17 septembre 2007

Huis clos autour d'une passion presque éteinte

Les braises,
de Sandor Maraï


J’ai découvert ces jours-ci, une nouvelle fois grâce à ma chère marraine, l’écrivain hongrois Sandor Maraï (1900-1989). Les braises : voici ce qui reste, au petit matin froid, de la généreuse flambée qui la veille animait le foyer. Les braises (1942) est un roman de la passion consumée.

« Si nous examinons notre propre cœur, qu’y trouvons-nous ? De la passion ! Il faut aussi que nous sachions que la vieillesse n’est jamais harmonieuse. Le temps peut affaiblir mais n’arrive jamais à étouffer les passions […] Elles n’ont, en effet, plus beaucoup de sens. Néanmoins, elles restent dans notre cœur. Pour quelle raison attendre autre chose du monde, de ce monde rempli de désirs inconscients, de passions et de violences ? […] Seules les passions vivent, nous brûlent et en appellent au ciel… » (p. 190-191)

La structure de l’œuvre est celle d’un huis clos entre deux vieillards à l’aube de la mort. Elle respecte scrupuleusement les cadres du théatre classique : unité de temps – une journée, prétexte à l’évocation de toute une vie, unité de lieu – une pièce qui porte en elle le souvenir d’un monde disparu, et d’un jour décisif entre tous. Structure théatrale qui semble faire écho à la vie intime du personnage du général, que l’auteur s’est choisi pour point de focalisation : ne soigne-t-il pas la mise en scène de la rencontre, comme s’il s’agissait ce soir-là de la dernière représentation sur la scène de son existence consumée ? A juste titre, le général se prépare à assister au dénouement de l’intrigue de sa propre vie, la dernière scène dont il a passé quarante ans à repasser les dialogues et les détails...

La maîtrise romanesque de Maraï est impressionnante. L’unité de temps et de lieu concentre et déploie effectivement une fresque d’une surprenante densité. Ce roman peu épais (220 pages) enferme l’évocation nostalgique d’un monde disparu, les rêves de puissance d’une Europe dont la grandeur s’efface dans les désillusions, qui rappelle Zweig (en mieux) et Musil (dans un autre genre !). Mais ces bribes de grand roman historique ne prennent leur sens que dans le face à face du général et de Conrad.

Le lecteur découvre peu à peu, au fur et à mesure du déroulement de la journée, la nature du drame qui s’est noué, il y a plus de quarante ans, entre les deux personnages – et dont je ne veux révéler précisément que les contours pour préserver le plaisir de la lecture. Au-delà du thème de la trahison, l’intrigue se noue autour de celui de la passion. L’amitié comme passion, qui recherche sa consommation dans l’autre, qui brûle et dévore de sentiments contradictoires, qui suffit à faire basculer l’existence d’un homme !

« - Avec l’âge, réplique le général, je pense que l’amitié pourrait bien être le sentiment le plus fort du monde… que c’est à cause de cela qu’elle est si rare. Et sur quoi repose-t-elle ? … Est-ce sur de la sympathie ? … Non, le mot est impropre. On ne peut pas dire par exemple que par pure « sympathie » deux personnes répondent l’une de l’autre dans les circonstances les plus critiques de la vie. Peut-être le fondement de l’amitié est-il différent ? …

- Mais que penses-tu donc ? demande Conrad. Dis-le une bonne fois.

Le général répond lentement, en cherchant ses mots.

- Peut-être au fond de tous les liens humains y a-t-il quelque chose du dieu de l’Amour,… d’Eros ? » (p. 102-103)

Mais finalement, derrière ce dénouement libérateur, ces mots sur l’amitié et la passion ne sont qu’une interrogation sur la capacité à vivre en vérité nos relations. Ne vivons-nous pas la vie comme une passion, une projection vers un autre que nous désirons ardemment et qui nous échappe ? Et peut-être nous échappe-t-il, parce que nous sommes incapable de le désirer pour ce qu’il est réellement, autrement que comme le support de nos fantasmes et de notre nostalgie.

