19 novembre 2007

Jubilate omnis (en lisant les Echos)

Emballer et déballer, tel est le destin d'une fille qui déménage. Mais quand il s'avère que la providence l'a équipée d'un cerveau, il arrive que parfois même une activité aussi fruste puisse apporter quelque matière au au flux continuel de sa pensée.
Emballant et déballant donc, je tombe pas plus tard qu'hier sur une page des Echos dont le titre me tape à l'oeil : "La science et le retour du religieux, grand angle avec le philosophe Jacques Bouveresse" (numéro du 2 et 3 novembre). Emoustillée par la chose, je sauve le professeur du collège de France de l'humilliation, renonçant à l'idée de réduire ce grand angle si prometteur au statut d'un cale saladier, et me délecte d'une passionnante lecture. A vrai dire, je ne connaissais le bonhomme que de nom, et de réputation musilienne (ce qui était déjà à soi-seul révélateur); et en lisant cet entretien, j'ai eu un grand moment de jubliation.
Le chapeau annonce la couleur avec grandiloquence :
"A l'heure où l'on assiste à un retour en force des religions, où le rationalisme est malmené par les pseudos-sciences et les croyances de toutes sortes, où il est de bon ton de professer un scepticisme de principe face au discours scientifique, le philosophe Jacques Bouveresse livre un plaidoyer en faveur de la vérité et de la raison"
On croit rêver et pourtant c'est vrai: un éminent intellectuel nous dirait que la vérité n'est pas un mensonge ni une fiction? Fichtre, on ne dénoncerait point de complot dissimulateur? Pire encore, on ne fustigerait point l'autoritarisme de la raison? En voilà un qui n'a pas peur d'être inactuel.
D'ailleurs, il fait pan sur le bec des vilains épistémologues qu'on était obligés d'étudier quand on était de dociles étudiants, ceux qui disent que rien n'est vrai, ceux qui nous ont convaincus pendant une seconde que toute assertion, si elle n'est pas un mensonge politique des méchants pour écraser les gentils, est plus ou moins un délire mystificateur. Toutes les assertions et surtout la science.
Mais le plus jouissif, c'est qu'il en met aussi plein la poire de Michel Onfray. Et ça, c'est presque orgasmique tellement c'est subtilement et délicatement fait (j'en frissonne encore).
"Si le rationalisme est aujourd'hui presque complètement désarmé, c'est parce qu'il est supposé, contre toute vraisemblance, occuper une position dominante qui lui permettrait de se comporter de façon autoritaire et tyrannique"
Et pan sur le bec. Après, on tape sur tout et le reste (le Da Vinci Code par exemple, au hasard), et surtout sur la crédulité humaine, et le manque de bon sens général :
"Il n'est pourtant pas difficile de constater que le pouvoir et l'influence sur les esprits ne sont pas à l'heure actuelle du côté de la raison et de la science, mais plutôt du côté des pseudos-sciences, des religions et des mythologies"
Et on en rajoute une couche sur la théorie du complot rationaliste (et sur le dos de Michel Onfray, soupir de contentement...)
"La puissance de l'irrationalisme repose en grande partie sur le fait qu'il a réussi, largement avec la complicité d'une bonne partie du monde intellectuel, à se présenter dans le rôle de la victime. Face au rationalisme, décrit comme un adversaire beaucoup plus puissant qui rêve de l'anéantir, il se présente pour ainsi dire en état de légitime défense. Cette façon de voir est assez sidérante, parce qu'il suffit de considérer d'un peu plus près les affaires humaines pour se rendre compte que ce que l'on a appellé la "lumière de la raison" n'y brille que de façon tout à fait ponctuelle et exceptionnelle. Mais les irrationalistes les plus radicaux sont tout à fait capables de soutenir à la fois qu'elle ne joue aucun rôle réel et que son rôle est beaucoup trop important, voire démesuré"
Le discours de Bouveresse est moins polémique mais tout aussi passionnant lorsqu'il évoque les liens et les conflits entre science, religion et recherche de la vérité. Surtout parce qu'il revendique la réalité de "vérités objectives"... On est soulagé de trouver tant de bon sens dans de si hautes sphères. Je ne suis pas d'accord avec lui, en revanche, lorsqu'il affirme
"[la vérité de la religion n'est pas identique à celle de la science] car il s'agit d'une vérité révélée, donnée d'emblée. Dans [la science] il s'agit d'un horizon ultime vers lequel on chemine par approximations successives. La notion de progrès est cruciale pour la vérité scientifique. En science, la vérité ultime, pour autant que l'on puisse parler de ce genre de chose et espérer y parvenir un jour, ne peut être atteinte, dans le meilleur des cas, qu'à la fin. Pour un esprit scientifique authentique, l'idée d'une vérité absolue et définitive n'a pas de sens réel et c'est précisément, souvent, parce que la science n'est pas en mesure de nous fournir ce genre de vérité qu'on s'en détourne pour chercher refuge dans la religion" [nous soulignons]

Il ne me semble pas que vérité scientique et vérité religieuse soient si éloignées que celà! Même si un croyant sait avoir reçu et détenir, en quelque sorte, LA vérité absolue du monde, elle se présente à lui avant tout comme un mystère dans lequel il ne peut que "cheminer par approximations successives", et "espérer parvenir un jour, [...] dans le meilleur des cas, à la fin", à la "vérité ultime" dans la vision de Celui qui est la source de tout.
La notion de progrès est donc tout aussi cruciale dans la vie du croyant qui recherche la vérité que dans celle du scientifique! En revanche, elle ne l'est pas dans celle de celui qui se crispe sur la foi comme sur un refuge rassurant où les réponses toutes faites empêchent l'éclosion des questions. La foi fonctionne comme un constant questionnement sur une vérité qui nous est donnée mais qui, ontologiquement, nous dépasse: la vérité ne peut représenter, pour le vrai croyant, qu'un "horizon ultime": celui de la vision béatifique, moment où la foi ne sera plus nécessaire puisque "nous serons rendus semblables à Lui en le voyant tel qu'Il est"...

Jacques Bouveresse a récemment publié
Peut-on ne pas croire? Sur la vérité, la croyance et la foi, aux éditions Agone.

36 commentaires:

Didier Goux a dit…

" Emballer et déballer, tel est le destin d'une fille qui déménage."

