28 mai 2008

Innumérable Alexandre

Comme je suis une fille snob, apte et branchée, j'ai les derniers it avant tout le monde.



Le nouvel opus d'Alexandre Tharaud, consacré au jeune compositeur Thierry Pécou, en collaboration avec l'Ensemble Orchestral de Paris, ne doit sortir que demain, mais je l'écoute en boucle ce soir, et cette pochette parfaitement conceptuelle enchante mon intérieur paisiblement baigné de musique.
Non, ne criez pas au passe droit - j'aurais pu en avoir, affaire de famille, mais même pas! - le vendeur de la FNAC est allé me le chercher, sans que je le lui demande, avec tant de bonne volonté que j'en ai déduit qu'Euterpe, muse de la musique, s'était penchée par dessus mon épaule.


Alors, pour fêter ça, j'ai aussi investi dans les pièces pour piano de Florent Schmitt. Oui, je suis snob, et j'aime les artistes maudits, et je me berce du nom de chaque morceau
Opus 16
1 - Aux rochers de Naye

2 - Sur le chemin désert

3 - Silence troublé

[...]



24 mai 2008

L'âge d'or du romantisme allemand

Au musée de la Vie romantique, 16 rue Chaptal (IXème arrdt) - jusqu'au 15 juin

Si vous ne le connaissez pas encore, le musée de la Vie romantique mérite votre visite, ne serait-ce que pour la fraîcheur de son cadre bucolique en plein Paris. Entre la Trinité et Notre Dame de Lorette, non loin du non moins passionnant musée Gustave Moreau, il faut faire quelques pas sur un bout de chemin pavé pour accéder à la cour de la petite maison aux volets verts pimpants, fleurie de roses trémières, et foisonnante de verdure.



L'ancienne demeure du peintre Ary Scheffer, romantique troubadour et compagnie, qui fut le professeur de dessin des enfants de Louis-Philippe, regroupe dans le cadre du musée ouvert en 1987 des oeuvres mineures (souvent très amusantes) ainsi qu'un ensemble de souvenirs attachés à la personne de George Sand, offerts au musée par sa petite-fille, qui toucheront les fans d'Aurore et agaceront ses détracteurs. Plus que le contenu, assez anecdotique, c'est l'ambiance de ce lieu intimiste qui est particulièrement attachante. Dépaysement dans le temps assuré!

Le musée présente également de riches expositions, toujours très construites et commentées, généralement sur des sujets confidentiels ou sur d'obscurs inconnus tombés plus ou moins injustement dans les oubliettes de la pâmoison collective: tel Jean-Jacques Henner, héros de la dernière exposition que j'avais vue là-bas, ou Théophile Bra, dont le Nez en l'air nous avait révélé tous les secrets...


Mais, outre le snob plaisir de pouvoir humilier ses amis parce qu'ils ne savent rien du courant romantique gothique décadent qui a sévi au Vénézuela entre 1852 et 1854, le principal intérêt de ces expositions est de restituer le climat artistique et intellectuel de l'époque et de rendre son visiteur familier d'une ambiance, plus que d'un contenu. Dernière en date, l'exposition d'aquarelles et de dessins allemands datant de l'époque de Goethe (1770-1830), ne déroge pas à cette habitude.

Wilhelm von Schadow (1788-1862)
Portrait du peintre Carl Wilhelm Wach
Vers 1805-1810 - Craie noire, rehauts de blanc - 77,3 x 52 cm
Un exemple de ce qui se fait de mieux à l'époque en matière de jeune artiste dans le vent.


Johann Heinrich Füssli (1741-1825)
Le Désespoir de l’artiste devant la grandeur des ruines antiques, 1778-1780 - sanguine et lavis brun
Ce désespoir là n'a pas son pareil pour me mettre malignement en joie. C'est mal d'être si moqueur, je sais.

Karl Friedrich Schinkel (1781-1841)
Le Tumulus des larmes, pressentiment d’un jour nouveau. 1832, gouache
Magnifique messianisme nouille.