« […] ce qui consistait la raison profonde de toutes mes actions a été le lien qui me rattachait à l’être qui m’a blessé, oui, c’étaient les liens qui me rattachaient aux deux êtres qui m’ont offensé. Accepter inconditionnellement certains liens, n’est-ce pas notre destinée ? […] Es-tu aussi d’avis que ce qui donne un sens à notre vie c’est uniquement la passion, qui s’empare un jour de notre corps et, quoi qu’il arrive entre-temps, le brûle jusqu’à la mort ? Crois-tu aussi que notre vie n’aura pas été inutile, si nous avons ressenti, l’un et l’autre, cette passion ? Peut-être la passion ne consiste-t-elle pas à désirer une certaine personne, mais à ressentir, en général, un désir nostalgique ? » (p. 217, c’est moi qui souligne)

Vient alors l’aube nouvelle, pure et fraîche – mais dont la nouveauté n’éteindra jamais complètement les braises rougeoyantes de la nuit passée.


Les braises, édité en Livre de poche, collection "biblio", traduction Marcelle et Georges Régnier.

28 commentaires:

Anonyme a dit…

Très belle pages qui m'inspirent une petite réflexion sur le sens que l'on peut donner à l'amour. Il n'y a rien de définitif là-dedans, bien entendu :) Voilà la chose :

Dans l'amour il y a quelque chose de la volonté de pouvoir louer l'autre, de le voir apparaître, de le reconnaître. Je désir voir la personne que j'aime, je souhaite qu'elle soit présente, qu'elle m'apparaisse afin que je puisse la louer.

L'amour naît bien souvent de l'admiration, de la volonté de se faire sien les qualités d'autrui. Ou alors, dans un sens contraire, de l'impression de voir en autrui ses propres qualités. Dans les deux cas il y a projection. On désir voir et louer en autrui ce que l'on croit être sien, ou ce que l'on souhaiterai être sien.

En ce sens le terme de "coup de foudre" est assez juste. Il imagine l'amour comme une apparition soudaine, quelque chose du domaine du voir et du subir.

S'imprégner des paroles d'autrui, le dévorer des yeux, sont certainement des marques d'amour.

Mais dialoguer n'en est pas un. Le dialogue tue l'amour car la parole n'est pas bu. Il n'y a pas de louanges car à tout moment je puis revenir sur cette parole et la discuter. Le dialogue est le lien privilégié des amis.

La question reste : l'amour est-il possible ? Les hommes peuvent-ils s'aimer ? Oui. Les "fans" sont de grands amoureux. Certains artistes sont tout à fait dans le juste lorsqu'ils disent recevoir une dose forte d'amour durant leur spectacle. Le fan loue, le fan désire voir, le fan désire se reconnaître en son amour.

On peut déjà entendre crier à l'idolâtrie. L'idolâtrie est amour mal dirigé, mais c'est un amour. La question est alors : qui est-ce qui est digne d'être aimé ?

Qui est-ce qui peut soutenir l'amour de toute une vie, être loué toute une vie tout en étant suffisamment grand pour ne pas avilir la personne à l'intérieure d'une représentation réduite de soi ?

Les hommes dont l'amour est l'affaire primordiale ne devraient pas le chercher chez les autres hommes. Un homme ne peut accueillir toute l'espérence d'un autre homme, non pas parce qu'il est faible ou petit, mais parce qu'une espérence est infinie et un homme ne peut la contenir. Un homme n'est pas une espérence infinie, il est un tissu de tensions qui ne peut se saisir que dans le dialogue.

Je ne crois pas que l'amour puisse constituer la trame principale d'une relation sans risquer de se résuire et de réduire la personne aimée. L'amour peut apparaître fugitivement dans le cadre d'une relation amicale, et même souvent, mais il n'en constitue pas pour autant la trame. L'amour apparaît souvent dans la vie du couple (et est bien souvent ce qui fait naître ce couple), mais il n'en constitue pas la trame unique. Le couple naît d'une volonté mutuelle de construire ensemble. L'amour est omniprésent dans la relation avec ses enfants, mais il ne doit pas en constituer la trame au risque de les étouffer, de les couper dans leur croissance, de leur recherche d'une espérence.

