06 avril 2008

Ostrov - L'île, de Pavel Lounguine



Quand je crie, réponds-moi, Dieu de ma justice, dans l'angoisse tu m'as mis au large: pitié pour moi, écoute ma prière!
Ps. 4, 2

Pour ce vieil homme, le monde se réduit depuis des années à quelques aller-retours quotidiens. Vers une carcasse de bateau, qu'une passerelle bancale relie à une cahute de pierre effroyablement austère, où brûle un feu infernal. Vers une île, au large de son monastère de cette hallucinante terre de Sibérie. Un décor dostoïeskien pour un film qui se lit comme un grand roman russe, centré sur le péché et la rédemption, tout imprégné de la parole de Dieu, de la beauté du monde, du tragique de l'existence humaine, de la force de la foi, de la constance de l'espérance et de l'infinie miséricorde divine.

Yahvé, ne me châtie pas dans ton courroux, ne me reprends pas dans ta fureur. En moi tes flèches ont pénétré, sur moi ta main s'est abattue, rien d'intact en ma chair sous ta colère, rien de sain dans mes os après ma faute. Mes offenses me dépassent la tête, comme un poids trop pesant pour moi; mes plaies sont puanteur et pourriture à cause de ma folie; ravagé, prostré, à bout, tout le jour, en deuil, je m'agite. Mes reins sont pleins de fièvre, plus rien d'intact en ma chair; brisé, écrasé, à bout, je rugis, tant gronde mon coeur. Seigneur, tout mon désir est devant toi, pour toi mon soupir n'est point caché; le coeur me bat, ma force m'abandonne, et la lumière même de mes yeux. [...] Or, je suis voué à la chute, mon tourment est devant moi sans relâche. Mon offense, oui, je la confesse, je suis anxieux de ma faute.
Ps. 38, 1-11, 18-19
.
Le péché, le père Anatoli commence à en avoir fait le tour. Il le connaît si bien qu'il y habite chaque jour, depuis des années; depuis ce jour de la "grande guerre patriotique" où les allemands ont pris son bateau et l'ont obligé à tirer sur son capitaine. Il semble n'avoir alors échappé à la mort que pour porter cette faute impardonnable. Il connaît si bien sa faute! Elle se dresse chaque jour devant lui, chaque jour il lutte contre ses démons, dans la fournaise de la chaufferie du monastère dont il a la charge. Qu'il alimente en charbon sur la carcasse de son ancien bateau, échoué. Dans le gel de cette île où chaque jour il va errer, le coeur grondant de douleur, les tempes battant des paroles du psaume, le corps emprunt d'une angoisse terrible.


Yahvé, ne me châtie point dans ta colère, ne me reprends point dans ta fureur. Pitié pour moi, Yahvé, je suis à bout de force, guéris-moi, Yahvé, mes os sont bouleversés, mon âme est toute bouleversée. Mais toi, Yahvé, jusques à quand? Reviens, Yahvé, délivre mon âme, sauve-moi, en raison de ton amour. Car, dans la mort, nul souvenir de toi: dans le shéol, qui te louerait?
Ps. 6, 2-6
Le père Anatoli connaît si bien ses démons, il est si familier dans leur promiscuité terrible, qu'il est capable d'affronter ceux des autres. Affluent à sa cahute malades et inconsolables. Il les accueille avec malice, avec rudesse, il les brusque et les exorcise. Tout comme il malmène ses frères moines! Le royaume de Dieu n'est pas dans la demi-mesure. Thaumaturge, et devin, exorciste, confesseur qui ne réussit pas à recevoir lui-même l'absolution; le père Anatoli est un fol en Christ, magnifiquement incarné par Piotr Mamonov, qui dérange et effraie.