Emballer et déballer : c'est le destin des filles en général, et c'est pour ça qu'on vous aime (érectilemet parlant...).

Sémiramis a dit…

Rires! Je me sens incroyablement innocente soudainement. Bonne nuit!

Jean-Baptiste Bourgoin a dit…

Ah ! Bouveresse ... Je me souviens avoir sauté au plafond en lisant sa défense de Sokal et Bricmont lors de la fameuse affaire.

Dans sa préface à "l'introduction à la logique" de François Rivenc, Bouveresse expose très clairement les raisons qui le mèneront à défendre Sokal. Il reproche aux philosophes français d'avoir un rapport ambigu avec la logique : mouvement de répulsion face à la méthode, et attrait face à certains résultats de cette logique (comme le théorème de Gödel). Ce en quoi il n'a pas fondamentalement tort, mais il simplifie le problème à son avantage. En effet, il proclame implicitement dans cette même préface, préférer le Wittgenstein du Tractatus au "second" Wittgenstein critique de la logique contemporaine. Pour lui cela ne peut pas être un argument critique contre la logique dans la bouche des philosophes français incriminés, car eux ne connaissent rien à la logique, et Wittgenstein la maîtrisait parfaitement. Soit, mais il faut peut-être réfléchir au sens de ce rejet chez Wittgenstein. N'y voyait-il pas le risque d'une méthode tournant en rond sur elle-même. Une logique qui, poussée à bout, ne menait finalement à rien ?

Ce qui me dérange chez Bouveresse n'est pas sa défense de la logique, mais sa défense de Sokal. Comment n'a-t-il pu ne pas voir que derrière un apparent recueil d'erreurs scientifiques chez les philosophes (pour la plupart français), l'ouvrage de Sokal, horriblement intitulé "Imposture Intellectuel", était un pamphlet qui se déguise (et pour cela une véritable imposture) contre tout un courant philosophique que Sokal et Bricmont ne maîtrise pas eux-mêmes. En effet, dans leur ouvrage, leur méthode favorite est de prendre un extrait de l'auteur incriminé en apparence édifiant et de coller un commentaire du type : «vous n'avez rien compris ? Moi non plus.»

Qu'il y ait des abus dans l'utilisation de concepts scientifiques en philo, soit. Mais déguiser une attaque politique (car il s'agit bien de cela) sournoisement derrière l'image du défenseur de la vérité scientifique contre l'erreur de ces philosophes qui devraient rester cloîtré dans l'étude de leurs concepts vains (il faut lire ce passage dans lequel Sokal raconte avoir reçu plusieurs lettres d'étudiants le remerciant de les avoir sauvés des études en sciences humaines !), c'est assez immonde !

En réalité les scientifiques, si je caricature comme Sokal caricature, ne sont pas tout blanc non plus. Je ne parlerais pas ici de cette mode en science qui consiste à terminer, commencer, voir passer tout le temps de l'écriture de l'ouvrage, en expliquant toutes les conséquences philosophiques possibles de leur théories, en quoi leur théorie découvre de nouveaux champs d'exploration pour la pensée, une nouvelle voie vers la vérité etc.

Je ne vais pas leur reprocher, seulement les scientifiques modernes ont un bagage philosophique souvent très faible, et ce genre de conclusions sont souvent sans profondeur et très naïves.

Donc tout n'est pas rose chez les scientifiques non plus. Cela veut-il dire qu'il faut dresser un mur entre philosophie et science ? Non, surtout pas ! Il faut juste accepter les erreur de l'un et de l'autre côté.

Dans cette affaire les scientifiques ont une grosse part de responsabilités. Sokal, mais aussi Bouveresse, reproche à certains philosophes de mal utiliser la théorie du chaos ou le théorème d'incomplétude de Gödel. Quand vous aurez compris que "Chaos" dans la théorie du Chaos, n'a strictement rien à voir avec le sens classique du mot ; quand vous aurez compris que Gödel avec son théorème d'incomplétude ne voulait pas parler du tout d'incomplétude au sens strict, vous commencerez à saisir comment les sciences modernes ont semés la zizanie dans le cerveaux des philosophes pour la plupart très attachés au sens des mots. Comment après cela leur reprocher aussi violemment leurs erreurs ?
Au XIXe siècle les scientifiques, qui avaient encore une grande culture, avaient formés des termes nouveaux pour désigner des choses résolument nouvelles, comme le terme d'électricité par exemple.
Imaginez qu'ils aient utilisés "feu instantané" en lieu et place d'électricité ?

Comme je ne suis pas un fervent défenseur de la logique mathématique, même si je ne la méprise pas, et comme je considère que tous les reproches fais par un Bouveresse et un Sokal envers certains philosophes (souvent justifiés d'ailleurs) ne tiennent pas leur origine que du côté des philosophes, je ne pas entendre avec autant de joie ces extraits des Échos. Pour Bouveresse la rationnalité est logique, et par logique j'entends la logique mathématique moderne. Les choses ne sont pourtant pas si simple.

Bon, il y aurait encore beaucoup à dire, et j'ai l'impression de ne pas avoir dit le plus important. Il faudrait que je me lance dans une critique globale des sciences modernes et de la place ambigu des scientifiques dans nos sociétés (à la fois seuls et uniques chercheurs autoproclamés de la vérité ; chercheurs ayant droit aux moyens financiers, et à l'estime la plus importante sous prétexte qu'ils sont "utiles" ; tout en se détachant d'une quelconque responsabilités de leurs découvertes (fission nucléaire -> bombre atomique etc.)).

La science s'est rendue, oui elle s'est rendue, quasiment inaccessible aux profanes et s'est désintéressée de tout le reste (d'où ces naïves conclusions pseudo-philosophiques). Les philosophes se sont retrouvés tous seuls avec leurs concepts et ont sombré dans un relativisme parfois nihiliste. Tout ça parce que la vérité n'a plus à voir qu'avec des faits démontrables expérimentalement. Et Dieu n'a rien à faire là dedans. Mais sans Dieu, plus de maintien. La philosophie s'écroule, et les sciences s'enferment dans un utilitarisme teinté de recherche de la vérité qui dédouane le scientifique de toutes responsabilités. Et tout ça par la faute de quelques philosophes !

