30 mars 2007

Ca casse pas trois pattes à un canard?

Comme je suis une fille plutôt positive et que j'essaie de tordre le cou de mes préjugés, partant du principe que ce qui est populaire n'est pas forcément mauvais, j'ai cédé aux instances de mes collègues, et j'ai perdu quelques heures de la précieuse existence à lire le fameux, l'extraordinaire, l'indexé... Da Vinci Code.
En 48 heures de la vie d'une femme comme moi, prenez 16 heures consacrées à dormir, 16 heures consacrées au Crédit Agricole, 8 heures environ de repas et toilette et environ 4 à ma vie sociale : faites la déduction du temps que j'ai consacré à ce phénomène qui fit causer, couler tant d'encre et vendre tant de papier.
Pleine d'espérance (de celle du peuple chrétien, qui sait que le Christ a vaincu la mort, et que la Vérité viendra torcher la connerie ambiante un jour quoique lointain et pas près d'arriver), pleine d'espérance donc, je pensais me lancer dans un bon thriller, une intrigue haletante, des personnages à peu près construits...
J'aurais dû me douter que si ma Sainte Mère Eglise a jugé bon d'indexer ce tas de papier, c'est qu'il y avait de bonnes raisons.
Et ce n'est pas mon coeur de catholique qui parle, c'est mon âme esthétique, rassasiée de bons livres et avide de sensations littéraires en tous genres. A proprement parler, le Da Vinci Code est une expérience de lecture très éprouvante. En fait d'intrigue, on est promené dans une succession d'épisodes délirants, suivant des personnages plats et bêtes qu'on croirait sortis d'un roman feuilleton pour mémères ("l'héroïne (intelligente, mais toutefois candide, orpheline de surcroît, aux yeux verts et à la splendide chevelure auburn"). On decouvre très rapidement qui joue double jeu, ne pouvant pas même nous consoler d'une surprise. Et le pire, lorsque l'on lit un roman d'aventure, est de subir ces discours pédants plus premier degré tu meurs, complètement hallucinants, mise en scène d'un fatras ésotérique de toute culture et de toute époque, galimatias censé lever le voile sur ces infâmes complots qui nous entourent.
Car évidemment, comme chez Julien Courbet et dans tout bistrot qui se respecte, on se gargarise: "On nous ment, on nous spolie!" Et pour faire plus vrai, on se donne une petite touche intello en débitant d'un ton sûr des conneries grosses comme soi. Le pire, c'est que ça marche, puisque tout le monde est emballé. Sur un plan philanthropique donc, l'homme de bonne volonté qui se lance dans cette lecture est désarmé: il se retrouve subitement face au mystère de la bêtise humaine, assurée et arrogante.
D'arrogance, le texte en dégouline lorsqu'il charge l'Eglise Romaine d'accusations fausses et stupides, tout ça au profit d'un gnosticisme effrayant à la gloire du "Féminin Sacré". Je suis d'accord pour affirmer haut et fort que l'Eglise n'est pas nette avec le deuxième sexe, mais de là à prôner un culte du féminin comme vecteur, par le sexe, de la rencontre avec Dieu (la fameuse scène de "Hiéro Gamos" qui émeut tant le héros!)...
Dans le catholicisme, les femmes sont tout bonnement écartées de la participation à l'autorité. Mais on les respecte tout de même assez pour ne pas les considérer comme des MOYENS de s'unir au "sacré", beau concept new age flottant et fourre tout. On n'est pas loin dans certaines pages des textes gnostiques des premiers siècles qui décrivent la Vierge Marie comme un tuyau entre le Divin et l'humain, par lequel la divinité s'est mêlée à notre sinistre humanité. En matière de revendication féministe, je trouve ça plutôt gratiné comme image...
L'idéologie religieuse portée par le Da Vinci Code est perverse, car elle se revendique plus "humaine" que la doctrine chrétienne, pour la simple raison qu'elle imagine Jésus en père de famille et en époux. En fait, elle se construit autour d'une dangereuse négation de la personne dans le culte et dans l'idée même de la religion. Même Dieu est dépersonnalisé, au profit d'une puissance floue "sacrée", "divine". Aussi grave, la mise sur le même plan de tous les cultes et de toutes les religions, censées exprimer la même chose, c'est-à-dire ce que l'hydre Romaine cherche à tout prix à dissimuler aux yeux du monde!
Bref, le plus flippant dans tout ça, c'est que le lecteur rompu, cultivé et doté d'une certaine honnêteté intellectuelle, referme le livre en se disant que finalement, ce bouquin ne casse pas trois pattes à un canard. Logiquement, par conséquent, il se demande comment un tel livre a pu avoir autant de succès... et c'est là que s'ouvre l'abîme.

13 commentaires:

Anonyme a dit…

8 h de repas et toilettes en deux jours ? Diantre.

