04 décembre 2006

Pascal et la science, le mondain et la ceinture de fer, par Monsieur Camille


"Car enfin, si l'homme n'avait jamais été corrompu, il jouirait dans son innocence et de la vérité et de la félicité avec assurance. Et si l'homme n'avait jamais été que corrompu, il n'aurait aucune idée ni de la vérité ni de la béatitude. Mais malheureux que nous sommes, et plus que s'il n'y avait point de grandeur dans notre condition, nous avons une idée du bonheur et ne pouvons y arriver, nous sentons une image de la vérité et ne possédons que le mensonge, incapable d'ignorer absolument et de savoir certainement, tant il est manifeste que nous avons été dans un degré de perfection dont nous sommes malheureusement déchus".(laf. 131)


Port-Royal va mal, Louis XIV le compte au nombre de ses ennemis. Pascal vient de mourir. A tout malheur bonheur à prendre, il est temps pour les jansénistes de faire de leur défunt ami leur Saint. L'édition des Pensées est prête à tenir son rôle béatifique: on expurge, on retire, on ajoute, on ordonne. Pascal devient janséniste, et on apprend dès la première phrase de la préface que dans sa trentième année (soit environ après la nuit du mémorial en 1654) le jeune Pascal abandonne l'étude des mathématiques et autres sciences peu catholiques pour la très sainte étude des écritures. Etienne Périer aurait-il oublié que le 29 juillet 1654, Pascal faisait un exposé épistolaire à Fermat sur la règle des partis, exposé qui allait donné naissance à la géométrie du hasard? Aurait-il oublié les problèmes sur la cycloïde proposés anonymement par Pascal en 1658 dont les réponses donneront naissance au calcul intégral?


La seule chose qui arrêtera Pascal dans l'étude scientifique c'est la maladie. Pourtant en lisant le célèbre fragment dit des deux infinis (laf. 199), nous pouvons nous demander comment cet homme pouvait encore consacrer des forces à cette étude. Que nous dit ce fragment?

1) L'infiniment grand nous montre que nous ne pouvons tout connaître: nous qui sommes finis nous ne sommes pas proportionnés à ce Tout.

2) Mais nous pourrions au moins en connaître les principes ? Non car il y a aussi un infiniment petit auquel nous ne sommes pas plus proportionnés.

3) Alors nous pouvons au moins connaître ce qui est à notre proportion, une partie de ce Tout. Non, car le Tout ayant rapport aux parties et les parties au Tout, connaître les parties c'est connaître le Tout ce qui est impossible comme nous l'avons vus.

4) De plus, étants des composés de matière et d'esprit, nous sommes incapables de connaître la matière seule (la nature) ou l'esprit seul (Dieu et anges) qui ne sont pas de notre ordre: au mieux nous sommes seulement capable de nous connaître nous en tant qu'hommes (cf. laf. 72). Comment concilier l'idée que nous sommes incapables de rien connaître avec la continuation de la pratique scientifique?


Pour Pascal le plus simple est de considérer ses différents avatars: Louis de Montalte (auteur des Provinciales); Amos Dettonville (auteur du Traité sur la cycloïde); Salomon de Tultie (l'auteur de ce qui aurait du être l'Apologie de la Religion Chrétienne). Chacun de ces personnages à sa personnalité. Quand Salomon de Tultie cherche à écrire un ouvrage visant à convaincre de la vérité de la religion chrétienne, il fait appel aux connaissances des deux autres personnages. Ainsi ce fragment sur les deux infinis du modeste Salomon de Tultie fait-il appel aux découvertes scientifiques de l'orgeuilleux Amos Dettonville. Pascal, homme double: à la fois homme de coeur, et homme de raison. Lorsqu'il pointe avec génie les contradictions qui habitent l'homme (superbe fragment 130), c'est au fond de lui-même qu'il s'engouffre; lorsqu'il dissèque avec lucidité la notion de divertissement (magnifique fragment 136), c'est à sa période mondaine qu'il pense, période dominée par les sciences: Curiosité n'est que vanité le plus souvent; on ne veut savoir que pour en parler(fr. 77); on ne parle le plus souvent que pour se divertir; et l'on se divertit pour oublier notre misère: Si notre condition était véritablement heureuse, il ne faudrait pas nous divertir d'y penser.(fr. 70).