C'est un peu caricatural, mais l'essentiel est là ;)

Anonyme a dit…

???
Je ne vois absolument pas en quoi ce que dit Bouveresse te parait condamner Onfray. Bien au contraire. Onfray s'afflige de voir le rationalisme présenté comme autoritaire et tyrannique. Son propos est grosso modo le même me semnle-t-il : la raison n'occupe qu'une petite place et la religion la maximalise pour la dénigrer. Onfray souhaite lui aussi la maximaliser en clamant qu'elle est bonne mais le constat de départ est bien le même : nous ne vivons pas dans une société véritablement rationnelle. Que la STRTEGIE de l'irationnalisme qui consiste à se présenter en victime ne corresponde pas à sa SITUATION REELLE, voilà un propos qu'Onfray pourrait tout à fait faire sien.

Pour ce qui est de la vérité religieuse et scientifique, là encore je ne suis pas d'accord. Qu'il y ait un progrès chez le croyant, c'est évident : la foi n'est pas une tranquille possession. Mais c'est là un niveau individuel. Le progrès dont il est fait état dans les sciences selon Bouveresse est constitutif de la nature de la vérité scientifique. Bref, ce n'est pas le scientifique qui progresse vers la vérité, c'est la science alors que comme tu le dis très bien, la notion de progrès est cruciale " dans la vie du croyant". Pour le dire brutalement, le croyant progresse vers la vérité, dans l'autre cas, ce sont les vérités qui progressent.

Anonyme a dit…

Cher JBB

Je ne suis plus du tout d'accord avec toi.
Mon premeier point de désaccord tient à ton affirmation selon laquelle la critique de Sokal et Bricmont est politique. Je ne vois pas en quoi une exigence de rigueur peut être dite avoir quelque dimension politique que ce soit. Il ne s'agit pas non plus de prétendre appliquer à la philo des critères de sciences dures à moins que l'on signifie par là que la philo n'ait rien à voir avec la rigueur, ce qui tu en conviendras est une pure aberration.
D'ailleurs pour faire un bond dans ton propos ( 8eme § ), tu parles des philosophes très attachés au sens des mots. C'est précisément de ça dont il est question et il me semble que, là, tu n'es pas cohérent. Si les philosophes sont attachés au sens des mots, il leur appartient de ne pas prêter au mot " chaos " des caractéristiques qui ne sont pas les siennes. Il leur appartient de distinguer entre le chaos scientifique et le chaos traditionnel tout comme leur boulot consiste à distinguer le mot " raison " chez Kant et le mot " raison " chez Platon. Bien sûr, c'est compliqué et ça demande de faire attention mais personne n'a dit que c'était facile de faire de la philo : "tout ce qui est beau est difficile autant que rare." Et c'est précisément cela que Sokal leur reproche de ne pas faire. Employer des mots à tort et à travers en ne tenant pas compte de la différence des concepts qu'ils recouvrent. Il me semble que c'est justement éminemment philosophique que de dénoncer le pouvoir de séduction des mots. La philosophie n'a pas affaire à des mots mais à des concepts.
Ensuite, je crois que tu commets une erreur : Sokal n'a jamais dit que les sciences humaines étaient vaines. Le passage auquel tu te réfères ne dit pas que des étudiants ont été sauvés des sciences humaines mais qu'il faudrait sauver les sciences humaines de certaines tendances stupides qui les minent. C'est donc tout le contraire d'un mépris mais bien un souci qui l'habite.
Ensuite, tu parles des csientifiques. D'une part Sokal est le premier à dire que les scientifiques disent eux-mêmes des âneries philosophiques ou tirent des conséquences indues de leurs recherches ( il fait ce reproche à Heisenberg par exemple - tu m'excuseras, je n'ai pas la page en tête ). Ensuite, nulle part, il n'est question de dresser un barrage entre la science et la philo. Bricmont a peut-être un peu cette tendance ( surtout dans d'autres publications ) mais cela n'apparaît aps dans le livre de Sokal, bien au contraire.
Enfin ta conclusion sur l'inaccessibilité de la science. Je crois que le problème est plus compliqué que cela. Bien sûr, il y a la vulgarisation. Bien sûr celle-ci a ses limites. Elle a aussi sa pertinence. Ensuite quand tu dis que la science " s'est rendue inaccessible ", la façon dont tu le dis semble y indiquer une volonté délibérée. Cacher pour mieux dominer peut-être. Je ne peux pas te suivre sur ce point. Ce d'autant plus que, précisément, de nombreux scientifiques concourrent à vulgariser leur discipline. Quant à l'utilitarisme ( heideggerien ? ) dont tu accuses la science, je reste sceptique.

Je ne sais pas si c'est essentiel mais c'est là :-)

Anonyme a dit…

Tiens la mise en page a sauté. Ca vous fera un joli petit paragraphe à lire, heureux fripons !

Jean-Baptiste Bourgoin a dit…

J'avoue, j'y suis allé un peu fort.

Plusieurs précisions cependant. Pour ce qui est de la dimension politique de l'attaque de Sokal, mon étude de l'affaire remonte à quelques temps et il possible que je mélange le texte avec certaines critiques faites sur ce texte. Donc je retire ce que j'ai dit.

En revanche pour ce qui est du sens des mots je voulais dire que certains termes utilisés dans la science moderne ont un passé alors qu'ils sont sensés désigner quelque chose que les usagers de ces termes considèrent comme entièrement neuf. Certes "raison" et "raison" chez Platon et Aristote ne désigne pas la même chose, mais il y a une racine commune. La théorie du chaos en revanche n'est que très lointainement apparenté au chaos puisqu'elle traite, si je ne me trompe pas je suis loin d'être un spécialiste, de système déterministe dans lesquels se présente des instabilités. Rien à voir avec le Chaos qui est un état d'indétermination, "d'information" (au sens de non formé), pur. S'attacher aux mots signifie aussi, et surtout, choisir le mot le plus adéquat. Or une théorie du chaos (je parle de l'expression= oriente plus naturellement vers une pure indétermination que vers l'étude des instabilités dans un système déterministe.