L'amour est omniprésent dans les relations humaines, loin de moi l'idée de l'évacuer, mais il ne peut constituer la trame principale d'une relation qu'avec quelqu'un qui est au-delà de l'homme.

Anonyme a dit…

lol "qui rappelle Zweig (en mieux)"

Anonyme a dit…

La passion comme "désir nostalgique"... Ca c'es très fort ; ça veut dire qu'il n'y a de passion que dans le passé ; passé comme lieu de la passion, c'est très juste. La passion n'est jamais présente, ou plutôt n'est jamais vraiment au présent ; le présent est actuel et la passion n'est pas en acte. (je fais scandaleusement du heidegger...)
Non sérieusement, vouloir la passion, c'est peut-être désirer la nostalgie, c'est-à-dire la nostalgie de la première fois ; vouloir que tout soit toujours aussi fort qu'avant. Ne pas innover mais actualiser sans cesse le passif. Compliqué tout ça.

Sémiramis a dit…

Rhaaaa, honnêtement, Zweig c'est pas terrible! Allez, on va dire que ça se lit vite.

Sémiramis a dit…

Hum, je prendrai plus de temps demain pour répondre à tout ça...

Mais la passion comme volonté de réactualisation nostalgique c'est une idée intéressante. Finalement, il n'y a qu'une seule passion: la première. C'est assez horrible tout compte fait...

Sémiramis a dit…

"Le dialogue est le lien privilégié des amis"

Wahou... Géniale formule JB! C'est très vrai. Mais cela implique que pour dépasser l'aspect "érotique" du désir et entrer dans une relation ouverte réciproquement à l'autre, le couple se soumette à cette épreuve non?
Si le dialogue est le lien privilégié des amis, alors il est probablement le lieu d'épreuve et le défi du couple...

"L'idolâtrie est amour mal dirigé, mais c'est un amour"

Oui, c'est vrai, mais la caractéristique principale de l'idolâtrie n'est pas ça: c'est surtout un amour qui aliène et qui rend esclave! Dans beaucoup de relations on place des idoles: des trucs qui nous semblent indispensables, inamovibles...

Finalement, je ne suis pas d'accord avec toi pour ta conclusion. Il me semble au contraire que l'amour doit constituer la trame de toute relation humaine, en tant qu'agapè. Ce dont il faut se défier absolument c'est de la passion! Il faudrait que tu lises l'encyclique de Benoît XVI sur le sujet... Elle est passionnante et très claire.

D'ailleurs ce dont tu parles c'est bien d'un amour passion qui étouffe, etc. Le problème n'est pas de ne pas mettre l'amour au centre mais de transfigurer une tendance humaine naturelle selon laquelle l'amour est volonté égoïste de s'approprier l'autre, de le chosifier - en une forme surnaturelle de l'amour qui transcende l'éros et qui est l'agapè: amour qui est don et volonté de croissance et de construction. Et là on peut appliquer ce schéma à toutes les relations qu'elles soient amicales, familiales ou amoureuses.

Anonyme a dit…

Mais c'est bien la passion ; ça permet de quitter le réel, le rationnel, le raisonnable ; la passion, c'est le seul moment où il y a plus dans la vie que le simple instinct de survie. C'est là que se joue véritablement la vie; dans l'idiote passion de Dante pour Béatrice !

Anonyme a dit…

Pour quitter le réel, il y a le cul aussi.

Parce que parler d'amour et de passion sans parler de cul, c'est parler comme un curé.

La grosse part de Mystère qu'on laisse dans l'ombre d'une lumière opaque (putain d'oxymore à 3 balles, faut que je renouvelle mon abonnement au reader digest moi didon).

Mouarf!

Anonyme a dit…

Ben le cul est compris dans l'amour, non ? C'est curieux cette manie de séparer l'amour du cul. Bon bien sûr Rougemont dit que non, et Zemmour dit qu'on ne peut coucher qu'avec une femme qu'on prend pour une pute mais bon, y a peut-être moyen de relier le cul à l'amour. Sinon c'est pas drôle.

Sémiramis a dit…

Coincoin,

Oui évidemment! mais il faut arriver à vivre passionnément sa vie sous peine de la subir comme une entrave à l'assouvissement de ses passions...

