21 septembre 2007

Rions (encore) avec Balzac


"Elle ne voulait pas qu'Eugène la crût une facile conquête, précisément parce qu'il savait qu'elle avait appartenu à de Marsay. Enfin, après avoir subi le dégradant plaisir d'un véritable monstre, un libertin jeune, elle éprouvait tant de plaisir à se promener dans les régions fleuries de l'amour, que c'était sans doute un charme pour elle d'en admirer tous les aspects, d'en écouter longtemps les frémissements, et de se laisser longtemps caresser par de chastes brises [...] Tout Paris lui donnait madame de Nucingen, auprès de laquelle il n'était pas plus avancé que le premier jour où il l'avait vue. Ignorant encore que la coquetterie d'une femme offre quelquefois plus de bénéfices que son amour ne donne de plaisir, il tombait dans de sottes rages. Si la saison pendant laquelle une femme se dispute à l'amour offrait à Rastignac le butin de ses primeurs, elles lui devenaient aussi coûteuses qu'elles étaient vertes, aigrelettes et délicieuses à savourer"
op. cit., p. 212-213.

21 commentaires:

Anonyme a dit…

"Ignorant encore que la coquetterie d'une femme offre quelquefois plus de bénéfices que son amour ne donne de plaisir, il tombait dans de sottes rages."

C'est excellent. Dans un cadre public, social (et non plus politique) une égalisation des valeurs sentimales et économiques, sans compter l'inévitable description des comportements.

Tout le XIXe siècle en quelques lignes, et la mort du politique qui va avec.

(l'extrait sur maman Vauquer ... du Balzac en pleine forme, merci Élise !)

Il me faut écrire un article sur mon "anti-modernisme", c'est une certitude !

Anonyme a dit…

euh... je dois avouer que Balzac ne me fait particulièrement rire. mais c'est p-e plus efficace dans le contexte de l'oeuvre...
ça fait longtemps que je n'ai plus rien lu de Balzac.
bonne journée, chère Elise. et ris bien, c'est excellent.

Anonyme a dit…

"Il existe dans tous les sentiments humains une fleur primitive, engendrée par un noble enthousiasme qui va toujours faiblissant, jusqu'à ce que le bonheur ne soit plus qu'un souvenir et la gloire un mensonge" (in Le chef d'oeuvre inconnu); j'adore votre blog, découvert grâce à l'un de vos commentaires sur le site de votre "alter ego", Gai Lulu.

Sans Internet je n'aurais jamais su que tant de personnes aiment et savent rendre vivants des génies de l'humanité tel Balzac, merci

Sémiramis a dit…

JB, j'attends ton article... Anti modernisme, cela implique déjà de définir ce qui est "moderne". Déjà là, ça me pose problème!

Toutefois très cher, Balzac n'arrive pas à la cheville de Flaubert. Je relis Goriot en écho à ma relecture de l'Education sentimentale: rien ne peut égaler ce chef d'oeuvre! Balzac est génial, mais c'est dans l'ensemble de son projet romanesque que son génie s'éclaire. S'il est jouissif, avec des passages fulgurants, l'ensemble du roman n'est pas si lumineux que l'Education... L'Education est à elle seule une sorte de perfection romanesque, un truc définitif.

Sémiramis a dit…

Raph,

Effectivement ce passage n'est pas forcément drôle si l'on ne se figure pas la situation grotesque du héros, à qui tout le monde attribue une maîtresse autour de laquelle il ne fait que s'agiter bien chastement...
Mais le passage sur Maman Vauquer, il t'a fait rire non?

Ceci dit Balzac est très corrosif... Le spectacle décadent qu'il peint frôle parfois l'insupportable pour une âme prude comme la mienne (sourire).

Good night ma belle et à très vite!

Sémiramis a dit…

Dom,

Vous êtes le ou la bienvenu(e) sur ces pages. Venez donc vous réjouir du génie humain avec nous bien souvent!

Vous me flattez en me donnant Gai Lulu comme alter ego. Je suis sûre de ne pas tenir une seconde cette égalité (étant femme, donc infiniment inférieure n'est-ce pas Gai Lulu??? ;-)

Merci également pour la citation qui est frappante. Balzac a le sens de la formule, et ces phrases resortent encore mieux dans le flux narratif dont le style est peu sophistiqué. Vous aimez Flaubert? Pour moi, c'est LE génie absolu.

A très bientôt! Good night

Anonyme a dit…

Proust est pas mal non plus, il faut avouer ;)

Pour ce qui est de la modernité elle prend pour moi un visage très clair, j'en reparlerais !