Pour ce qui est du reproche de Sokal fait à certains philosophes, je suis entièrement d'accord avec toi, je voulais juste expliquer en quoi cette attitude chez certains philosophe pouvait aussi trouver une explication chez les "scientifiques" (je met entre parenthèse car ce terme est vraiment galvaudé.) eux-mêmes. Il y a bien évidemment de l'abus chez certains philosophes (je pense à Debray et son utilisation du théorème de Gödel), mais cela ne justifie pas la "méthode" de Sokal et Bricmont dans leur fameux ouvrage. Ils reprochent aux philosophes de parler de théories scientifiques sans les maîtriser, soit, mais ne font-ils pas eux-même la même chose dans leur ouvrage ?

Oui, pour la volonté de dresser un barrage entre science dites dures et sciences humaines (sur lesquelles je partage certains point de vues avec Sokal, mais passons), il s'agit plus d'un souvenir de lectures. Donc encore une fois je retire ce que j'ai dit. Pourtant je ne crois pas que S&B vise uniquement à mettre au jour quelques erreurs stupides, ou manque de connaissances en sciences chez certains philosophes, leur ouvrage s'intitule "Impostures intellectuelles", c'est extrêmement violent. Ils ne font pas le constat de nombreuses erreurs, mais d'impostures. Mais passons, il me faudrait relire l'ouvrage.

Quand je dit que la science s'est rendue inaccessible je ne veux pas dire qu'elle l'a voulue afin de dominer de quelque manière que ce soit. Elle s'est rendue inaccessible pour des raisons internes, la manière dont elle conçoit sa rechercher, ce qu'elle recherche etc. C'est un peu compliqué, mais ce n'est pas une critique de cet ordre. Je crois les scientifiques tout à fait sincères sur ce point.

Pour ce qui est de l'utilitarisme, je me suis certainement mal exprimé. Les sciences dites dures sont financées plus grassement parce qu'on considère qu'elles sont utiles, c'est un fait. On finance la médecine parce qu'elle soigne des malades, on finance la chimie parce qu'elle permet de découvrir des composants plus résistants dans tel ou tel milieu (par exemple) etc. Les scientifiques "durs" acceptent ça, ils acceptent de travailler parce qu'ils sont utiles. Mais étrangement, lorsque certaines personnes considèrent que certaines recherches peuvent conduire à la création d'outil, à des pratiques éthiquement douteuses, les chercheurs incriminés vont se défendre classiquement en expliquant qu'ils font de la recherche, ce n'est pas à eux de s'occuper de cela, et que de toute manière il est fort probable qu'on le découvre ailleurs plus tard (on se demande alors pourquoi ils tiennent tant aux brevets, mais passons).
Les sciences "dures" modernes ne sont pas utilitaristes, mais elles sont payés pour être utiles, cela implique un minimum de responsabilités qui ne sont pas à décharger sur les "spécialistes" en éthique ou uniquement sur ceux qui feraient un mauvais usage de leurs découvertes.

Par exemple il y a des recherches sur l'invisibilité ou le goût (comment faire en sorte qu'un aliment soit nécessairement bon etc.). Ces découvertes ne sont pas sans conséquences possible moralement douteuses. L'invisibilité ? À part à la guerre, dans l'espionnage, je ne vois pas trop "l'intérêt". Travailler sur le goût ? La cuisine ne fait pas déjà cela ? À part faciliter la dépendance à certains produits etc.

Jean-Baptiste Bourgoin a dit…

J'ai lu l'ouvrage il y a quelque temps et j'avoue ne pas en avoir un souvenir extrêmement précis. Donc tout ce que je dis sur S&B est à prendre avec beaucoup de pincettes.

Pourtant je suis à la surface d'accord avec S&B, lorsque Lacan explique que l'érection du pénis peut être calculé par la racine carrée de je ne sais plus combien, ou un truc du genre, on a du mal à ne pas être d'accord avec S&B. Et puis je ne suis pas franchement un adepte de Deleuze ...

Pourtant j'ai vraiment le souvenir qu'il y avait vraiment beaucoup plus dans cet ouvrage que ce que ses auteurs prétendaient vouloir y mettre. Il y a eu des réponses ridicules (celle de Derrida était vraiement ridicule, il ne parlait que de lui !), mais S&B, et Bouveresse avec eux, ce sont posés comme des victimes ! Ils l'avaient cherchés tout de même ... Surtout lorsqu'ils racontent qu'ils ont fait rire tous leurs collègues physiciens en citant certains auteurs, on en racontant le canular, je ne sais plus très bien.

Bref, il y a vraiment beaucoup de mauvaise foi dans cet ouvrage et c'est surtout cela qui m'énerve.

Le problème est le même en informatique. Un philosophe aurait des hauts le cœur en comprenant qu'un objet en programmation est une entité qui abstrait. Il existe toute une série de termes en informatique qui proviennent du langage courant, et qui n'ont absolument rien à voir (sauf de très loin) avec leur origine.

Qu'est-ce que cela implique ? Si on veut parler de programmations, il faut être programmeurs jusqu'au bout des ongles. Si on veut parler de sciences, il faut êtres scientifiques. Et on sait combien il est difficile d'être aujourd'hui un fort connaisseur de la physique quantique, de la théorie des fractales etc. si nous n'avons pas reçu une très solide formation en science.

Il ne s'agit pas de justifier le flou et le vague, il s'agit d'accepter que l'on puisse faire des erreurs en attente d'être corrigé. Or, lorsque S&B intitule leur ouvrage "Impostures intellectuelles" il ne pointe pas des erreurs, ils pointent une malhonnêteté (qui existe chez certains philosophes, mais certainement pas chez tous ceux qu'ils ont cités. Et encore aurait-il fallut apporter la preuve de cette malhonnêteté avant de faire une telle accusation). L'erreur c'est acceptable, et inévitable malheureusement, la malhonnêteté c'est mal. Conclusion que je tire de l'ouvrage : si vous ne vous voulez pas être un homme malhonnête, parlez de science que lorsque vous serez certains de ne faire aucune erreurs. Ce qui est assez violent et pose une barrière difficile à franchir entre les disciplines.

Voilà en substance ce que je reproche à l'ouvrage de S&B.

Jean-Baptiste Bourgoin a dit…

Pour ce qui est de la politique j'ai le souvenir de passages dans lequel Sokal explique qu'il faudrait que la gauche sorte de son relativisme ou un truc du genre. Encore une fois mes souvenirs sont flous. Mais il me semble bien qu'il y a une dimension politique dans son ouvrage. Il faut que tu me dises si je me trompe ou non, je n'ai pas l'ouvrage ici.