Dieu, crée pour moi un coeur pur, restaure en ma poitrine un esprit ferme; ne me repousse pas loin de ta face, ne m'enlève pas ton esprit de sainteté. Rends-moi la joie de ton salut, assure en moi un esprit magnanime. Aux pécheurs j'enseignerai tes voies, à toi se rendront les égarés. Affranchis-moi du sang, Dieu, Dieu de mon salut, et ma langue acclamera ta justice; Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche publiera ta louange.
Ps. 50, 11-17.

Magnifiquement construit vers une délivrance finale dont l'intensité est bouleversante, long, lent, contemplatif, irrationnel; on retrouve dans l'Île le caractère extrême des grands personnages de la culture russe - Dostoïevski revient forcément en mémoire. Ce film fonctionne comme un roman russe, mais aussi comme une parabole évangélique qui serait longuement et superbement déployée à partir de deux petites lignes de texte... L'erreur à commettre serait d'en faire une définition de la sainteté, à l'instar des injonctions des évangiles, et de rester choqué devant l'absolu renoncement que demanderait le salut. Il suffit seulement de se laisser habiter par l'image, le visage, le verbe qui s'incarne au fur et à mesure de la trame du récit, et d'en laisser sourdre la voix dans son âme.

Heureux qui est absous de son péché, acquitté de sa faute! Heureux l'homme à qui Yahvé ne compte pas son tort, et dont l'esprit est sans fraude! Je me taisais, et mes os se consumaient à rugir tout le jour; la nuit, le jour, ta main pesait sur moi; mon coeur était changé en un chaume au plein feu de l'été. Ma faute, je te l'ai fait connaître, je n'ai point caché mon tort; j'ai dit: J'irai à Yahvé. Confesser mon péché. Et toi, tu as absous mon tort, pardonné ma faute.
Ps. 32, 1-5




37 commentaires:

Sémiramis a dit…

HOMMAGE!

Je dois remercier Tertius qui a lourdement insisté pour que j'aille voir ce film... Et je reproduis le petit mot qu'il m'avait envoyé, en français, et en russe! Merci mille fois en tout cas.

"Остров", шедевр Павла Лунгина, вот он входит в французские кинотеатры !
Опять вы сможете его просмотрить с большего экрана, начиная с среды 9 январа,
ну следущего среды, с французсками субтитрами (такда это интеренее ;-) .
Сегодня я не знаю где точно в Страсбурге, я посмотрю
и потом, если вы интересуйтесь, Батюшка, Сева, Андреюшка, Ольга, Ника,
может быт мы просмотрым его ?
Обязательно мы будем между средами 9 и 16,
потому что возможно, как многие русских фильмов, он остает недолго.
А если вам можно мне быстро ответить, давайте пожалуйста,
я только в диске промотрил фильм, и мне хватит нет, такое чудо за фильм !

Si c'est pas le top de la frime...

Anonyme a dit…

Alors, je le remercie également ! Merci pour cet excellent article qui donnera, j'en suis sûr, envie à ses lecteurs d'aller voir ce merveilleux film.

Sémiramis a dit…

Merci JB. Je pense qu'il est encore à l'affiche, dans quelques salles confidentielles des très grosses villes...
Bon dimanche!

Didier Goux a dit…

Pour les campagnards, il ne reste plus qu'à le guetter sur les chaînes satellites... et sans trop d'espoir, encore !

Sémiramis a dit…

Le louer en DVD sera plus rapide, sinon je vous l'offrirai pour votre anniversaire (l'année prochaine!)

Anonyme a dit…

Merci Elise pour cet éclairage sur ce qui a bien l'air d'être un chef-d’oeuvre de l'avis de tous. Merci aussi pour avoir trouvé ces quelques exotiques mots en Russe. Ils m'ont fait travailler ma version ! Dommage qu'on n’en sache pas plus sur cette communauté d'amis à laquelle s'adresse l'auteur de cette invitation russophone. Est-ce que le film passe toujours à Orléans?

Benoît.