Sujet connexe : le totalitarisme contemporain, ou comment nous faisons rencontrer les pires visions d'Huxley (Le Meilleur des Mondes) et d'Orwell (1984) sans que cela nous pose le moindre problème.

Sémiramis a dit…

Oui, Proust!

Il y a bien trop longtemps que je ne me suis délectée de cette lecture. A mettre sur ma liste au papa Noël, les volumes de la recherche...

J'avoue que je suis curieuse de savoir ce qu'est la modernité pour toi. Dans ma tête ça fait un magma informe et menaçant qui commence avec la révolution française et me laisse perplexe.

Bon dimanche!

Anonyme a dit…

ouarf ouarf ; oui c'est très drôle. On dirait moi quand Camille et Raph me prêtent d'improbables liaisons, alors que je dors chastement avec moi-même...

Tiens JB, as-tu lu zizek ?

Anonyme a dit…

D'ailleurs au sujet de Flaubert, chère Elise, je suis pas tout à fait d'accord ; il y a un moment où Flaubert, tout génial qu'il est, prend la dérision comme fin de son oeuvre et ça commence un peu à tourner dans le vide. C'est désopilant car le sens du ridicule qu'il développe est génialissime mais je crois - supposition - qu'il y a dans cette manière de systématiquement voir uniquement le caractère dérisoire d'une situation une certaine façon de manquer ce qu'il y a de profondément beau par ailleurs. Par exemple, l'amour de Frédéric pour Arnoux, même lorsqu'il est sincère et profond, n'est toujours abordé que sous l'angle de son intrinsèque banalité et grandiloquence dans la représentation que s'en fait Frédéric. Ca manque un peu de dialectique ; l'amour est ridicule, mais il n'est pas que cela.

C'est pourquoi je préfère Stendhal, qui sait si bien allier les deux, le ridicule absolu, dans des phrases parfois plus assassines encore que celles de Flaubert mais qui lui adjoint la profondeur de la passion.

Soit dit avec une admiration sans bornes, bien évidemment pour Flaubert qui a comme tu le dis, atteint un acmé de ce qu'on pouvait écrire sur le ridicule.Mais je maintiens que dans l'économie du roman, Stendhal est plus subtil, plus nuancé.

Anonyme a dit…

Non, je n'ai pas lu Zizek, mais j'ai souvent pensé à le lire. Tant de livres, et si peu de temps ...

Et oui, il y a dans Flaubert quelque chose de l'archéologue de la Bêtise. Le problème c'est que ce genre d'occupation finit toujours plus ou moins à se retourner contre soi.

Sémiramis a dit…

Certes, certes cher Alter Ego.

Je suis d'accord avec toi au sujet de la comparaison Stendhla Flaubert, mais sans être vraiment spécialiste de Stendhal que je connais bien moins que ce vieux Gustave, j'ai l'impression qu'ils ne poursuivent pas le même objectif romanesque.

Flaubert, précisément, construit ses romans autour de la vacuité! Du moins l'education, Mme Bovary et Bouvard et Pécuchet, parce que les autres textes fonctionnent différemment. Donc oui, la dérision est prise comme objet, oui ça tourne à vide: c'est ça qui est génial! Et l'on se reconnait trop bien dans les descriptions - que je ne crois pas si caricaturales!

C'est ce qui me captive chez Flaubert: cette recherche anti romanesque dans l'écriture d'un roman. Cette médiocrité ciselée qui devient flamboyante, ces formules minables qui sont tellement construites, si patiemment patinées, qu'elles frappent d'un grand coup sur la poitrine!

Je ne sais pas ce qu'on pourrait dire du romanesque chez Stendhal mais présuppose des abîmes de complexité exégétique...

Je n'ai même pas lu la chartreuse de Parme! Shame on me.

Anonyme a dit…

"régions fleuries de l'amour": une très belle association de mots !
D.

Sémiramis a dit…

Oui, Balzac est poète quand il veut! ;-)

Anonyme a dit…

Merci de votre accueil que vous ne regretterez pas, je l'espère, lorsque je vous aurai raconté comment j'ai découvert l'Educaton sentimentale. Je n'avais lu que Madame Bovary au lycée et, environ vingt ans plus tard, je vois ma fille plongée dans l'Education.
- (moi) Alors c'est comment ?
- (ma fille) c'est passionnant mais je me demande s'il va finir par la culbuter.