Tout dépend en fait de l'objet que l'on se choisit non?

Sémiramis a dit…

Tschok mon petit,

Evidemment, la discussion partait d'une passion amicale, donc pas question de fesses!

Ceci étant dit, l'amour sans sexe, c'est un peu comme un champagne sans bulles. Et le sexe sans amour, comme un mauvais champagne.

Et on peut parler d'amour et de passion sans parler de "cul". On n'est pas toujours obligé d'être cru dans ce monde de brutes!

Anonyme a dit…

ben oui ; c'est ça le problème ; souvent l'homme passionné par l'amour ne vit pas la vie passionnément ; il la vit comme une "entrave" comme tu dis si bien.

C'est une question tout à fait cruciale et absolument infinie ; ça me rappelle le débat avec la merveilleuse Chloé.

Sémiramis a dit…

Certes mon Darling. A moins d'être passionné par la vie?
J'espère que c'est possible. Peut-être peut-on être passionné sans être entravé? La passion apporte une force irrésistible: elle doit pouvoir libérer autant qu'asservir. J'en reviens à me dire que tout dépend de l'objet.

C'est un débat inépuisable, avec ou sans la sublime Chloé.

Anonyme a dit…

@ tschock & coincoin

sans vouloir jouer les "culs bénis", il me semble que l'amour ne concerne pas uniquement les histoires de cul, mais aussi le rapport que nous entretenons avec un peu tout le monde.

@ Élise

Passionné par la vie ? Il me semble que cela est possible, oui. Passionné par le monde, c'est une certitude. Sinon comment accepter la violence de la pensée ? Pour ne pas sombrer dans le nihilisme, il faut au moins aimer le monde et les hommes.

Anonyme a dit…

"oui non mais moi comme je dis toujours, ça dépend de chacun ; dans ce domaine là, y a pas de règles" (coincoin version discussion café du commerce)

"Non Elise, la passion ne peut se porter que vers l'être aimé, la femme déifiée, chantée par les troubadours face à laquelle il est inutile de résister ou de modérer rationnellement son extatique soumission." (Coincoin version justification de sa soumission envers les femmes sous le camouflage de l'amour-passion)

"Je n'en sais rien." (coincoin version sa réflexion profonde)

Sémiramis a dit…

JB, que tu as raison!

L'amour est un état de vie, par contre la passion me semble être un état de vie un peu pathologique... Quoique merveilleux à vivre. Plaisir et souffrance qui font éprouver notre condition d'être vivant et limité...

Il me semble que c'est ce sentiment d'être vivant qui est important dans la passion... L'expérience d'un accroissement de sa force vitale qui rend invincible. Finalement, je me demande si on ne recherche pas la passion pour la force qu'elle nous donne.

Sémiramis a dit…

Coincoin,

Moi non plus.

Mais je m'interroge... étant moi-même en butte à ce problème! On avance, on avance.

Good night!

Anonyme a dit…

"L'expérience d'un accroissement de sa force vitale qui rend invincible. Finalement, je me demande si on ne recherche pas la passion pour la force qu'elle nous donne."

Lumineux ! Il y a effectivement chez les personnes qui veulent la passion un discours du type : la vie ne vaut rien si on ne la consumme pas.

La passion est une destruction à son compte qui finit souvent en auto-destruction. Un peu comme l'expension économique : croître et consommer toujours plus jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien et qu'il faille s'auto-détruire afin de pouvoir croître (ou espérer croître) à nouveau.

Dès lors il me semble qu'il faille mieux aimer les hommes et aimer le monde, plutôt que d'en être passionné. D'ailleur nous sommes rarement passionné par les hommes, mais plutôt par l'Humanité. Qu'elle est-elle ? C'est bien le problème. Être passionné par une Humanité qui n'existe que dans nos rêves conduit bien souvent à une haine des hommes (ou a une volonté de les asservir).

L'amour c'est bien plus beau.

Sémiramis a dit…

C'est un sujet vraiment crucial. L'idée de vouloir consumer sa vie, je la trouve assez splendide.