Léopold a dit…

Etant dans la position du lecteur à qui prend soudain l'envie de voir le film, je confirme le jugement de Jean-Baptiste (en commentaire n°2) sur le billet. Pour confirmer le jugement sur le film, ça... Après vérification il ne passe plus que dans dix salles, dont deux à Paris et le reste essaimé à travers la France (et plutôt pas dans des "grandes villes", d'ailleurs). -- Peut-être à mon prochain séjour à Paris, dans un peu plus d'une semaine (après l'agreg'), s'il est toujours à l'affiche..... -- Félicitations encore et en tout cas pour le billet.

Sémiramis a dit…

Merci beaucoup de cette visite Benoît! Malheureusement, si seulement il est passé à Orléans ce qui n'est pas sûr, il n'est plus au programme. J'ai vu ce film à Lyon avec Jean-Baptiste.

Quant à l'invitation russophone, elle émane d'un de mes amis qui vit à Strasbourg (et y prend des cours de russe avec succès, semble-t-il!) et doit avoir une troupe d'amis partageant cette saine activité... J'avoue que ce copier coller vous était directement déstiné!

Bon dimanche, bises!

Sémiramis a dit…

Léopold,

Merci une fois de plus pour tes compliments! C'est vrai que je vous aguiche avec un film qui va être bien difficile de visionner, c'est dommage. Je pense que le DVD paraîtra car le film semble avoir un certain succès.

Quelques extraits : http://www.toutlecine.com/star/0007/00072847-pavel-lounguine.html

Bon courage pour ton agrèg Léopold! Je penserai à toi en même temps qu'à tes compagnons de galère qui me sont chers.

A bientôt!

Anonyme a dit…

Un grand merci, Elise, pour votre article qui rend à la perfection le sens profond de ce film ! J'ai en particulier beaucoup aimé la façon dont vous avez intercalé les psaumes : cela m'a replongée au coeur de ce film qui m'avait vraiment bouleversée.
Lorsque le DVD sortira je l'achèterai car je veux le revoir, surtout la fin qui me pose encore question. En effet, dans le psaume 50 on lit : "rends-moi la joie de ton salut" (OU "rends-moi la joie d'être sauvé") et j'ai l'impression que le père Anatoli ne connaît pas cette joie (avant de mourir), mais "seulement" une forme de paix.
Peut-être que je n'ai pas tout saisi...
Encore merci pour ce très beau texte !

Sémiramis a dit…

Flore,

Je vous comprends totalement! Si j'avais le temps je retournerai le voir au cinéma, les paysages sont tellement impressionnants sur le grand écran!

Les psaumes me sont venus naturellement à l'esprit en écrivant ce texte que j'ai eu du mal à accoucher tant ce film est quelque chose de précieux, les mots se font rares.

Sur la question de la joie, je ne sais pas trop quoi vous dire. Pour ma part, j'ai ressenti beaucoup de joie à la fin (tout en pleurant s'il faut tout avouer!!), principalement entre la scène de l'exorcisme et le moment de la réconciliation avec le général puis avec le père Job.

Je ne sais pas ce qu'en dirait Jean-baptiste, ou même Tertius si il passe par ici?

Bonne soirée!

Anonyme a dit…

Votre note donne envie de découvrir cette merveille. A Grenoble, il faudra attendre le DVD. A bientôt !
D.

Sémiramis a dit…

Merci! Patience et longueur de temps...

Anonyme a dit…

Merci, merci vraiment... C'est le deuxième hommage sur ce blog où je brille plutôt par mon absence, faute de pouvoir hisser mon verbe à votre hauteur, amis philosophes. Qui sait, faute d'avoir grand-chose d'intéressant à dire peut-être cela compense-t-il de pouvoir l'exprimer en quatre langues. Bientôt cinq, quand je me serai mis à l'hébreu.

En tous cas la partie en russe de mon mail était à l'intention de mes amis russes parlant peu ou pas le français, et ce que j'y dis est différent de ce dont je parle aux français. Par exemple, je t'ai parlé un peu de l'intrigue du film, je ne prends pas cette peine pour mes amis russes, qui l'ont tous vu dans leur patrie.
Désolé de t'avoir rendu perplexe, Benoit, et désolé d'avoir paru orgueilleux de ma pratique des langues étrangères, Elise! J'ai envoyé le même message à tous mes amis habitant en France.