Sinon, j'ai vu ( sans surprise ) que De Lubac faisait partie de tes livres de chevet. Il ne me reste donc qu'à te signaler "L'actualité de Proudhon." Colloque de novembre 1965, Bruxelles, Université Libre, Éditions de l'Institut de Sociologie, 1967. On y aborde pas mal d'aspects. Pour des récusations ( en général libérales ) de Proudhon et la manière dont lui-même critique le socialisme : Marc Angenot, "Rhétorique de l'anti-socialisme", Les Presses de l'université Laval, 2004. C'est assez bref et descriptif mais plutôt rigolo.

A bientôt

Anonyme a dit…

C'est vrai que si l'on cherche quoi que ce soit d'autre qu'un peu de suspens dans le Da Vinci Code, on risque vite d'être déçu ou de tomber dans le n'importe quoi approximmatif en matière de religion, de philosophie ou d'histoire. Je suis donc entièrement d'accord pour dire que ce livre peut être une perte de temps considérable.

Pourtant, il a eu le succès que l'on sait et j'avoue même avoir passé quelques heures sympathiques en sa compagnie. Pourquoi ? Sans doute parce qu'il est efficace. Je ne dis pas "bon", je dis "efficace". Comme une série B, chaque chapitre se termine par une relance sur le suivant. Quoique l'on puisse penser du contenu, on peut être captivé par la forme.

Et c'est ici que réside le danger : Dan Brown cache son vide absolu derrière un talent du récit que je n'arrive pas à prendre en faute. Les gogos se sont donc laissés prendre et la furie Da Vinci Code n'a pas fini de nous polluer les méninges.

Sémiramis a dit…

Tatianus, merci de tes indications. je vais profiter de mes congés pour fureter dans les bibliothèques...

Halio, justement, là où je suis surprise pour ma part, c'est que je n'ai pas trouvé cet art du récit! C'est très bas de gamme, assez feuilleton de série B. Vous êtes grand prince avec Dan Brown...

Anonyme a dit…

Art du récit, c'est beaucoup dire (et je ne l'ai pas dit). Je dis seulement que le récit me paraît efficace, ce qui n'est pas en soi un compliment.

Mais d'où viennent ces deux "m" à approximatif ? Ils sont afreux, excuseez-moi.

Sémiramis a dit…

Euh vous avez dit "talent" du récit cher ami, sans vouloir vous taquiner...

Mais je suis trop exigeante sûrement...

Anonyme a dit…

J'admets. Mea culpa.
Comme quoi il faut faire vraiment gaffe à ce qu'on dir ou écrit quand on est entre gens intelligents (ou pinailleurs...)

Sémiramis a dit…

Ok, je ne garde que le compliment (je ne pinaille pas, vous avez vu!)

Anonyme a dit…

"Dans le catholicisme, les femmes sont tout bonnement écartées de la participation à l'autorité." ?

Pas d'accord, c'est une femme en chair et en os qui règne sur le monde angélique : Marie.

Elle commande donc l'essentiel de la partie invisible de la création, ce qui est plus de puissance qu'aucune autre créature ne peut jamais ésperer obtenir, dans sa vie comme au-delà.

merci de nous faire partager tes lectures! ce qui me fait flipper avec Da Vinci Code c'est le degré d'inculture religieuse ambiante qui doit faire prendre son contenu au serieux à des degrés divers par des millions de gogos... no comment

@+

Sémiramis a dit…

Baud,

Tout d'abord merci de votre visite et de votre petit mot.

Je dois préciser que mon propos, d'une façon générale, distingue systématiquement l'Eglise dans sa conception mystique de l'Eglise terrestre dont le siège est à Rome. Il faut être Michel onfray de nos jours pour refue d'admettre que le christianisme est une religion qui accorde une grande place aux femmes. Je suis moi-même catholique plus que convaincue comme vous pourrez le constater en surfant sur ce blog, et ne me sens nullement brimée ni victime de sexisme! le problème est plus complexe.

Il est vrai que la Vierge Marie est couronnée, reine du Ciel par son fils. On peut dire qu'elle exerce une autorité dans le sens qu'elle est l'auteur des jours terrestres de jésus!
Ce n'est cependant pas une raison pour cantonner l'autorité des femmes au seul rôle de mère, autorité qui s'exerce, faut-il le rappeller, conjointement à celle du père de la famille (de même que Marie ne suit pas sa volonté propre mais obéit à celle du Père de son Fils...)
De fait, c'est bien ce qui se passe dans l'Eglise Catholique, les femmes étant npn seulement écartées du ministère, mais aussi de la prédication! Il leur reste les enfants, les malades, les pauvres à MATERNER puisqu'elles sont mères. Mais toutes les femmes n'ont pas le charisme correspondant, et certaines ont aussi des choses à dire, mais entre les enfants, le ménage, le linge liturgique à repasser, le catéchisme et les bouquets d'autel... parce que toutes les basses tâches sont pour elles: normal, elles sont 10 fois plus nombreuses que les hommes!