En définitive, une exposition intéressante; le plus frappant graphiquement parlant, c'est l'influence très forte du romantisme sur le surréalisme. Certains dessins tortueux et torturés évoquent directement les cadavres exquis et autres fantasmes érotico-morbido-décadents de Breton et ses petits copains, qui n'ont décidément pas inventé grand-chose. Mais j'attends avec impatience la prochaine exposition, qui doit être consacrée aux dessins de J-A-D Ingres. Cela promet d'être autrement somptueux...

22 mai 2008

Sainte Rita est à l'honneur


22 mai,
l'église catholique célèbre
sainte Rita de Cascia
Joie!


19 mai 2008

Les noms de lieux


Au chapitre IX des Faux-monnayeurs, Olivier va retrouver son oncle Edouard à la gare. On comprend alors qu'il s'agit de la gare saint Lazare en suivant les personnages devant le lycée Condorcet, jusqu'au coin de la rue de Provence (p. 82). Puis ils entrent dans un café (peut-être le Saint-Amour, au coin de la rue de Rome?)
De quoi réenchanter le quotidien - mon bureau donne sur la rue de Provence.
Pure jouissance quand on comprend p. 312 que le diabolique Robert de Passavant habite... rue de Babylone. La littérature procure décidément des plaisirs inavouables...


18 mai 2008

Fête de la Sainte Trinité

17 mai 2008

Philippe Claudel, Le rapport de Brodeck


« De grâce, souvenez-vous » : c’est sur cette injonction que Brodeck, parvenu au terme du « rapport » que lui ont demandé de rédiger les hommes de son village - mais aussi arrivé à la fin d’un travail d’écriture voué à recueillir sa propre angoisse, achève le long récit du rapport de Brodeck. Ce texte à la première personne qui se déroule dans un obscur village rural dans la période tangente de l’après-guerre, est un roman délicat, où tout est dit à demi-mot. Nul n’y prononce jamais le mot « juif », encore moins « extermination » ; et depuis ce thème sous-jacent s’articule celui de la haine de l’autre. Non-dit élevé au statut de forme romanesque et relayé avec insistance par l’écriture – l’intrigue se noue autour de « l’Evénement », formulé en patois « Ereigniës » - procédé qui veut manifester la puissance morbide du silence, né de la peur, de l’ignorance et de la bêtise.

Il faut reconnaître à Philippe Claudel le talent de la sensibilité. Tout est à fleur de peau autour du héros qui ne l’est pas moins. Ambiances glauques, regards torves, silences lourds de sous entendus : l’écriture restitue un climat lourd de haine sous-jacente qui évoque certain Christ aux outrages flammand. Il y a quelque chose de l’innocent immolé sur l’autel de la furie collective en Brodeck, bouc émissaire voué au sacrifice revenu - par la seule folie de son innocence - sur le lieu de sa condamnation à l’abattoir. Le récit du roman se tisse autour de celui de l’épreuve, qui s’impose à cet innocent, de devoir justifier – contraint par la terreur exercée par ses voisins - la mise à mort d’un autre innocent, l’Anderer, l’Autre, l’étranger. Arrivé on ne sait pourquoi et on ne sait d’où au village, il se distingue par ses mœurs étranges, différentes de celles des gens d’ici, et par une curieuse faculté de faire ressurgir du placard des squelettes que l’on voudrait bien y laisser enfermer.

Brodeck scrutant les mécanismes implacables du mal et de son emprise sur l’homme, pris en communauté, ausculte son drame personnel, tâtonne. Quelles sont les limites de l’humanité ? Quelle est-elle, la ligne rouge, celle qui fait que d’un homme il ne reste rien, ce rien qui tient une place si marquante dans les dédicaces et l’incipit du roman ? Autant de flash-back, toujours à demi-mots, reconstituant son histoire, et progressivement la responsabilité de la communauté qui l’entoure et des lâches qui la composent dans l’anéantissement infligé à son être.