Durant ce film merveilleux, qui fait maintenant partie du haut de ma liste en matière de cinéma, je passe par toute une gamme de sentiments... en quand je le revoyais en salle, je guettais le soupir de réprobation du public lorsque le père Anatoly défend à une jeune fille d'avorter ; lors de la prière pour la guérison du petit boiteux, mon estomac fait des nœuds, lors de ses longues scènes de "prière du cœur" je suis saisi par la profondeur du repentir humain et la contemplation de la grâce de pardon du père (dont nous n'auront jamais assez, ô mes frères) mais la scène la plus forte est bien sûr celle de l'exorcisme, une merveille dépouillée du grandiloquent hollywoodien dont un certain film (accompagné par Mike Oldfield, n'est-ce pas...) a à jamais marqué le public.

Mais je serais intarissable sur ce film, arrêtez-moi ou j'écris un billet entier pour Elise!

Sémiramis a dit…

Mon cher Tertius!

Les pages de ce blog te sont ouvertes! Si l'envie te prend de disserter sur ce film, envoie moi ta prose et dans ma grande magnanimité, je te publierai. Ce serait même un plaisir.

Ne t'inquiète pas pour le passage en russe, cela ne m'a pas semblé signe d'orgueil du tout! Je voulais seulement en faire profiter les russophones de mon entourage (dont Benoît représente 50%).

Le passage de l'avortement est excellent effectivement. Mais tout est excellent. J'ai hâte de le revoir (grâce à toi et à Dieu!)

Bonne nuit!

Pascal Adam a dit…

Bonsoir,
Je découvre votre blog ce soir, et visite... et suis impressionné.
Votre billet sur L'Ile est en effet assez frustrant: je ne suis pas prêt de voir ce film.
A bientôt.

Pascal Adam
http://theatrummundi.hautetfort.com/

Anonyme a dit…

Ah, et le père Anatoly est joué par Piotr Mamonov, pas Victor Soukoroukov.

Piotr Mamonov est un acteur comique subversif dès les années 80, il joue un savant fou dans le film clandestin Пыль, "Poussière", mais il est connu en occident dès 1990 avec "Taxi-Blues", comédie noire post-Pérestroïka, Palme d'Or de la Mise en scène pour... Pavel Lounguine, réalisateur du film "Ostrov" ! Mamonov a aussi monté un groupe de musique à l'humour burlesque et parfois cruel, "Zvuki Mu". Ce film est un projet commun de Lounguine et de Mamonov, qui venait de se convertir à l'orthodoxie.

Quant à Victor Soukoroukov, c'est lui qui joue Tikhon agé, lui est un des plus célèbres acteurs soviétiques vivants, comique lui aussi, je l'ai vu dans "Ivan Vassilievitch change de profession" (Иван Василевич меняет профессию pour Benoit) où grâce à une machine à voyager dans le temps un concierge prend la place d'Ivan le Terrible pendant un court (et pitoyable) instant.

Anonyme a dit…

Ah, sur le film Пыль, "Poussière", je confondais avec Игла, "Aiguille" de 1988 dont la vedette était le chanteur Victor Tsoï, leader du mythique groupe de rock "Kino". Пыль date, lui, de 2005... c'est une sorte d'OCNI, "Objet Cinématographique Non-Identifiable"...

