14 juin 2008

Promenade à vide


J'ai profité d'un moment de battement dans mon agenda de ministre pour répondre à l'injonction d'Inactuel et aller découvrir l'exposition Promenade, construite par Richard Serra, au Grand Palais. L'ampleur de l'évènement illustre bien l'attrait grandissant du public pour l'art monumental. Pour moi, ce fut avant tout l'occasion de découvrir Richard Serra dont il me faut avouer que j'ignorais jusqu'à l'existence! Initiative heureuse, des "médiateurs culturels", disséminés sous la verrière, permettent au visiteur surpris de retomber sur ses pattes.

A vrai dire, une sensation de vide poignante en entrant dans la grande nef (peu ensoleillée en ce vendredi soir grisounet). On saisit rapidement les jeux de perspective à l'oeuvre entre les grandes plaques, et le dialogue entre l'architecture arachnéenne du Palais et la puissance tellurique des masses d'acier brutes élevées en son sein par la main de l'artiste. Mes photos sont bien pauvres et celles de D vous restitueront bien mieux les sensations du visiteur.
" L'expérience finalement, c'est vous, le visiteur, et pas la sculpture. L'interaction qu'elle opère avec votre perception."
Au delà de l'acier la matière première de Richard Serra, c'est l'espace. L'art ne se pense plus alors comme la réécriture d'une histoire mais comme celle d'une expérience spatiale.

"Je n'aime pas dans la sculpture l'idée de narration. Représenter un cheval en bronze et dire que c'est la réalité n'est-ce pas absurde ? En venant ici, au Grand Palais, il n'est pas nécessaire de connaître quoi que ce soit. La pièce ne fait pas référence à quelque chose qu'on connaîtrait déjà. Il suffit de marcher. Et de faire l'expérience. Pas de signification : le sens de l'oeuvre, c'est son effet sur vous. "
Curieuse expérience que celle d'une oeuvre dont il est évident d'emblée qu'elle est vide de tout sens, qu'elle appelle une expérience. Il me semble que l'art contemporain s'adresse de façon privilégiée à l'expérience, cherchant à frapper les sens et le corps du spectateur en dehors de toute démarche rationnellement conceptualisable, cherchant à susciter une sorte de vertige - peut-être métaphysique. Mais pour moi, le vertige n'était pas au rendez-vous au Grand Palais et mon intérêt curieux est resté poli sans enthousiasme.
J'aurais néanmoins apprécié de découvrir physiquement certaines oeuvres que l'on m'a présentées en photos, moins verticales (dont le fameux Clara-Clara de la place de la Concorde), dont il me semble qu'elles partageaient l'espace d'une façon extrêmement inquiétante, et conduisaient le corps du spectateur en elles avec beaucoup de violence.

16 commentaires:

Anonyme a dit…

Chère Elise, un p'tit coucou du Sud ! Juste un commentaire en passant : je ne suis pas certaine - a priori - d'aimer ce genre d'exposition (l'art contemporain et moi ...). Toutefois, une expression de votre commentaire m'encouragera peut-être à aller y jeter un coup d'oeil à mon retour :
"une sensation de vide poignante"
Vous comprendrez sûrement pourquoi !
Bises

Sémiramis a dit…

;-) oui je vois tout à fait! Malheureusement l'exposition se termine ce week-end... je suis mauvaise d'aguicher mes lecteurs je sais... pardon pardon!
Mais honnêtement, vous n'avez pas loupé grand chose. Vous et moi sommes plus sensibles aux orages désirés!!
Bon séjour! Bises

Anonyme a dit…

Vous voulez dire Carla, non ? Au demeurant, n'est-ce pas ? qu'elle est charmante !
Quant à l'art de Serra, comme presque tous les autres dits arts, dits contemporains, peut-être vaut-il mieux en rester à François Mauriac, qui avait noté ce que lui disait l'un de ses amis : « Tout ce qui se fait maintenant ira aux poubelles. »
Patrick, lequel reste anonyme parce qu'il ne veut rien comprendre à google/blogger ; openID ; Nom/URL ; Utilisateur ; Mot de passe ; Vous ne disposez pas, etc.
Non, je ne saurais disposer…
Et tout à vous

Sémiramis a dit…

Patrick, j'avoue ne pas saisir la référence à Carla? C'est pour le vide poignant ;-)?

Je ne serai pas aussi catégorique que vous sur l'art contemporain; mais uniquement parce que j'ai une dent contre Mauriac. ça m'embêterai d'être d'accord avec lui.

C'est votre droit le plus strict que de ne pas arriver à surmonter l'obstacle technologique bloggerien! Nous le respectons tous ici! A très bientôt
Bon dimanche

Anonyme a dit…

Un grand vestige métaphysique, assurément.
Bonne semaine,
D.

Anonyme a dit…

Euh, un grand veRtige !

Didier Goux a dit…

Mais qu'avez-vous donc contre Mauriac ?

Sémiramis a dit…

Mauriac a écrit Thérèse Desqueyroux, un roman misogyne et barbant, qui m'a mise sens dessus dessous pendant une semaine!

Anonyme a dit…

Faites-moi plaisir, essayez de relire Thérèse Desqueyroux… cela vous prendra cinq minutes…

Sémiramis a dit…

Je veux bien vous faire plaisir, pourquoi pas relire Mauriac? :-) Mais il faut que j'en trouve un exemplaire. Je vous tiens au courant!

Anonyme a dit…

Faites-le, oui, merci

Sémiramis a dit…

Well, pour le moment je suis en train de lire les confessions d'un cardinal - en avez vous entendu parler?

Bonne soirée

Anonyme a dit…

Newman ?

Sémiramis a dit…

Euh non, Olivier Le Gendre; un truc qui a pas mal fait jaser dans les milieux cathos l'année dernière...

J'en donnerai peut-être des nouvelles, pour le moment c'est amusant!

Newman, je ne connais pas - seulement par le biais des homélies de Mgr Honoré...

Anonyme a dit…

http://fr.wikipedia.org/wiki/Cardinal_Newman

Anonyme a dit…

Merci de votre sollicitude; malgré tout, j'y aurai pensé toute seule ;-)

Bonne journée!