Est-ce à dire que la science pour Pascal n'est qu'un divertissement pour orgueilleux, qu'elle est incapable d'énoncer une vérité? En réalité la science est incapable d'énoncer quelques vérités si elle est l'outil de quelques orgueilleux qui se divertissent: Ceux d'entre deux, qui sont sortis de l'ignorance naturelle et n'ont pu arriver à l'autre, ont quelque teinture de sotte science suffisante et font les entendus. Ceux-là troublent le monde et jugent mal de tout(fr. 83). N'oublions pas que le fragment sur les deux infinis doit beaucoup aux recherches scientifiques de Pascal. Pour résoudre le problème qui nous est posé, peut-être est-il préférable de voir du côté du discours de Pascal sur les sciences.


Résumons: nous voyons un Pascal nous dire: l'infiniment grand nous interdit de penser que nous pouvons tout connaître; l'infiniment petit nous interdit de penser que nous pouvons connaître les principes de tout ce qui est; le rapport des parties au Tout nous interdit de penser que nous puissions connaître les parties qui sont proportionnés à nous. Dans sa Préface sur le traité du vide, Pascal se range du côté des scientifiques du XVIIe siècles contre les jésuites, à l'image d'un Galilée ou d'un Descartes: il n'y a pas d'autorité à invoquer en science. La science progresse, chaque génération hérite du savoir de ses ancêtres, et il est de son devoir de faire progresser ce savoir, quitte à remettre en cause des certitudes du passé: Toute la suite des hommes, pendant le cours de tant de siècles, doit être considérée comme un même homme qui subsiste toujours et qui apprend continuellement. Peut-être la réponse est-elle là. Le problème des deux infinis était mathématique. A l'égard de l'infini notre connaissance finie tend nécessairement vers 0. Ce qui se traduit mathématiquement par:


Soit f(x)= h/x
Si h (connaissance de l'homme) =/=
[infini]
Et si x (ce qu'il y a à connaître du monde) =/= [infini]
Alors f(x)--> 0


Mais si nous pensons le progrès en science au fil de l'histoire humaine, si nous considérons une histoire de l'homme qui tende potentiellement vers l'infini, alors la somme des connaissances acquise durant toute cette histoire tend potentiellement vers l'infini. Ainsi au regard de ce qu'il y a à connaître du monde (qui est infini) ce savoir potentiel de l'humanité tend vers 1 (c'est à dire la connaissance de tout ce qu'il y a à savoir).


Soit f(x)= H /x
Si H (connaissance de l'humanité prise dans l'intégralité de son histoire) -->
[infini]
Et si x (ce qu'il y a à connaître du monde) = [infini]
Alors f(x) --> 1


C'est donc avec la pensée du progrès en science que Pascal nous fournis la résolution au problème qu'il nous posait. Plus besoin de penser un Pascal qui se dédoublerait. D'un côté: Salomon de Tultie, l'humble croyant au service de la religion; de l'autre: Amos Dettonville, l'orgueilleux scientifique au service de la science. Avec l'idée d'un progrès scientifique de l'ordre de l'humanité entière, Pascal peut allier recherche scientifique et humilité chrétienne: en science Pascal est redevable de ses ancêtres et dispose de moins de connaissance que ses successeurs; en religion Pascal sait qu'il n'est rien dans sa finitude (aussi grande soit-elle) à l'égard de Dieu, mais n'oublie pas pour autant l'espérance qu'a placé Jésus-Christ en l'homme par son sacrifice: l'histoire de l'homme tend vers l'infini, c'est à dire vers Dieu.


En réalité ce que cherche à montrer Pascal c'est que la science mène à Jésus-Christ.

C'est la science qui nous a montré les deux infinis (par la lunette astronomique et le microscope); c'est la science qui nous a montré l'idée de progrès dans l'homme: si Aristote avait disposé du microscope il aurait changé certaines de ses théories; c'est la science qui nous a montré, de manière négative, l'irréductibilité de l'âme au corps. Si nous sommes un composé d'âme et de corps, si nous sommes des êtres finis perdus au milieu de l'infini, comment pouvons-nous progresser en science? Nous pouvons progresser parcequ'un lien entre le corps et l'esprit a été instauré; nous pouvons progresser parce que l'humilité nous apprend que nous sommes redevables de nos ancêtres, et que nous devons travailler non pas pour nous mais pour les générations futures dans l'espoir que nous avons en elles.Qui est le médiateur entre la chair et l'esprit? Qui nous a appris l'humilité? Qui a mis en nous l'espoir d'atteindre enfin l'Absolu? Qui, si ce n'est Jésus-Christ par son sacrifice?