Parce que probablement, la passion détruit, brûle, mais je me demande si finalement on ne peut pas avoir deux "modes" de la passion: un accroissement de la pulsion de vie ou un accroissement de la pulsion de mort.

Mais finalement, ce que l'on vit intérieurement est si fort, et rejoint si peu ce que l'on peut vivre réellement, que l'on est toujours sur le fil du rasoir, et que l'on peut basculer brutalement de l'un à l'autre.

Je pense vraiment que comprise, en ce sens, la passion donne son sens à la vie, dans le sens où elle cherche à éprouver le plus possible la vie dans toute sa profondeur, sa largeur, sa hauteur, son élévation...

D'ailleurs, vois la passion du Christ: elle est l'épreuve suprême du réel!

Je me dis parfois que Dieu ne nous appelle pas à vivre une vie médiocre, mais une vie passionnée d'amour. Le tout est de ne pas se tromper d'objet et de fixer sa passion sur le seul digne: Dieu lui-même.

C'est ça qui est difficile, surtout quand on tombe amoureux...

Anonyme a dit…

Oui tout à fait ; pulsion de vie / Pulsion de mort, tel est l'enjeu. L'amour pour un humain au sens passionnel du terme est une pulsion de mort car il mobilise une quête de l'impossible. C'est cela le problème. Et quand on n'a pas dieu, on a plus de chances de tomber dans la pulsion de mort où la femme aimée devient cette entité sublime que l'on croit divine et éternellement belle.

On pourrait toujours rétorquer que oui, il y a une pulsion de mort, et alors ?

Anonyme a dit…

Oui Élise tu as tout à fait raison, il y a bien deux passions. Et passer de l'une à l'autre se fait souvent de manière assez peu sensible.

Je me concentrais trop sur la passion comme accroissement de la pulsion de mort. Cette passion qui n'a pour but que de voiler sa vie pour y survivre.

La passion comme pulsion de vie naît au contraire d'une volonté de lever le voile de Maya dans la plus grande joie !

Les deux phénomènes consumment. Mais qu'importe, si nous sommes né avec l'extinction de notre personne à l'horizon, c'est bien pour nous inviter à brûler, à briller, à éclairer.

Vivre pour ne pas mourir, ou mourir pour ne pas vivre, sont les deux faces de la pulsion de mort. Mais la pulsion de vie rencontre aussi son propre obstacle et il a trouver chez autrui. Le passionné de la vie n'est pas egocentré, comme le passionné de la mort qui n'arrive pas à sortir de son bourbier, bien au contraire ! Et c'est cela le problème. Le passionné de la vie, celui qui lève les voiles dans la joie, brille, éblouit, y compris ceux qui n'ont rien demandé.

Ce qui se termine invariablement par un "un peu de retenue", ou pire : "occupes-toi de tes fesses".

Le passionné de la mort veut sortir de Sa solitude (sauf au stade ultime d'auto-destruction de soi), et le passionné de la vie risque l'exclusion.

Je ne crois pas que tout le monde soit prêt à éprouver pleinement la vie. Or le vouloir nécessite de présenter, même malgré soi, cette épreuve à autrui, sinon il ne s'agit plus d'une épreuve de la vie mais de l'épreuve du rêve.

Dès lors Dieu apparaît comme l'ami ultime, celui qui est suffisamment fort pour supporter la levée de tous les voiles.

Il est significatif que la Mystique est depuis longtemps déconsidérée, perçue comme le domaine des fous et des rêveurs. Il y a ici un refus d'entendre les chants de batailles des hommes pour et contre la vie. Il n'y a plus que Dieu pour entendre la Mystique.

Dès lors mon petit canard, on peut penser une possibilité de la passion pour la vie sans Dieu, mais elle implique une résistance solide à la solitude.

Sémiramis a dit…

Au contraire coincoin, je pense que la passion peut autant représenter une pulsion de mort qu'une pulsion de vie!

Mais peut-on vraiment dissocier l'une de l'autre?

Je pense qu'il peut y avoir une quête de l'impossible destructrice et peut-être une quête de l'impossible qui soit "extatique", qui nous tire hors de nous et nous élève, nous rend toujours plus vivants?

