qualités! Je pense que cette claire vision des débats en cours sur mes pages attisera les échanges.
La semaine commence décidément plutôt bien. Bon, je retourne à mes confitures et à mes lectures. Ah, le lundi au plumard...