"Non seulement nous ne connaissons Dieu que par Jésus-Christ, mais nous ne connaissons nous-mêmes que par Jésus-Christ; nous ne connaissons la vie, la mort que par Jésus-Christ. Hors de Jésus-Christ, nous ne savons ce que c'est ni que notre vie ni que notre mort, ni que Dieu, ni que nous-mêmes" (fr. 417)


27 décembre 2004

12 commentaires:

Anonyme a dit…

Il y a une petite erreur dans la première formule mathématique :

h = 1

Une citation de Pascal n'est pas entre guillemets.

Merci Agathe pour avoir publié mon petit article ;)

Anonyme a dit…

Well, well. En premier lieu, reçois Monsieur Camille toutes mes félicitations pour la grande aventure à deux dans laquelle vous vous êtes embarqués même si c'est avec un peu de retard que je le fais. Il y en aura toujours moins que pour la réponse à ce post qui va bientôt fêter ses deux ans.
Laisse moi ensuite manifester mon étonnement : allons bon !
Tu sembles contester que Pascal fût janséniste et attribuer cette interprétation à une reconstruction de Port-Royal. Il est vrai que Pascal n'était pas toujours très tendre avec eux mais il me semble que c'était plutôt sur le mode du " qui aime bien châtie bien."
Par ailleurs même si je suis pleinement d'accord avec toi sur le fait que " ce que cherche à montrer Pascal c'est que la science mène à Jésus-Christ " ( avec une petite nuance : quand on la comprend bien, elle est un chemin vers la foi mais ne peut s'y substituer ), ta démonstration me laisse quelque peu sceptique.
Je commence par chipoter : la notation " mathématique " laisse quelque peu à redire. Mais bon, on comprend ton intention.
En revanche, il y a deux choses qui ne collent pas ( en réalité, c'est le même problème sous deux aspects différents ) : que la connaissance de l'humanité prise dans son intégralité tende vers l'infini est contestable. Et ce d'autant qu'à quelque moment que tu la saisisses, elle est toujours finie.
C'est la raison pour laquelle tu emploies le mot " potentiellement " mais alors il faut diviser un infini potentiel par un infini actuel. Or le résultat d'une telle opération n'est plus du tout 1 mais bien 0. La division d'un infini par un autre infini est ce qu'en mathématiques on appelle une forme indéterminée. Même si la réflexion mathématique sur l'infini et le transfini n'a véritablement éclos qu'au 19ème siècle avec Cantor, Pascal ne pouvait manquer de savoir cela. Je dirais même : c'est précisément dans la mesure où c'est seulement au 19ème que l'on ne fait plus appel au concept d'inclusion mais à celui de bijection pour penser l'infini que Pascal ne pouvait manquer d'écraser un infini ( celui des nombres premiers par exemple ) par un autre ( celui des nombres naturels ) en vertu du principe que la partie est incluse dans le tout.

Vale old boy ( ah non, ça marche plus ça )

Anonyme a dit…

Merci beaucoup tatianus pour ce passionnant commentaire !

Il est vrai que mon texte peut porter à confusion pour ce qui est du rapport de Pascal avec le jansénisme.
Je suis entièrement d'accord avec toi sur ce point, Pascal fût bel et bien janséniste. Port-Royal a juste forcé un peu le trait, a gommé les points gênant chez Pascal concernant la doctrine janséniste.

La science est bien un chemin vers la foi qui ne s'y substitue pas chez Pascal, je suis d'accord, chez Pascal la foi est un saut.

En réalité, je voulais écrire que ce qui tend vers l'infini, divisé par l'infini, tend vers 1. Qu'il n'y a jamais une complète identité avec la Vérité, mais que l'humanité y tend de plus en plus, au fil des générations.
Mais il est vrai qu'en réalité il s'agit bien d'une forme indéterminée.

Finalement cela colle très bien avec l'idée de la foi comme saut : l'humanité peut bien tendre vers l'infini sur le plan de la connaissance, la connaissance de Dieu, la connaissance de l'infini absolu, qui est d'une autre nature, ne peut passer que par un saut.

Cela fait plaisir de travailler un article que j'ai écris il y a deux ans ! Je te prie de m'excuser pour la faiblesse de mon raisonnement, et te remercie grandement pour tes corrections ! Il faut que je retravaille ce problème...