Attention, je ne fais pas du féminisme réac, je ne milite absolument pas pour l'ordination des femmes pas plus que pour l'accès au prèsbytérat des hommes mariés. Il y a là des aspects théologiques et matériels indépassables à mon sens, et je pense aussi à celui de Rome, et non pour des mauvaises raisons.

Je veux juste souligner l'absurdité d'une institution majoritairement portée, à la base, par des femmes, et contrôlée uniquement par des hommes! Si je n'avais pas le catholicisme chevillé au corps j'en serai dégoûtée. Mais voila, j'aime l'Eglise passionnément, et j'aimerais qu'elle trouve une cohérence. Par exemple, je suis convaincue qu'un ministère PUBLIC destiné à mettre en valeur des charismes particulier serait bon: uniquement reconnaître la valeur du travail et des qualités de ces femmes qui travaillent pour l'Eglise derrière les prêtres.

Cette question engage aussi à mon sens de vrais enjeux quant à la valorisation de la vocation religieuse féminine qui n'a aucune utilité institutionnelle... mais je m'arrête là pour ce petit coup de gueule et vous remercie de votre remarque par ailleurs parfaitement juste!

Que la Vierge Marie vous garde et joyeuses Pâques!

Anonyme a dit…

Alors tu as fini par succomber aux sortilèges du Davinechicode?
C'est vrai que, l'un dans l'autre, à force de lire et d'entendre toutes ces dissections, d'avoir vu des légions de gogos se précipiter vers le film adapté du livre, oui... je te comprends, au fond...

mais je résiste toujours!

A découvrir: l'avant-dernier épisode de South Park, sorti la semaine dernière et partant du thème de Pâques, nous livre une hallucinante parodie du roman de Dan Brown, avec en guest stars Benoît XVI (étonemment gentil) et Bill Donahue, président de la Fédération des Catholiques des USA
et auteur de propos antisémites et homophobes.
A voir et à revoir, je t'assure!

http://www.southparkzone.com/episode.php?vid=1105

Sémiramis a dit…

Merci Tertius, je vais aller voir ça demain, parce que là dodo!

Ce n'est pas question de résister ou de se laisser corrompre, simplement de répondre à la sollicitude de mes collègues qui ne lisent pas beaucoup et ont tous lu ce livre - me taquinent à son propos volontiers quoique bien gentiment, et me l'ont prêté! Je fais attention à ne pas m'enfermer dans une tour d'ivoir intellectuelle: ce processus est très rapide!

Ceci dit il n'y a pas que du mauvais dans le DVC, mais je serai amenée à y revenir... Suspense!

Good night!

Anonyme a dit…

Oui, Marie exerce la volonté du Père et non la sienne, mais c'est parcequ'elle a atteint dans son immaculée conception la "perfection" de ce qu'il est demandé à un chrétien d'atteindre, c'est à dire de nous soumettre à la volonté de Dieu et non à la notre propre. C'est ce que nous demandons à chaque Notre Père, qui est le denominateur commun de toutes les autres prières.

A ce titre meme le Pape s'il veut etre conforme à la volonté divine doit travailler à effacer sa volonté propre devant celle du Père. Bien sur abandonner sa volonté ne signifie pas démissionner, ne pas avoir d'avis, et encore moins abdiquer ses responsabilités, c'est à mon sens l'inverse qui se passe (ca pourrait etre le sujet d'un autre debat!!).

En ca il me semble que la soumission à une volonté autre n'est en rien demandé spécifiquement à la femme dans le dogme catholique, mais à la fois aux hommes et aux femmes. En revanche il est vrai que Paul mentionne "que la femme soit soumise à son mari". Cet ordre qu'il propose aux chrétiens est je le crois le reflet de la hierarchie de force inhérente à la nature humaine, et soumise à la nécessité d'une hiérarchique dans la société. Mais la hiérarchie d'autorité a moins d'importance que la hierarchie d'amour, et a qui croit vraiement, le pouvoir d'une autorité sur un homme, fut-elle accordée par Dieu, à moins de valeur que l'autorité sur un coeur, et plus encore que l'autorité sur le coeur de Dieu.

En effet, Dieu se plie toujours à la volonté des coeurs purs qui l'implorent. Comme dit le curé d'Ars, Dieu est tellement bon qu'il a refusé de frapper Israel lorsqu'il le meritait, juste parceque Moise l'en avait supplié.

Ah oui je voulais aussi te parler de la prédication que tu mentionnes. Je vais de temps en temps faire des retraites au Sacré-coeur de Montmartre, et comme c tenu par des bonnes soeurs, c souvent elles qui prechent et animent les temps de reflexion et partage. Eh bien meme si ce n'est pas en chaire, je trouve que ca a autant de valeur à mes oreilles qu'une homélie.

Vois également ton charisme de prédication à toi :-) !

@+
Baud

Sémiramis a dit…

Hum hum, on est bien d'accord, même si je ne parlais pas exactement de ce que vous évoquez... Mais peu importe, merci de votre fidélité, et à bientôt sur l'HSQ!