24 mai 2008

L'âge d'or du romantisme allemand

Au musée de la Vie romantique, 16 rue Chaptal (IXème arrdt) - jusqu'au 15 juin

Si vous ne le connaissez pas encore, le musée de la Vie romantique mérite votre visite, ne serait-ce que pour la fraîcheur de son cadre bucolique en plein Paris. Entre la Trinité et Notre Dame de Lorette, non loin du non moins passionnant musée Gustave Moreau, il faut faire quelques pas sur un bout de chemin pavé pour accéder à la cour de la petite maison aux volets verts pimpants, fleurie de roses trémières, et foisonnante de verdure.



L'ancienne demeure du peintre Ary Scheffer, romantique troubadour et compagnie, qui fut le professeur de dessin des enfants de Louis-Philippe, regroupe dans le cadre du musée ouvert en 1987 des oeuvres mineures (souvent très amusantes) ainsi qu'un ensemble de souvenirs attachés à la personne de George Sand, offerts au musée par sa petite-fille, qui toucheront les fans d'Aurore et agaceront ses détracteurs. Plus que le contenu, assez anecdotique, c'est l'ambiance de ce lieu intimiste qui est particulièrement attachante. Dépaysement dans le temps assuré!

Le musée présente également de riches expositions, toujours très construites et commentées, généralement sur des sujets confidentiels ou sur d'obscurs inconnus tombés plus ou moins injustement dans les oubliettes de la pâmoison collective: tel Jean-Jacques Henner, héros de la dernière exposition que j'avais vue là-bas, ou Théophile Bra, dont le Nez en l'air nous avait révélé tous les secrets...


Mais, outre le snob plaisir de pouvoir humilier ses amis parce qu'ils ne savent rien du courant romantique gothique décadent qui a sévi au Vénézuela entre 1852 et 1854, le principal intérêt de ces expositions est de restituer le climat artistique et intellectuel de l'époque et de rendre son visiteur familier d'une ambiance, plus que d'un contenu. Dernière en date, l'exposition d'aquarelles et de dessins allemands datant de l'époque de Goethe (1770-1830), ne déroge pas à cette habitude.

Wilhelm von Schadow (1788-1862)
Portrait du peintre Carl Wilhelm Wach
Vers 1805-1810 - Craie noire, rehauts de blanc - 77,3 x 52 cm
Un exemple de ce qui se fait de mieux à l'époque en matière de jeune artiste dans le vent.


Johann Heinrich Füssli (1741-1825)
Le Désespoir de l’artiste devant la grandeur des ruines antiques, 1778-1780 - sanguine et lavis brun
Ce désespoir là n'a pas son pareil pour me mettre malignement en joie. C'est mal d'être si moqueur, je sais.

Karl Friedrich Schinkel (1781-1841)
Le Tumulus des larmes, pressentiment d’un jour nouveau. 1832, gouache
Magnifique messianisme nouille.


En définitive, une exposition intéressante; le plus frappant graphiquement parlant, c'est l'influence très forte du romantisme sur le surréalisme. Certains dessins tortueux et torturés évoquent directement les cadavres exquis et autres fantasmes érotico-morbido-décadents de Breton et ses petits copains, qui n'ont décidément pas inventé grand-chose. Mais j'attends avec impatience la prochaine exposition, qui doit être consacrée aux dessins de J-A-D Ingres. Cela promet d'être autrement somptueux...

22 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci pour l'info. J'irai sûrement y faire un tour car j'ai un faible pour le romantisme allemand, Novalis en particulier. Sinon, connaissez-vous le peintre Caspar David Friedrich ?
Très bon dimanche, avec un peu de soleil si possible !

Sémiramis a dit…

Oui, évidemment (il doit y avoir quelques dessins de lui d'ailleurs si je ne m'abuse). Bon dimanche à vous et bonne fête des mères (les curés en parleront sûrement autant que du Saint Sacrement, ça les émeut toujours ces grands garçons)!

Je ne peux que vous suggérer de venir visiter l'expo en fin de matinée ou en début d'après-midi afin que nous puissions déjeuner ensemble dans les jours qui viennent!

Bises

Anonyme a dit…

J'y suis allé récemment, et j'ai vu l'exposition, qui propose de jolies gravures dont certaines particulièrement intéressante. Du reste, comme vous dites, le cadre est très agréable, et nous sommes assez bien plongés dans l'atmosphère du XIXème...

Un havre de paix en plein Paris.

Sémiramis a dit…

Bonsoir Franz et merci de votre visite!

Auparavant, on pouvait même boire un thé et grignoter dans la véranda près de la fausse grotte, ou sur la terrasse entourée de rosiers! mais en ce moment c'est fermé, j'espère que ce n'est que provisoire.

Bonne soirée!

Catherine a dit…

Ça y est, la chapelle romane est sur mon blog.

Anonyme a dit…

En plus y'a un resto terrible au musée de la Vie romantique !

Sémiramis a dit…

Justement Camille, ma dernière visite m'a dépitée de ce côté: je pense qu'il est en travaux!

Tangleding a dit…

Bonjour Elise,
Merci de vôtre visite, je passe ici de temps autre oui en effet.. Et je connais ce musée mais n'y suis pas encore allé... On m'en avait déjà dit grand bien (une de mes innombrables conquêtes de billet vébéïen, of course).

Bonne journée,
Tanguy

PS: Bonjour à Camille, qui m'a bien fait marrer malgré mon désaccord sur Bloy...

Anonyme a dit…

Le Désespoir de l’artiste devant la grandeur des ruines antiques

J'adore ! Merci !