Anonyme a dit…

Monsieur Camille,

Tout d'abord bravo pour cet article, qui est passionnant et convaincant !

Toutefois, j'avoue avoir du mal à suivre la première formalisation mathématique. h est la connaissance de l'homme. x serait la connaissance divine. Ce que l'on obtient alors, c'est le rapport de la connaissance de l'homme à la connaissance divine. Soit. Mais f (x) dans ce cas n'est évidemment pas la connaissance de l'homme, puisque c'est h la connaissance de l'homme.

Par ailleurs, pourquoi appeler cette fonction f(x) puisque x est fixé par l'infini ? X n'est pas susceptible de variation, nous n'avons donc pas de fonction dans le cas présent. Il n'y aurait de fonction que si précisément le rapport variait, ce qui n'est pas le cas, puisque h est une valeur fixe (1 ; pourquoi 1 d'ailleurs ?) et le dénominateur, une valeur fixe quoiqu'indéterminée, l'infini. J'avoue être un peu perplexe.

Par ailleurs, concernant la seconde formule, je suis beaucoup moins perplexe, je crains qu'elle soit fausse. La somme infinie ne donne jamais comme résultat l'infini. De surcroît, quand bien même serait-on pré-leibnizien, et que l'on admettrait que ça donne l'infini, l'infini sur l'infini ne donne pas un ; il donne une forme indéterminée.

Cela étant, l'article est très bon.

Thibaut

Sémiramis a dit…

Je suis très fière de publier ici cet article admirable, que j'avais demandé à M. Camille il y bien longtemps déjà, du temps où j'avais en charge un journal étudiant...

Ca ne nous rajeunit pas!

Mais la preuve est qu'il est toujours temps de ressortir les vieilles gloires, cela permet de réajuster le tir.
Merci donc à M. Camille et à ses brillants commentateurs, qui donnent à l'HSQ une verve et un éclat incomparable.

Preuve que ce blog n'est qu'une imposture de plus: j'y brille grâce à votre talent!

Anonyme a dit…

Bonjour,

Tout d’abord merci pour ce texte stimulant. Il me faut dire que j’ai été déstabilisé par l’idée que " ce que cherche à montrer Pascal c'est que la science mène à Jésus-Christ " ; ce n’est pas ce que j’avais retenu des Pensées, dans l’édition Brunschvig.
Alors, j’ai lu la préface au Traité du vide et en effet, c’est un aspect de Pascal que je ne connaissais pas, le processus cumulatif de la connaissance dans les sciences, le continuel progrès au cours des siècles.

Néanmoins, le texte (la Préface) date de 1651, période « mondaine » et l’exposé à Fermat de juillet 1654, donc avant la « seconde conversion ».

Peut-on écarter l’idée d’une rupture, d’un infléchissement de ses conceptions ? Car même si Pascal ne remet pas en cause ce qu’il croyait auparavant, soit la possibilité d’une certaine connaissance en science, comme le monre Monsieur Camille, cette connaissance même est dévalorisée, puisque selon le fragment laf. 694 – br. 61, « la mathématique (…) est inutile en sa profondeur. »

Ma formulation est interrogative parce que dans mes éditions de poche, je n’ai rien sur le travail scientifique postérieur de Pascal, la question de la cycloïde ; est-ce seulement mathématique ou formule-t-il à nouveau des réflexions théoriques sur le statut de la vérité en science ?

Quant aux Provinciales, c’est plutôt la marque d’une adhésion au jansénisme, à ce paradoxe qui fait que des ascètes professant un refus du monde, pour faire triompher leur doctrine, se lancent à plein dans les polémiques et la politique.

En tout cas, la production de ce blog est intéressante et a un rythme très soutenu !

Sémiramis a dit…

Cher Leo,
comme tu peux le lire, M. Camille et moi ressortons de vieux textes de derrière les fagots, afin d'en faire profiter l'humanité entière qui a besoin de notre salvifique parole pour atteindre sa plénitude gnoséologique.
Alors, trêves de compliments!
Je laisse M. Camille te répondre: il est plus compétent que moi!
A très bientôt

Anonyme a dit…

Merci, Merci, Merci, à vous tous !

Grâce à vous, je vois de plus en plus de cohérence dans tous cela !