Anonyme a dit…

Whaou, tu me donnes du boulot !

Bon dans l'ordre :

Pour le sens des mots, apparemment, on est pas fondamentalement en désaccord. Tu fais néanmoins une distinction que je récuse entre les mots scientifiques qui vont contre l'usage antécédent et les mots philosophiques qui ont une proximité. D'une part, je conteste la proximité. Si j'ai choisi l'exemple de la raison chez Kant et Platon, c'est parce qu'il me semble que cela s'oppose fondamentalement. Chez le premier, c'est une sorte d'intuition intellectuelle alors qu'il n'y en a pas chez l'autre. On pourrait trouver d'autres exemples qui marquent encore mieux la différence de concepts entre deux mots à l'intérieur de la philosophie. D'autre part et surtout, quand on choisit de mentionner le chaos scientifique, ok celui-ci est peut-être très loin de la conception traditionnelle, mais dans ce cas là, on s'informe. Ca demande des efforts et c'est justement en ce sens qu'il faut entendre le terme "imposture". Ce n'est pas le fait de faire une erreur, c'est cette paresse qui consiste à ne pas aller voir ce qui se cache derrière.
Tu dis qu'être attaché aux mots, c'est choisir le plus adéquat. Soyons clairs, ça ne me gêne absolument pas qu'on parle du chaos en un sens indéterministe comme tu le dis à la fin de ton §. Ce qui est regrettable, c'est qu'alors, on fasse appel à une théorie qui parle de tout autre chose.

3eme § : Sokal et Bricmont ne maîtrisent pas les théories des philosophes qu'ils critiquent. Soit. Et alors ? Ils ne les attaquent pas sur leurs théories mais sur des éléments scientifiques qu'eux ( S&B ) maîtrisent. Je ne connais rien à Derrida. Si celui-ci me dit que 2 + 2 = 5 ou qu'il s'appuie sur une vérité démontrée scientifiquement à savoir que 2 + 2 = 5, je me pose des questions.

Pour ce qui est du barrage entre les sciences dures et les sciences humaines, ils le disent à plusieurs reprises en particulier dans l'épilogue, une section intitulée " Pour un véritable dialogue entre les " deux cultures " ". Leur but n'est donc pas de restaurer la guerre des sciences comme on l'a dit stupidement et encore moins d'imposer les normes des sciences dures aux sciences humaines comme l'ont dit ceux qui n'avaient pas lu le livre puisque dans la section dont je te parle, l'un des enseignements qu'ils dégagent est " ne pas imiter les sciences exactes ". Je les cite :
" il est parfaitement légitime de se tourner vers l'intuition ou la littérature pour avoir une forme de compréhension, non scientifique, de certains aspects de l'expérience humaine qui échappent à une compréhension plus rigoureuse " ( p. 190 ). L'accusation de scientisme est donc là encore parfaitement imbécile puisque le scientisme consiste à dire que rien n'échappe à l'appréhension scientifique et que toutes les autres formes de compréhension sont illégitimes, ce qui est mot pour mot le contraire de ce que disent Sokal et Bricmont.

Pour l'inaccessibilité de la science, là encore, je suis sceptique. La science n'est inaccessible qu'à ceux qui n'en font pas. Mais de la même manière, on ne comprendra rien à un philosophe si on n'y passe pas du temps. Il faut du temps et tout le monde ne l'a pas mais à ceci la science ne peut pas grand chose. En la matière, je suis assez pascalien ou einsteinien ( pour le coup, ils ne sont pas si éloignés ) : l'esprit de géométrie conduit à appronfondir plus qu'à balayer. Du coup, il faut passer par une longue série de médiations pour arriver à saisir les résultats. Sans doute faut-il plus de temps pour arriver à comprendre les sciences qu'à comprendre autre chose mais ce surcroît de temps n'indique qu'une différence de degré et non de nature entre les autres disciplines et une science qui se serait rendue inaccessible.

Quant au fait qu'on ne finance les sciences qu'après que celles-ci ont prouvé leur utilité, malheureusement oui, tu as raison. Et c'est une méconnaissance profonde de la nature de la science. Sans compter que c'est totalement inepte car en plus c'est contre-productif. Mais tu ne peux reprocher à Sokal et Bricmont de ne pas le dire. Je les cite :
" Malheureusement, certaines critiques ne s'en prennent pas à ce qu'il y a de pire dans la science ( militarisme, sexisme, etc. ) et s'attaquent à ce qu'il y a de meilleur, à savoir la tentative d'une compréhension rationnelle du monde et la méthode scientifique entendue au sens large." ( p. 202 ). Ils ont parfaitement conscience du financement par le lobby militaro-industriel, très présent aux Etats-Unis mais aussi dans le reste du monde et le dénoncent.

Ton exemple de l'invisibilité m'étonne. Justement, pourquoi parler d'intérêt ? En disant cela, tu t'inscris toi-même dans une vision utilitariste. Il ne s'agit que de comprendre le monde et quelles sont les lois qui le régissent. Bien entendu, il ne fautt pas être naïf. Si certains s'intéressent à l'invisibilité ( ce qui me surprend pas mal du reste, ça fait un peu trop SF à mon goût ), ce n'est pas dans l'optique de faire une surprise à leur dulcinée. Il n'empêche : de telles recherches permettent de faire progresser l'optique et je ne sais quoi encore.

Pour Lacan, c'est pire que cela, il ne dit pas seulement que l'érection du pénis peut être calculée avec racine de -1, il dit que ce sont deux choses égalables.

Ils ne disent pas avoir fait rire leur camarades scientifiques avec certaines erreurs, ce qui relèverait effectivement d'un certain mépris, mais avoir demandé leur avis à d'autres scientifiques devant des passages qui les laissaient perplexes. Et ces derniers se sont soit étonnés, soit amusés, ce qui n'est pas tout à fait la même chose.

Il y a en effet une valorisation de la spécialisation. Je n'ai pas retrouvé le passage le plus net à ce sujet mais cela est indéniable. Cela dit, je ne crois pas que cela interdise de fait ( cela ne le fait évidemment pas de droit ) un dialogue entre les disciplines. Cela signifie juste qu'il faut rester modeste et travailler.