J'espère que l'amour c'est ça, et pas une éternité de médiocrité ronflante, ni une suite de souffrances en contrepartie de quelques moment d'exaltation.

La pulsion de mort, et alors? Alors elle fait partie de nous, et nous devons l'assumer voila tout.

Sémiramis a dit…

JB,

AMEN!

Waouh... Il va me falloir du temps pour digérer tout ça. Ca m'éclaire énormément en tout cas. Enormément.

Anonyme a dit…

Euh cher JB, je n'ai pas très bien compris ton dernier commentaire.

on est passé de pulsions de vie et de mort à des passions de vie et de mort, ce qui me trouble.

Peut-on imaginer qu'un type atteint de pulsion de mort soit passionné par la mort ? J'en doute à vrai dire.

Et je ne comprends pas très bien pourquoi autrui serait synonyme de vie par opposition au rêve.

Hum, j'ai beau relire, je comprends pas dans le détail ce commentaire. Et encore moins la fin.

A moins qu'il ne faille penser que tu réponds à une correspondance que j'aurais établie entre pulsion de mort / pas dieu et pulsion de vie / Dieu, et que tu soutiennes que même sans Dieu il est possible de maintenir une pulsion de vie, si et seulement si on est suffisamment fort pour affronter la solitude d'une extase sans objet.

Sémiramis a dit…

Hum Coincoin, ce que voulait dire JB c'est que la passion est le lieu d'affrontement dans l'être entre pulsion de vie/pulsion de mort.

C'est ça JB?

Anonyme a dit…

J'avoue tout cela est bien nébuleux.

J'ai raccourcis passion comme accroissement de pulsion de vie ou de mort en passion de vie etc.

C'est assez laid. Je dois être monomaniaque.

Autrui n'est pas synonyme de vie par opposition au rêve, c'est la vie qui suppose pour être pleine la rencontre d'autrui. Par rêve j'entendais l'oubli des autres. Le terme n'est pas bien choisi, je suis d'accord.

Ce n'est pas tellement que l'extase est sans objet sans Dieu, c'est plutôt qu'il y a peu d'oreilles pour l'écouter. Pire : que les oreilles se battent pour ne pas l'entendre.

Ce n'est pas l'objet qui manque sans Dieu, c'est l'ami. L'ami ultime, celui qui est prêt à tout entendre, tout le temps, et à répondre à tout.

Cela suppose une passion pour la vie. Mais la pulsion de vie implique cette passion pour la vie.

Et il y a bien dans la pulsion de mort, quelque chose de la passion pour la mort. Le suicidaire est obsédé par la mort, beaucoup plus que par les souffrances de la vie. L'idée du suicide comme choix de la liberté n'existe plus, le suicide est surtout de nos jours une manière de refuser la nécessité de la mort en se l'offrant soi-même, manière de dire : c'est moi qui décide quand je vais mourir. Ce qui relève de l'obsession pour la mort.

Malgré le ton assuré de mes propos, j'avoue déblayer le terrain en même temps que j'écris.

Anonyme a dit…

@ élise

oui, je pensais effectivement que les pulsions de morts et de vie était des modes d'expression de la passion. Des pulsions fortes pour la mort conduit à une passion pour la mort etc. Et d'une certaine manière, une passion pour la mort conduit à des pulsions de mort.

Donc la passion est bien le lieu d'affrontement de ces pulsions qui vont la diriger. Mais seul un être passionné offre le terreau nécessaire à l'émergence de ces pulsions.

Il y a bien affrontement des pulsions, car la solitude qui guette le passionné pour la vie peut le mener à avoir des pulsions de mort, et l'énergie que dégage la passion pour la mort peut mener à des pulsions de vie qui s'expriment, par exemple, dans l'art. D'où cette idée de l'écritude, de la musique, comme moyen de vivre. Où l'idée du penseur, lucide, malheureux.

À penser encore et toujours !

Sémiramis a dit…

Hum, il m'avait semblé bien comprendre ce que voulait dire JB pour ma part. Mais c'est ce qui est génial: la pensée de ses auteurs s'élabore sur ces pages.

Je vais publier un texte qui offrira un nouveau support à tes recherches mon enfant...