30 mai 2007

Rembrandt et la nouvelle Jérusalem (céleste!)

Le musée d'art et d'histoire du judaïsme propose jusqu'au 1er juillet une foisonnante et passionnante exposition intitulée "Rembrandt et la Nouvelle Jérusalem". Entre la première Jérusalem à la Jérusalem Céleste, elle nous permet de nous immerger dans un contexte très particulier, autour de l'oeuvre de Rembrandt: celui de l'installation, au Pays Bas, d'une importante communauté juive issue de la péninsule ibérique - principalement du Portugal.


L'exposition est parfaitement conçue de manière à faire entrer dans une intimité intelligente avec l'oeuvre du grand maître, en permettant de se placer de façon pertinente dans le contexte culturel qui entourait sa gestation. Articulant la précision historique et didactique aux oeuvres - principalement des dessins, l'impression d'ensemble qui se dégage est un équilibre bien trouvé entre stimulation intellectuelle et plaisir tout esthétique. Une exposition qui fait ainsi appel à l'unité de la personne, ça ne se loupe pas, et vaut bien la peine de faire une heure de queue et de bousculer ses (nombreux) voisins!
C'est au tout début du XVIIème que des juifs, chassés du Portugal et de l'Espagne par les persécutions catholiques (eh oui... il faut bien le reconnaître!) s'installent durablement au Pays Bas. La Nouvelle Jérusalem n'est pas encore la Cité Céleste, c'est Amsterdam. La ville est en pleine expansion commerciale et marchande, à une époque où les échanges avec les Indes et les Amériques se développent. Les juifs, qui ont conservé de nombreux réseaux tant familiaux que professionnels, prennent une place décisive dans ces échanges.

Et Amsterdam devient le creuset d'un troublant mélange, et cet évènement constitue une petite révolution, tant sur le plan culturel que sur le plan religieux. Amsterdam devient le théatre de la rencontre entre le judaïsme, le monde chrétien issu de la Réforme, et... la peinture de Rembrandt. On découvre avec étonnement qu'un des quartiers de la ville, celui de l'écluse saint Antoine, abritait à chaque coin de rue de grand bonhommes, marchands fortunés et mécènes, intellectuels, artistes, et que tout compte fait, Rembrandt et Spinoza étaient quasiment voisins!
La rencontre entre judaïsme et christianisme est d'autant plus intéressante que ces juifs portugais et espagnols étaient ce que l'on appelle de "Nouveau Chrétiens", ou "conversos", ou encore "marranes". Contraints à la conversion pour survivre en milieu catholique, ces juifs avaient en réalité conservé tant bien que mal la foi de leurs pères. Tant bien que mal: c'est donc un peuple enfin libre de vivre librement le judaïsme, mais bien peu intruit de ses rudiments, qui débarque dans une région transformée par la Réforme. L'organisation communautaire de la "Nouvelle Amsterdam" passera donc autant par la construction de la Synagogue que par le recrutement de nouvelles élites, qui devront enseigner à ce peuple déraciné les bases de sa foi... et jusqu'à la langue dans laquelle elle se pratique. Une aubaine que cette nouvelle proximité pour des chrétiens qui prônaient un retour aux racines, au judaïsme... Autour de ces "conversos" va se développer un courant philosémite, qui ira même jusqu'à un phénomène "d'identification hébraïque" dans la nation toute fraîchement constituée des Provinces Unies et pour la communauté protestante.
Autour de la peinture de Rembrandt se cristallisent donc les échanges foisonnants et riches entre judaïsme et christianisme, sur fond de libéralisme religieux en terre protestante. Questionnements sur l'interdit de la représentation, lectures des écritures, en particulier du permier testament, à la lumière des commentaires du Midrash, de la kabbale et des "Antiquités judaïques" de Flavius Josèphe... L'exposition, riche en dessins, permet de constater combien l'influence de la lecture psychologisante du Midrash a influencé l'art du peintre. Et de conclure sur la réflexion millénariste suscitée par les temps, et par l'émulation de grands esprits; en particulier, le rabbin Menasseh Ben Israël, dont Rembrandt illustra un traité.
Magique de constater finalement que, tout compte fait, entre réformés, juifs redécouvrant leur foi - et familiers du catholicisme, les échanges mutuels aboutissement dans une commune espérance en l'avènement de la Nouvelle Jérusalem... Céleste, cette fois!

9 commentaires:

Anonyme a dit…

il manque un "c'est" au début du 3ème § semble-t-il

Anonyme a dit…

Merci pour ce compte-rendu. Cette exposition semble passionnante.
Bonne journée,
D.

Sémiramis a dit…

Voui Coincoin, heureusement que tu es là.

D, you're welcome!

Anonyme a dit…

Et puis dans le paragraphe 5 tu as dit "Nouvelle Amsterdam".
Voulais-tu dire "Nouvelle Jérusalem" ou parlais-tu de New York avant qu'elle ne fusse anglaise?

Sémiramis a dit…

Bon, c'est fini, cet acharnement à me faire voir mes coquilles!

Bon, ok, je suis un peu fatiguée!

Anonyme a dit…

Bonjour Elise,
Ce matin, émission "Répliques" sur Rembrandt et la Nouvelle Jerusalem.

http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/repliques/

bonne écoute,
Denis

Sémiramis a dit…

Bonjour D,

Merci de l'info: je vais télécharger l'émission. L'avez vous entendue? Est-elle intéressante?

Bon dimanche à vous.

Anonyme a dit…

Bonjour,
Non, hélas les tâ(a?)ches ménagères m'ont tenu éloigné du "Répliques" hebdomadaire. Heureusement, le podcasting est fort utile pour rattraper les retards et les oublis.
Bonne semaine à vous,
D.

Sémiramis a dit…

A qui le dites vous...

Bonne soirée!