Je suis plus d'accord avec toi lorsque tu déplores qu'ils aient rangé dans le même livre des cas manifestement différents. Ce qui relève de l'imposture et ce qui relève de l'erreur. Néanmoins, il me semble que lorsqu'il ne s'agit que d'erreurs, ils le disent. Et encore, c'est toujours chez des auteurs qui font plus que commettre des erreurs. Par exemple, ils n'insistent pas sur les approximations de Serres, ils reconnaissent que leur critique ne vaut que pour la première Kristeva, etc.

Enfin, pour ce qui est de la politique, je suppose que tu fais allusion à la section de l'épilogue intitulée " et la politique dans tout ça ? " Bien sûr, il ya des implications politiques. Mais ceci ne vaut que de manière dérivée. En outre, ils stipulent bien que cette confusion se retrouve aussi bien à gauche qu'à droite. Ce n'est donc pas d'abord un problème politique mais bien une question d'épistémologie.

Sémiramis a dit…

Peut-être, cher Tatianus, n'ai-je écrit ce post dans le seul but de te faire râler... et j'ai réussi! :-)

Plus sérieusement je ne vois aucun rationnalisme ni quelconque défense de la raison dans le discours d'Onfray, ou plutôt dans ce que j'en ai lu et ce que j'ai compris (le ton est tellement polémique que je me suis peut-être laissée égarer!)

Au contraire il me semble qu'il se revendique matérialiste, voire sensualiste. Si c'est là ce qu'on désigne comme irrationalisme, alors on est en plein dedans, se présentant comme victime d'une philosophie universitaire toute puissante et rationaliste.

mais bon je ne prétends à aucune forme de spécialisme onfrayien, et ne m'en afflige pas: peut-être ai-je pris cet article dans le sens qui me faisait plaisir tout simplement!!

En ce qui concerne la question de la vérité, je ne me plie pas à tes arguments. je crois que la vérité est en cours de déploiement et que la science est l'un des modes de ce déploiement: on ne parle que d'une seule vérité en science comme en religion, celle du monde (qui est en Dieu quand on est croyant). Il ne s'agit pas d'un plan strictement individuel mais aussi collectif, qui vise la révélation totale de la vérité lors de la fin des temps (espérance ce que nous allons fêter dimanche lors de la fête du Christ Roi).

Sur le reste du débat, je suis totalement incompétente et retourne à mes analyses sur les sociétés de champagne ;-)

Jean-Baptiste Bourgoin a dit…

Finalement je n'ai pas grand chose à répondre, je suis d'accord avec toi. Donc avec S&B !

Raison chez Kant et Platon, excuse moi pour ma mauvaise lecture. Oui, tu as raison, les concepts sont parfois bien différents entre les philosophes. Mon argumentation était mauvaise.

Je passe tout de suite à l'invisibilité ;) Je parlais d'intérêts afin justement de ma placer sur le plan d'une perception utilitariste des sciences. Je crois que ce problème était mal venu, et ne concerne pas S&B. Je suis d'accord avec toi, une telle découverte permet de mieux saisir les phénomènes optiques etc. Je critiquais juste la posture qui consiste à se dédouaner des conséquences de ses recherches, à ne pas y réfléchir. Si j'écrivais dans un article que tout est art, que le plus bel art est celui qui marque durablement la vie des gens et uniquement cela, alors je devrai m'attendre à ce qu'en mon nom et au nom de l'art on produise des meurtres en série. Comme je ne le désire, il me semble meilleur d'affiner sa réflexion et d'en saisir les possibles conséquences. C'est un peu grossier comme exemple, mais l'idée est là.

Pour en revenir à l'ouvrage de S&B, finalement je suis assez d'accord avec la lecture que tu en donne. Entièrement d'accord même.

La question est donc : pourquoi en ais-je un si mauvais souvenir ?

Et je me demande si cela n'est pas du au fait que ma lecture d'impostures intellectuelles colle avec une étude des lettres à Voetius de Descartes faite par Catherine Chevalley. Ce devait être cette époque ou j'étais, et le suis toujours mais plus calmement, très tendu sur tout ce qui concernait la diffamation. Or il faut tout de même avouer que le titre de l'ouvrage de S&B est assez dur. C'est peut-être la raison pour laquelle j'ai un souvenir difficile de cette lecture.

Tout cela me rassure en réalité ! Merci pour tes précisions.

P.S. : oui, pour Lacan c'est bien ça, c'est bien le souvenir que j'en avais mais ça me semblait tellement énorme !

P.S.2 : en réalité je suis entièrement d'accord avec toi, il est possible de lire, d'entendre, d'apprendre le discours scientifique moderne. Cela demande juste de l'effort comme la philosophie demande un certain effort. Et mon exemple de l'informatique est un bon exemple : j'ai bien appris à faire la différence entre la notion d'objet en programmation et le concept d'objet chez certains philosophes, pourquoi ne serait-il pas possible de faire la même chose en science ?

Merci encore. Et pardon à S&B (sauf sur le titre !)

Sémiramis a dit…

Je rêve! Retournement de situation! JB, avant de demander pardon, tu devrais relire ce livre, on ne sait jamais!

Jean-Baptiste Bourgoin a dit…

@ élise

oui, nous sommes d'accord sur la question de la vérité et plus spécifiquement de la foi. Le "progrès" dans la foi n'est pas uniquement un progrès individuel et heureusement (au sens d'une progression qui n'aurait de sens que pour l'individu) !

Pour ce qui est d'Onfray, je n'en sais strictement rien. Tout ce dont je me souviens c'est ce discours sur Benoît XVI ou il disait qu'il était d'accord avec lui au sujet d'un discours rationnel sur la foi, mais qu'il considérait qu'il était mentalement atteint lorsqu'il disait que Jean-Paul II nous regardait de là-haut.

Donc il me semble bien qu'Onfray défend une certaine forme de rationalisme. Est-ce que son rationalisme est rationnel etc.

Sémiramis a dit…

Je ne considère pas le fait de décréter que croire que les morts restent présent aux vivants soit pathologique représente une preuve de rationalisme!

Au contraire!

Jean-Baptiste Bourgoin a dit…

@ élise

Oui et quel retournement !

Non, je ne vais pas relire ce livre qui n'est de toute manière pas très profond.

