22 septembre 2006

Suite et conséquences de notre éxégèse comparative

De tout ce que nous avons déjà dit [c'est-à-dire, dans le post précédent, que je vous conseille fortement de lire, ndla] découle de grandes conséquences sur le point de vue sexuel. Il me semble effectivement que, contrairement à l’idée reçue, c’est bien chez Platon et non dans la Bible que le sexe est une conséquence de la faute. Surprise, étonnement, je m'étonne, je m'étonne moi-même...
Car les sphères, séparées par punition, se lancent dans une recherche frénétique de leur moitié, course qui n’a en fait d’autre but que de se satisfaire soi-même en retrouvant, dans l’union, un sentiment égoïste de fusion et de plénitude. Je dis bien un sentiment, parce que la fusion en tant que telle est perdue à jamais ! Cette image illustre parfaitement, il me semble, l’instinct érotique en notre être, qui cherche un contentement, un soulagement personnel, et qui à tendance à oublier l’Autre au profit de soi.
La Bible nous présente un tout autre discours ! L’homme et la femme, créés complémentaires, vivent une sexualité épanouie dans le jardin d’Eden. Pourquoi en serait-il autrement ? St Augustin, dans le De Genesis ad literram, nous dit que dans l’état pré lapsaire, nos premiers parents usaient de leur organes sexuels comme nous nous servons de nos mains et de nos poumons : sans arrière pensée ! La sexualité est NA-TU-RELLE ! Ce que le péché introduit, c’est, je le rappelle, la concupiscence et la mort. De là, le geste du vêtement après la faute : Adam et Eve s’aperçoivent qu’ils éprouvent désir et honte, sentiments et affects qui viennent troubler leur sexualité qu’il va désormais leur falloir contrôler… Les organes sexuels subissent le désordre du péché, comme les autres parties du corps humain.
En définitive, le Dieu de la Bible ne punit pas les hommes en leur infligeant la sexualité ! Cela serait quand même bien singulier ! La sexualité est bien le lieu de la rencontre entre deux altérités qui forment une unité, à l’image de la Trinité. Non une fusion auto satisfaisante. Rencontre voulue par Dieu qui est source de vie, qui ouvre sur la vie : d’où la multiplication de l’humanité.
J’ai été bien longue, et je ne reviens pas sur le mythe de Babel que abordé par le post de G-L et qui touche encore à d’autres points. Mais il me semble important de souligner combien, en fait, l’idée que la sexualité est mauvaise, fruit du péché, ne vient pas du christianisme mais de son interprétation néo platonicienne et stoïcienne. J’aurai l’occasion d’y revenir car c’est un sujet qui me tient à cœur.
Cher Gai Luron, vous souhaitiez des rectifications et des discussions sur vos propos : vous voila copieusement servi, trop peut-être, en tous cas j’attends moi aussi vos réactions. Et je me demande bien, au passage, ce que vous voulez dire lorsque vous lancez évasivement l’idée de « remeatio » : parlez vous de la sainteté, de la Parousie, de la résurrection des corps ou encore de l’apocatastase ? Ou alors est-ce un délire hégélien hermétique à mon pauvre esprit ? I need more explanation…
D’ici là, soyez dans la paix et dans la joie ! Gaudium, spes et jujubus !

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Chère Belle Lurette,

Ma réponse sera embarrassée ; embarrassée car nous partageons somme toute de mêmes références (je suppose que Adam comme genre humain et non comme individu, ça vient de Tresmontant), de mêmes idées (oui, le refus de la chair dans le Christianisme provient en grande partie d'une interprétation gnostique ou néo-platonicienne des premiers siècles).

Mais embarrassée malgré tout car je ne sais pas quoi penser du sens de la sexualité dans la Genèse ; je crois malgré tout qu'il demeure une ambiguïté : après que l'homme et la femme eurent mangé du fruit défendu, ils voient le bien et le mal. N'oubliez pas qu'après le péché, certes nous sommes vaguement déchus, mais nous connaissons le bien et le mal. Juste après que Dieu eut vêtu Eve, il dit : "Voilà que l'homme est devenu comme l'un de nous, pour connaître le bien et le mal." (Gen, 3, 22) Dès lors, si l'homme doit se vêtir c'est qu'il perçoit qu'il est "mal" d'être nu et, corrélativement, la sexualité devient honteuse. Je veux dire par là que ce n'est pas tirer le sens du texte que de voir en la sexualité un mal, à partir du moment où l'on est capable de dissocier le bien du mal. Si Adam et Eve s'unissaient sans problème avant la chute, c'est qu'ils ne voyaient ni le bien ni le mal ; mais dès qu'ils le voient, pof, la sexualité pose problème. Ce n'est pas innocent...

Je suis un peu triste que vous n'ayez pas commenté la tour de Babel, c'était ce qui m'avait le plus étonné dans le passage d'Aristophane. Coin ! (je suis un canard aussi).

Ah oui, la remeatio ; c'est très difficile à traduire, d'ailleurs ce n'est jamais traduit. Disons que ça correspond à quelque chose comme une union en Dieu, dans le cycle néoplatonicien. C'est le moment postérieur à la conversion, c'està-dire l'acte qui achève le retour. C'est l'union effective avec la divinité.

Anonyme a dit…

Merci de votre attention. je vais plancher, donc, à votre intention et pour le bien de l'huamnité entière, sur le problème de Babel... Vais essayrer de trouver le livre de Steiner. il s'agit là d'un épisode sur lequel, pour le coup, je n'ai pas d'idée préconçue.
Sur la "bonté" de la sexualité je vais vous repréparer quelque chose.
Merci pour tout**

Anonyme a dit…

Oh, c'est à moi de vous remercier ; vous me permettez de clarifier certaines idées confuses (le comble pour un cartésien) que j'avais depuis quelques années. Sans vous il est à craindre que j'eusse manqué bien des questions capitales!

Coin !

Sémiramis a dit…

Vous me faites honneur.
Cette blogosphère pourrait bien devenir un de ces fameux "jardins" portatifs (rires: private joke onfrayienne, ah ah ah)!

Je signale à G. Lulu et aux autres que se trouve, dans mes archives, un post qui rejoint ces débats, sur l'interdit de l'avortement chez les pères de l'Eglise. il doit dater du mois de février, ou mars. Bonne journée à tous, dans la paix, et la joie, surtout la joie!

Sémiramis a dit…

je confirme: février, et il s'appelle "tu ne tueras pas la vie dans le ventre".
Avec ma reconnaissance à M. Pouderon!