Cher Leo, vos remarques sont tout à fait pertinentes et mettent en lumières une erreur que j'ai faite, erreur visible dans mes erreurs mathématiques soulevées précédemment.

Je m'explique : tatianus (franck), ainsi que thibaut, ont montrés qu'il était faux de dire qu'une somme tendant vers l'infini, sur l'infini, ne peut être égale à 1. On pourrait penser que cela approche 1, mais ils ont eu le génie de me préciser qu'en réalité cela était une forme indéterminée. Et en effet, quelque chose qui tend vers l'infini est de nature toute différente de l'Infini réel, en ce sens qu'il n'est qu'une valeur finie.
Dès lors, je me suis dit : peut-être que mon postulat de base (l'évolution scientifique conçue par Pascal ne colle pas à sa vision de la foi, Science et foi sont distincts chez Pascal) est faux.

Par votre critique je viens de comprendre que mon erreur était égale des deux côtés : l'erreur mathématique est identique à l'erreur sur la conception de la foi que vous soulevez.

Pour résumer grossièrement votre discours vous me dîtes : finalement, est-ce que Pascal, après sa période mondaine, ne croit plus en l'évolution scientifique telle que je la présente ? Est-ce que finalement il ne méprise pas la science ?

Or l'activité scientifique de Pascal se termine avec lui. Dois-je donc avouer qu'il y a un pur dédoublement chez Pascal ? Un dédoublement qu'il ne résout jamais, qu'il laisse en suspend, comme une forme de nécessité vitale ?

En y réfléchissant je ne crois pas. Il faut nous rappeler ses pensées dans lesquelles Pascal fait une sorte de "psychologie de l'auto-persuasion" : plus vous irez à l'Église, plus vous aurez la foi ; faite le pari de la vérité du christianisme ; forcez-vous à y croire etc.
Or Pascal semble faire aveu d'impuissance : l'auto-persuasion n'apporte pas la foi, la foi est un saut, un saut radical.
En réalité cela n'est pas contradictoire. Pascal invite l'incrédule sur le chemin de la foi au travers de l'auto-persuasion, auto-persuasion justifiée par le Pari. Ce chemin oriente vers la foi, mais n'y mène pas (un peu comme l'âne et la carotte. Marcher vers la carotte ne suffit pas, il faut d'un coup se délier de son fardeau et jeter la tête en avant pour s'approcher d'elle et la faire venir vers soi, jusqu'à la rencontrer), il faut un saut. Le moment du Pari, le moment de l'auto-persuasion chez le croyant, sont des moments passés, inactuels.

Il en va de même pour la science et Pascal. Les mathématiques sont sans profondeurs face à la foi. Entre une science qui mènerait à la foi, et la foi, il y a un saut. Et ce saut n'emporte pas la Science avec lui.

Cependant, il faut voir les sciences comme l'auto-persuasion de l'Humanité. L'évolution scientifique oriente l'Humanité vers la foi, fait tendre vers l'Infini, mais l'Infini, parce qu'il est d'une autre nature, suppose un saut pour être atteint.

Dès lors, on peut se demander si pour Pascal, faire des mathématiques ce n'est pas faire exactement la même chose que faire le Pari : orienter l'homme pour l'une, et l'Humanité pour l'autre, vers la foi, même s'il sait qu'au final, tout cela se termine par un saut.

Anonyme a dit…

Oups, j'ai oublié :

leo, achetez l'édition Le Guern ou Sellier, elles sont bien meilleure, et facilitent la compréhension de ce cher Pascal ;)

Avec toute mon amitié,

Camille B

Sémiramis a dit…

Waouh! Joie, joie, joie!

Anonyme a dit…

Cher JB

Je ne connais pas bien pascal du tout mais j'avais lu un livre génial de Goldmann qui réinterprétait pascal à la lumière de la dialectique et de paradoxe ; pascal raisonne par paradoxe, dit Goldmann et il étend le paradoxe jusqu'à dieu.Supprimer le paradoxe de dieu, c'est tomber dans l'hérésie dit Pasca qui établit un lien entre l’impossibilité de trouver une vérité dans le monde et l’absence d’ordre rationnel.

Euh voilà.

Anonyme a dit…

Cher Thibaut,

Merci beaucoup !
Je ne connaissais pas ce livre (à vrai dire je n'ai pas lu beaucoup de commentaires sur l'œuvre de Pascal), je vais me faire un plaisir de me le procurer et le lire.
Son discours à l'air tout à fait pertinent.