Et puis comme je préfère avoir une bonne image des personnes, je préfère en rester là avec S&B. Le discours de Tatianus me rassure et cela me suffit.

En revanche je considère toujours que le titre est très mal choisi et qu'il peut induire des choses pas très sympathiques dans la tête des lecteurs. D'où certainement les réactions violentes dans le monde des sciences humaines.

Jean-Baptiste Bourgoin a dit…

Oui je partage ton point de vue sur Onfray !

Je voulais juste dire qu'il se qualifiait lui-même de rationaliste. L'est-il ? Je ne crois pas.

Sémiramis a dit…

Bon alors ça va, on est d'accord!!

Jean-Baptiste Bourgoin a dit…

Tu en doutais ??

Je me suis mal exprimé, en effet. C'est une constante aujourd'hui ! C'est le prix à payer des discours sur des sujets qui nous sont sensibles.

Ce qui me fait rire dans cette interview de Onfray, c'est que le type souffrant de pathologie mentale c'est bien Onfray lui-même ! Sa volonté de voir dans tout ce qui relève de l'autorité mais aussi de l'Église (qui se confondent presque chez lui) un désir d'avilissement du petit, de disparition des gêneurs etc. qui se trouve expliqué plus que clairement par lui-même dans son propre passé.

Il a mal vécu le pensionna (qui était certainement très dur, je ne le nie pas), alors dans son univers mental autorité = prêtre = malade = pédophile ? (il est presque tenté de le dire dans cette interview) = Église = pathologie mentale etc.

Tout cela n'est effectivement pas très rationnel.

Anonyme a dit…

Un billet à mon intention ?! C'est trop d'honneur. Décidément, tu n'as aucun égard pour mes chevilles !

Sinon pour ce qui est d'Onfray, si j'en crois mes notes, aux pages 41 et 95, il dénonce ( à tort à mon sens ) la haine que la religion éprouve envers la raison. Il se pose là en défenseur de cette dernière. On peut juger qu'il la défend mal mais c'est bien là sa posture me semble-t-il.

Pour ce qui est de la vérité, tu as sans doute raison de me reprendre : le terme " individuel " n'était pas satisfaisant, il aurait été plus juste de dire " subjectif ". Néanmoins, je maintiens que le rapprochement est contestable et que Bouveresse a rasion de distinguer. Les vérités scientifiques auxquelles parvient la science sont remises en question par les théories suivantes. Ce n'est ps le même schéma que l'on observe dans la foi. Jamais un scientifique à moins d'un dogmatisme insupportable ne pourrait reprendre tes propos :
" un croyant sait avoir reçu et détenir, en quelque sorte, LA vérité absolue du monde ". Je cite mon Bébert pourtant perçu comme dogmatique à la fin de sa vie : " Vous vous imaginez que je regarde l'oeuvre de ma vie avec une calme satisfaction. Mais, vue de près, il n'en est rien. IL N'Y A PAS UN SEUL CONCEPT DONT JE SUIS CONVAINCU QU'IL RESISTERA, et je me demande même si je suis sur la bonne voie." D'ailleurs Popper proposait de ne plus parler de vérité dans le cas de la science mais de parler de vérisimilitude. Le schéma que tu décris pour le croyant est celui d'une ignorance constitutive de notre être. Dans le cas de la science, c'est l'absence de vérité. Evidemment, tous les auteurs ne sont pas d'accord mais c'est de ce schéma que Bouveresse tâche de rendre compte.

Tu as des échantillons des sociétés que tu analyses ?

Anonyme a dit…

Hé bé, j'ai des talents cahés de prosélyteur.
Tu as sans doute été échaudé par le ton du livre, cher JB. C'est vrai qu'il est brutal et sans doute parfois excessif mais je demeure convaincu que la plupart des procès qu'on lui a faits étaient mauvais. Même s'il n'est pas exempt de tout reproche.

Anonyme a dit…

J'hallucine devant la vitesse à laquelle vous postez des commentaires ! Vous avez des doigts bioniques ou quoi ?

Didier Goux a dit…

Trop intello pour moi : je repasserai plus tard...

Anonyme a dit…

Coucou

Euh, j'avoue n'avoir pas eu le courage de lire tous les commentaires ce soir (je les lirai demain, promis !) mais j'avoue avoir du mal à suivre les remarques de JB sur Sokal défendu par Bouveresse ; Bouveresse est une personnalité très engagée à gauche, quasiment bourdivin politiquement parlant, et il me semble délicat de faire de la défense de Sokal quelque chose de politique.

En revanche, "impostures intellectuelles" me semble à la fois frapper fort et juste et en même temps manquer la cible :
fort et juste parce que l'utilisation des mathématiques et de la physique qui est faite par les auteurs incriminés est en effet grotesque, risible, dénuée de sens et là où je rejoins Sokal c'est lorsqu'il remarque que cette non-maîtrise de concepts pourtant invoqués dit plus qu'une simple erreur mathématique ; la thèse sous-jacente à cet ouvrage, c'est que si l'utilisation de la mathématique et de la physique est si confuse, si fausse, c'est en raison d'un problème antérieur, qu'est celui d'une confusion inouïe de la théorie de base dont les élucubrations mathématiques ne sont que les symptômes de confusion.

Là où je suis moins convaincu par leur démarche, c'est qu'au fond on a l'impression qu'une rectification sémantique des théories scientifiques invoquées permettrait de rendre intelligibles les pensées dénoncées, ce qui me semble assez contradictoire comme démarche.

Dans l'exemple que tu pends Tatianus, même en ne connaissant rien à Derrida, on peut douter de sa pertinence s'il dit que 2+2=5. certes, mais encore faut-il montrer pour contrer Derrida que 2+2=5 correspond réellement à sa penée, ce que ne peuvent faire Bricmont et Sokal puisqu'ils ne connaissent pas très bien les pensées dénoncées. En fait, très rigoureusement, de ce livre, on ne peut tirer que trois conséquences:
- les auteurs dénoncés sont inconséquents : nul n'a plus critiqué la science et la logique que ces auteurs et nul n'a davantage essayé de recouvrir sa penée d'un vernis scientifique.
- les auteurs dénoncés ne maîtrisent manifestement pas la mathématique ni la physique.
- Les auteurs dénoncés sont ridicules et pédants.