Oui, Brodeck peut dire « je n’y suis pour rien ». Il reste que l’extrême sensibilité du roman et ce système de non-dits le rendent d’une lecture pénible, lourdement pathétique – au sens propre du terme. Phlippe Claudel va un peu trop loin dans le pathos narratif et dans la caricature pour que son propos reste digeste. Peut-être à cause d’une volonté excessive de tirer de belles leçons humanistes de son récit? Brodeck pourrait le dire lui-même, l’enfer est pavé de bonnes intentions.


Paris, éd. Stock, 401 p., 21,50 €. Prix Goncourt des lycéens.

15 mai 2008

Normandie surprise

Le week-end dernier, j'étais punie: j'aurais dû rester à la maison pendant que tout le monde batifolait, et puis même, j'aurais dû travailler lundi. Et paf, surprise: je suis partie en Normandie!
La surprise commence avec la beauté des abords immédiats de la capitale, et la route des crêtes: les méandres ronronnants de la Seine à travers verdure et forêt.


Elle continue avec, à Verneuil sur Avre, cette tour extraordinaire, de pur style gothique flamboyant, totalement disproportionnée (56 mètres) par rapport à l'église de la Madeleine qu'elle flanque. La curiosité de ce momument vaut à elle seule le détour par la ville natale de Pascal Quignard.


Mais la même église Sainte Madeleine renferme une autre splendeur; une mise au tombeau polychrome de toute beauté, d'une délicatesse et d'une sensibilité exceptionnelles.








Résultat des courses, je suis punie quand même puisque je suis malade depuis mardi soir. Chienne de vie.

10 mai 2008

Olivier Debré - Abstraction lyrique à Orléans

Grande Blanche Touraine,
1973, 189 x 309, collection particulière.


Demain s'achève au Musée des Beaux Arts d'Orléans une très belle exposition consacrée aux Paysages de Loire d'Olivier Debré. Un peintre qui m'est familier puisque son attachement au fleuve royal lui vaut une présence timide dans les musées de ma région (Tours, Orléans). A l'instar du chinois Zao Wou ki (cf. ci dessous), encore actif et installé dans le Loiret - dont d'emblée je préfèrais les grandes surfaces plus fortement constrastées, aux effets de matière plus sophistiqués que ceux de Debré.



J'avais oublié la puissance d'évocation quasiment romantique de la nature de l'abstraction lyrique. Puissance qui se révèle pleinement dans une face à face avec l'oeuvre et une contemplation longue et attentive. La structure de la toile se révèle alors, avec l'apparition progressive et mouvante de nuances de couleurs, imperceptibles au premier coup d'oeil, dont le jaillissement au regard exprime la grâce de la présence de la lumière qui baigne le monde (figuratif!) La démarche ressemble à un aboutissement de la quête romantique de la fusion de l'âme et du sentiment avec la nature majestueuse et splendide, dont un petit effet est capturé sur ces vastes toiles.
Peintre reconnu par ses pairs dès les années 40, Debré participe au groupe de l'Ecole de Paris et cotoie Serge Poliakoff, Nicolas de Staël, Pierre Soulages, dont l'influence se manifeste sur les oeuvres de jeunesse de l'artiste, très marqué aussi par sa rencontre avec Picasso et par l'influence des maîtres de l'abstraction lyrique (Hans Hartung).

Mais la pleine mesure de son talent et de sa sensibilité se déploie à partir de la fin des années 50, lorsque la recherche de l'artiste quitte le domaine du signe pour entrer dans poursuite de la transcription plastique de l'émotion néée du contact avec la beauté de la nature. Dès son plus jeune âge, Olivier Debré allait peindre et dessiner sur le motif au bord de la Loire, près de la propriété de sa famille en Touraine. Cette habitude ne le lâchera pas (il emmènera même ses étudiants des Beaux-Arts peindre à l'extérieur).