Anonyme a dit…

effectivement ils veulent plus faire la guerre!bonne fin de journée a tous!

Anonyme a dit…

Il y a bien quelques dessins de Caspar David Friedrich, en effet, mais dans le genre mineur. Toute l'exposition sur les romantiques allemands est un peu dans cette veine. Ce petit musée a énormément de charme. La semaine dernière, le petit jardin était toujours interdit à la visite. Ce n'est pas très grave puisqu'il pleuvait. Si j'ai bien compris, ce lieu est sous la dépendance des services municipaux, ce qui implique que, comme à Carnavalet, il faut supporter une noria de gardiens, particulièrement bavards et en nombre pléthorique. Au moins ceux-là n’ont pas de talkie-walkie nasillard…
Bonne semaine
D.

Sémiramis a dit…

Bonjour Tang,

Repassez quand vous voulez! Et allez aussi faire un tour au musée de la vie romantique. C'est vrai qu'il est très connu des parisiens et des autres. Le quartier de la nouvelle Athènes est aussi très joli, et autre musée passionnant à deux rues près: la maison de Gustave Moreau. Il faut que j'y retourne pour ne causer ici.

Il va falloir que moi aussi je lise Bloy, pour concurrencer Camille!
Amitiés

Elise

Sémiramis a dit…

JBB: oui, évidemment, ce genre d'expression me fait aussitôt penser à toi!

Sémiramis a dit…

Ben oui Sylvain, tout se perd ;-)

Sémiramis a dit…

D.

Je ne crois pas qu'en temps normal il y ait des cerbères... c'est un peu petit pour loger tout le monde! D'accord pour le genre mineur et même parfois minable (Dieu me pardonne)! Splendeur et décadence des arts.

Le musée Carnavalet: je ne l'ai jamais vu, mais ai bien envie d'aller voir l'expo Kiraz qui a l'air amusante. Mais je n'oublie pas Serra au petit palais; plus que 15 jours!

A très vite, bises

Anonyme a dit…

C. D. Friedrich dans le "genre mineur" ???
Bon, je veux bien, je ne suis pas une spécialiste et je ne connais pas ses dessins. En revanche certaines de ses peintures sont franchement de toute beauté :
- Les âges de la vie
- Paysage marin au clair de lune
- Femme au soleil couchant
- Moine au bord de la mer
- Sur le voilier
- Devant le miroir
etc.

Sémiramis a dit…

Réservez nous votre jugement pour le retour de l'expo Geneviève! et bonne nuit.

Anonyme a dit…

Geneviève,
Loin de moi l'idée que C.S. Friedrich fut un artiste mineur, bien au contraire !
Je voulais juste dire que cette exposition me semble présenter des oeuvres mineures qui sont néanmoins très intéressantes.
D.

Anonyme a dit…

@ Inactuel
Vous me rassurez ! Il y a certaines peintures de Friedrich qui me font d'ailleurs penser à Turner. Je vais voir demain ce fameux musée et je vous livrerai mes impressions.

Anonyme a dit…

@ Inactuel
Vous aviez raison, les aquarelles de C.D. Friedrich sont intéressantes mais ne reflètent pas grand-chose de son oeuvre !
Sinon, j'ai aimé cette exposition qui transcrit sur le mode pictural certains rêves, mais aussi certains "délires" et "excès" du romantisme allemand : le summum est "Le Désespoir de l’artiste devant la grandeur des ruines antiques", particulièrement hilarant !

Anonyme a dit…

Elise, En complément à nos échanges si riches et variés de ce midi, voici des extraits de "Heinrich Von Ofterdingen" de Novalis (il s'agit d'un rêve), qui vous feront sûrement penser à quelques peintures et dessins du Musée de la Vie romantique :
"Je ne suivais pas la route, j'allais à travers champs, par monts et par vaux, et j'atteignis bientôt une haute montagne du sommet de laquelle je voyais s'étendre la Plaine d'Or et toute la Thuringe : [...] J'aperçus bientôt un escalier qui s'enfonçait dans la montagne, je me mis à le descendre et après un long moment, j'arrivai dans une vaste grotte. Un vieillard couvert d'un grand manteau était assis à une table de fer et ses regards ne quittaient pas une merveilleuse jeune fille sculptée dans le marbre, en face de lui. La barbe du vieillard avait poussé à travers la table de fer et lui couvrait les pieds. Il paraissait grave et bienveillant et il me rappelait un buste antique que j'avais vu le soir chez mon hôte. Une lumière éblouissante se répandait dans la grotte. [...] Des arbres gigantesques, aux larges feuilles brillantes, étendaient leur ombre à perte de vue."
J'aime particulièrement la description de la barbe du vieillard ...
Certains dessins m'ont aussi remis en mémoire ce fameux passage de "René" de Chateaubriand (comme quoi il n'y a pas que les allemands !):
"Homme, la saison de ta migration n'est pas encore venue ; attends que le vent de la mort se lève, alors tu déploieras ton vol vers ces régions inconnues que ton coeur demande. Levez-vous vite, orages désirés qui devez emporter René dans les espaces d'une autre vie!".
Quand je pense que ce passage me faisait rêver lorsque j'étais adolescente !!!!!!!!! C'est vraiment l'âge ingrat :-)
Amitiés et merci pour tout

Sémiramis a dit…

Comme vous êtes dure avec vous même! moi, ce genre de passage me fait toujours rêver, je trouve cela tellement décalé et candide, tellement innocent! Tellement tout le contraire de moi :-)

Merci pour ces beaux extraits. Ce grandiose Kitsch me transporte de joie!