Pour le reste, je suis entièremen td'accord avec les sages remarques de Tatianus, jusqu'à 14h21 (je n'ai pas lu après).

Je suis d'accord particulièrement sur un point : sur l'idée de progrès. Bouveresse a mille fois raison de dire que la science est un procès indéfini de connaissance. Cela est constitutif de la nature même de la science comme le note Tatianus ; la foi n'a pas du tout ce cheminement. Il s'agit du parcours individuel du croyant qui progresse certes, mais de façon individuelle, et surtout de façon non théorique. Le contenu même de la foi est fixe car fixé (les dogmes). Il n'y a pas de progrès dans la connaissance objetive de Dieu, il y a éventuellement un progrès dans l'appréhension individuelle que le croyant a de Dieu. Donc du point de vue théorique, l'opposition de Bouveresse me semble tout à fait pertinente.

Anonyme a dit…

Bon finalement j'ai lu... C'était trop intéressant.

Puisque le débat s'est achevé sur une réonciliation universelle, tout ajout serait supeflu...

Je ne connais pas Onfray mais il faudrait savoir ce dont il parle lorsqu'il évoque "la religion" ; la théologie ou la pratique religieuse ? Le moins qu'on puisse dire c'est que la théologie particulièrement chrétienne n'est pas hostile à la raison mais lorsqu'on considère la pratique religieuse, multiple, infinie, insaisissable, il est évident qu'elle a une part énorme d'anti-rationalisme primaire, de la foi du charbonnier au fidéisme, en passant par le piétisme et le messianisme.

Jean-Baptiste Bourgoin a dit…

@ tatianus

J'ai peut-être des doigts bioniques sans le savoir ! Mais ils ne sont pas suffisamment rapide pour prendre mon cours d'épistémologie du mardi sans avoir de monstrueuses crampes à la fin des deux heures ...

@ coincoin

Onfray est près à reconnaître du rationalisme dans la théologie, mais bizarrement dès que ça vient de l'Église ça lui pose problème. Pour ce qui est des pratiques religieuses, je ne sais pas, mais j'imagine que pour lui le simple fait de croire en la résurrection est une pathologie mentale ... (il faut préciser que c'est une pathologie mentale tant que l'on croit en la résurrection selon la doctrine professée par une religion dominante, il n'hésite pas à prendre dans sa contre-histoire de la philosophie la défense des courants religieux mis à l'écart les plus hermétiques, les plus abscons, et, osons, les plus délirants. Rationnel = non dominant, chez Onfray, il faut le rappeler !)

P.S. : bon, je suis un peu méchant envers Onfray. J'avais une plutôt bonne image de lui au début, et à force de l'entendre j'ai constaté qu'il faisait preuve de beaucoup de mauvaise foi, je crois même qu'il ne s'en rend même pas compte. Donc, je peux me tromper ! Et j'attends avec impatience la personne qui pourra me faire comprendre que j'ai tort. D'ailleurs j'ai peut-être tort, donc tout ça est à prendre avec des pincettes, après tout je ne l'ai pas beaucoup lu (quoiqu'en matière de mauvaise foi le Traité d'Athéologie est presque un manifeste).

Anonyme a dit…

Oui comme tu le soulignes, s'il ne se rend pas compte de sa mauvaise foi, c'est juste de la bêtise. D'ailleurs il vient de commettre une tribune dans l'Humanité tout à fait édifiante...

Anonyme a dit…

Tout à fait d'accord avec toi, Coincoin. Quand je disais que je me posais des questions, je n'allais pas plus loin que les trois éléments que tu cites. S & B font un pas de plus en disant que cela suscite un surcroît de méfiance de leur part mais ils ne disent pas que les erreurs scientifiques invalident les positions philosophiques des auteurs qui les commettent.

Pour Onfray, encore une fois,sage recommandation du philosophe : il faut distinguer entre théologie et pratique. Coincoin, je m'incline bien bas.

Jean-Baptiste Bourgoin a dit…

@ coincoin

Je viens de lire l'effarante tribune d'Onfray. Ce passage est très bon :

«les montages entrepreneriaux de patrons voyous qui incarnent la persistance
de la tradition négrière
dans les pays du Maghreb,
en Inde ou en Chine…»

Mais la toute fin est encore meilleure :

«Or les tenants du libéralisme s’évertuent à le rendre caduc jour après jour en démontant ce qui reste de 1789 et autres moments de l’histoire de la gauche.»

La Révolution française est un événement uniquement de gauche ! C'est très très bon, en effet ...

(il me semble d'ailleurs que le libéralisme n'aurait jamais pu voir le jour au sein d'une politique aristocratique, mais passons ...)

Sémiramis a dit…

Ah non, là c'est trop fort! On n'arrive pas à y croire, et pourtant il l'a dit! La révolution bourgeoise de 1789 contre les aristos et la monarchie, c'est donc ça la gauche!

Enfin une parole sensée...

JB, quelle photo ténébreuse. On se croirait à l'actor's studio, j'adore!

Je prépare une petite surprise pour consoler notre ami Michel du naufrage de 1789...

Jean-Baptiste Bourgoin a dit…

«La révolution bourgeoise de 1789 contre les aristos et la monarchie, c'est donc ça la gauche!»

hé hé ... Mais une question me turlupine : dès lors qu'est-ce que la droite ?

Pour ce qui est de la photo ... Je suis allez la chercher dans des recoins insoupçonnés des tréfonds de mon ordinateur ! Elle a traversée mille déserts numériques, et cela se voit !

Sémiramis a dit…

La droite, c'est les boutons de manchette, mon enfant.

Vale.

Anonyme a dit…

Essayez ce papier http://www.university2000.org/incontro/speeches/Nemo.pdf

(pas tout à fait la même ligne, mais susceptible de vous intéresser).

Anonyme a dit…

Et avec quoi as tu emballé et calé le saladier ? La est LA question

Sémiramis a dit…

Eh bien Eric, je l'ai calé avec une autre page des Echos, et cela ne m'a pas porté bonheur: j'ai constaté en déballant le tout qu'il était cassé!

Bon dimanche

Sémiramis a dit…

Merci VS pour le lien (et la visite), je vais lire ça à mon temps!

Je suppose que vous êtes plongé dans le fameux Camus nouveau, alors bonne lecture et bon dimanche.