Ce besoin de se confronter physiquement à son objet (la nature) et à son outil (la toile, posée à terre) exprime la libération d'une peinture qui se conçoit comme un geste engageant la personne entière, corps et âme, dans son exécution, tout autant que les conditions météorologiques ! L'engagement corporel de l'artiste dans sa toile se traduit par un effet simillaire sur le corps du spectateur. Olivier Debré disait à ce propos
"Lorsque je peins par terre, il existe une adhésion physique, sensuelle, presque sexuelle"
Démarche qui ne lui est pas propre, mais qui manifeste une sérénité et une harmonie singulière - on est loin du combat entretenu avec le support par un Pollock ou un Alechinsky. Dans le cas de ses oeuvres moumentales, ci-dessous le rideau de l'opéra de Shangaï (1998, qui a bénéficié du mécénat du groupe LVMH), l'exécution lui demande de se promener sur l'immense toile: on imagine l'ivresse qu'il devait ressentir à de tels moments... Un beau reportage photographique de Marc Deville permet d'approcher le bonheur du peintre au travail.


Mort en 1999 à l'âge de 79 ans, le peintre est enterré à Noyers en Touraine.
Il y a une forme de jubilation muette et radieuse dans l'oeuvre d'Olivier Debré, une peinture sans exubérance qui manifeste la force lumineuse de la nature, et l'épanouissement du geste créatif - ou de celui du Créateur?

06 mai 2008

Détente maritime - Saint Georges de Didonne

Qu'il est bon de ne rien faire et de jouir du sentiment d'exister!


Au bout de mon pied,
le bout du monde;

pour caler ma tête,
le tome VI des Oeuvres Complètes de Simone Weil.
What a wonderful world!


Demain, j'arrête le métro.

05 mai 2008

Décadente maritime - Casino de Pontaillac

Sur la plage de Pontaillac, à quelques centaines de mètres du centre de Royan, se pose le Casino Barrière de Royan. L'ancien Casino XIXème, détruit pendant la seconde guerre mondiale, a été remplacé par le remarquable Palais des Congrès (1958). Encore une architecture fifties comme je les aime pour le nouveau bâtiment de Pontaillac, blanc et droit, mis en lumière de façon très matissienne durant la soirée - et la nuit...


Après avoir montré patte blanche à l'entrée, il faut traverser l'hallucinante salle des bandits manchots et ses tintements hypnotiques pour accéder à la table de poker et à la roulette et voir circuler les billets craquants et les mains moites sous le regard blasé des croupiers. On est loin du Casino Royale, personne en smocking hélas, mais le personnel est en général aussi charmant que les touristes peu classieux!

Mon vice personnel est plus la gourmandise que le jeu et nous nous dirigeons vers l'Atlantic Restaurant, dont les baies vitrées offrent une belle vue sur la plage, surréaliste sous la changeante lumière colorée qui émane du bâtiment.
Le restaurant propose régulièrement des soirées musicales ou spectacle. Mais la contemplation du grand rideau rouge pailleté, scintillant sur la scène, est déjà source de rêverie!
Dîner enchanteur, service rapide et sympathique, rapport qualité prix excellent - adresse recommandable pour laquelle je fais un peu de pub avec quelques arguments imparables...

Pressé de foie gras aux pistaches,

Petits choux farcis à la queue de boeuf.



Minestrone de daurade,


Rôti de lotte à la pistache, tarte fine façon pissaladière.

Blanc manger au coco, fruits rouges aux perles du Japon

Mi-cuit chocolat aux deux oranges.



Pour finir, un Cojito - mojito au Cognac - il faut bien goûter les spécialités locales non? - au XOBAM, bar lounge du Casino, quelques marches plus bas, où l'accueil est décidément aussi ravissant que les cocktails sont alléchants.
On peut aussi finir la soirée à la Maison Blanche à Saint-Palais, ou dans d'autres lieux de débauche - mais attention aux contrôles de police!

Charmante maritime - Talmont sur Gironde