Je l'ai suppliée de ne m'en rien dire et je l'ai harcelée pour qu'elle lise plus vite, tout en ayant pris soin de lui expliquer que ce genre d'interrogations un peu abruptes ne satisfaisait pas un prof de lettres.

Et je me suis retrouvée à 17 ans, me demandant si oui ou non Emma allait cesser de rêver sa vie pour se confronter à la réalité, quitte à faire le choix d'un super looser.

Alors si j'ai aimé l'Education, c'est surtout pour le contrepoint historique de l'histoire d'amour impossible ; car la révolution elle aussi est décrite avec cette tendre cruauté envers ces protagonistes de pacotille (le personnage du "révolutionnaire permananent" qui tente d'emprunter de l'argent à Frédéric est à ce titre exceptionnel).

Pardon d'avoir été si longue, mais vous en parlez si bien que je vais aller fouiner dans la bibliothèque de mes filles voir si Lucien Leuwen ne m'y attend pas.

En attendant, je suis comme coincoin stendhalien et vous recommande la Chartreuse (du souffle et de l'épopée).

Sémiramis a dit…

Mais vous n'êtes pas longue voyons, au contraire, et l'anecdote est ravissante. Ah, les jeunes d'aujourd'hui! ;-)

Et je suis assez d'accord avec vous sur le rapport échec sentimental/échec historique. Cela me donne envie de relire encore l'éducation, et enfin d'écrire quelque chose sur ce livre (rêve longtemps caressé...)

Racontez nous Stendhal, quant à moi j'inscris la Chartreuse sur ma liste au papa Noël (ne l'ai pas en stock, celui là...)

Bonne nuit et à très bientôt!

Anonyme a dit…

Bon j'essaye de trouver la formule juste depuis cinq minutes et ça fait je ne sais combien de fois que j'efface tout ce que j'ai écrit pour recommencer, alors faisons bref et allons à l'essentiel, soyons direct et péremptoire.

Si (à Dieu ne plaise, mais tenons l'hypothèse) je ne devais garder qu'un seul roman français dans ma bibliothèque, ce serait très probablement "La Chartreuse de Parme".

Flaubert est peut-être génial dans la description du VIDE. Mais dans la "Chartreuse", il y a TOUT. A commencer par le bonheur. Voilà.

Anonyme a dit…

Tout à fait d'accord avec Leopold ; la différence entre Stendhal et Flaubert, c'est que Stendhal n'a pas connu QUE ou presque les plaisirs solitaires et, sans vouloir jouer à la bio qui éclaire l'oeuvre, il n'empêche que cela se ressent dans leurs oeuvres respectives. Il manque le bonheur chez Flaubert comme le dit si bien Leopold même si, d'une certaine manière, dans l'écriture Flaubert est au-delà de Stendhal quoi qu'il n'aborde qu'un style d'écriture là où Stendhal sait passer de l'amour réel au ridicule le plus amusant.

Sémiramis a dit…

Ah mes amis, je m'incline devant votre érudition et votre goût si sûr. Il faut absolument que je me procure la Chartreuse.

Je suis en train de lire l'amant de Lady Chatterley, et c'est vrai que ce n'est pas franchement terrible ce bouquin, c'est même atrocement déprimant.

Anonyme a dit…

C'est fou ce que les gens aiment se faire mousser en prenant des poses pour râbacher des lieux communs éculés sur "Stendhal gnagnagna...Flaubert gnagnagna...l'économie du roman... égalisation des valeurs..." Mais vous entendez-vous parler, enfin, écrire ?!
j'ai l'impression d'entendre la concierge de la rue de Grenelle en train de nous faire des résumés des livres qu'elle a (prétendumment) lu. (Où va la littérature actuelle, incapable d'invention !)
Balzac n'arrive pas à la cheville de Flaubert... Je ne vois pas comment on peut comparer les deux...Je ne vois tout simplement pas comment il est encore possible aujourd'hui de penser ne serait-ce qu'une seconde à comparer des écrivains entre eux... Et encore un autre qui en rajoute une couche sur Stendhal... Allez-y, déballez votre savoir galvaudé avec pédanterie, la cuistrerie n'a pas de limites...

Sémiramis a dit…

Evidemment, c'est beaucoup plus simple de persifler et d'asséner de grandes et méprisantes sentences que d'échanger sur ses goûts littéraires.

Quant à ce qui fait le plus concierge, je ne sais si c'est le discours des uns ou bien la haineuse diatribe de l'autre... Je laisse chacun libre de juger!