Anonyme a dit…

Un passage (très court) m'a aussi beaucoup marquée. C'est - me semble-t-il - juste après la guérison du jeune garçon boiteux. Le père Anatoli demande à la mère de passer la nuit au monastère avec son fils afin d'assister le lendemain matin à la messe et d'y communier. Hors la mère refuse et explique qu'elle doit rentrer chez elle pour reprendre son travail. Motif acceptable, pourrait-on dire de prime abord. Mais le père Anatoli ne l'entend pas de cette oreille et interroge la mère avec insistance à plusieurs reprises : "qu'est-ce qui est VRAIMENT important ?" (je cite la phrase de mémoire).
Cela m'a fait penser à l'épisode de la guérison des 10 lépreux dans lequel un seul revient vers Jésus pour rendre grâce ! Comme nous pouvons être ingrats, parfois... Et j'avoue que j'ai aussi pris ça pour moi !

Anonyme a dit…

Блин ! A chaque fois que je me relis, je m'aperçois que j'ai dit une bêtise.

1/ Sukoroukov c'est le père Philarète ! Son grand succès était le frère de Sergei Bodrov Jr. dans le film Брат, "Frère", milieu des années 90. Encore un film que toute une génération de russes a vu.

2/ Il n'a donc absolument pas joué dans un film qui a vingt ans de plus, pas plus que l'acteur qui joue Tikhon agé, qui vient aussi du film Брат, c'est Yuri Kuznetsov, qui y jouait un clochard "allemand".

3/ Je ferais mieux de finir d'hiberner au lieu d'aller écrire à nouveau des âneries sur ce beau blog. Ou tout au moins d'aller réviser sur "Internet Movie DataBase" (http://www.imdb.com/) comme je viens de le faire.

Anonyme a dit…

Ah, oui, la scène est de l'exorcisme est géniale. Filmée avec une sobriété et une justesse très loin de la représentation spectaculaire de l'exorcisme à laquelle le cinéma nous avait jusque là habitué (et qui a fait beaucoup de mal à la bonne compréhension du sens de cette pratique). Le film "l'Exorciste" est bien sûr la référence. Il est intéressant pour un ensemble de raisons : 1) c'est un excellent film 2) le personnage du prêtre est un homme assez jeune ayant une vie difficile, une mère folle etc. et qui doute de sa foi 3) l'autorité ecclésiale lui refuse l'exorcisme (grand classique du cinéma : le héros contre les supérieurs) car elle ne semble plus tellement croire en la réalité de la possession 4) la fille est réellement possédé et le prêtre héros donne sa vie pour sauver la fille.

La spectaculaire possession de la jeune fille par le diable permet ici au prêtre de retrouver la foi. Il l'a devant les yeux, il ne peut pas ne pas croire, tout cela est bien trop spectaculaire (ou retrouve ici l'interrogation d'Élise sur le doute). Or même l'Église ne semble ici ne pas croire en la possession de la jeune fille. Comme si cette Église, comme toute bonne institution qui se respecte selon la doxa populiste adepte des théories du complot, ne croyait pas en ce qu'elle prêche.

Seul retrouve la foi cet homme qui va se trouver devant une fille qui crache du liquide verdâtre, fait faire à sa tête des tours de 360°, et qui s'envole.

Dans "L'Exorciste" personne ne croit en la possession de la jeune fille. Au début du film les scientifiques se cassent les dents, la mère (athée) cherche une solution coûte que coûte et décide de faire appel à un prêtre etc.

Dans "L'Île" rien de tel. Nous avons bien un vieil homme qui décide, en dernier recours, de faire appel à des religieux, sans vraiment y croire, mais l'exorcisme n'est pas ici un spectacle. Il n'est pas un spectacle car le père Anatoli ne doute pas de sa foi. Il n'a pas besoin de liquide verdâtre pour se prouver qu'il y a bien ici possession. Le film ne baigne pas dans une ambiance post-68 athée et dans la toute puissance des sciences, comme le film de William Friedkin.

Et le plus surprenant du film de Lounguine est peut-être ici : Lounguine ne filme pas la foi, un film didactique pour des spectateurs incrédules, il filme avec la foi. La scène d'ouverture est, dans sa simplicité, significative : Anatoli marche en priant le Seigneur, puis s'effondre sur le sol en continuant son appel. La scène de la jeune fille désireuse d'avorter est du même "tonneau" : Lounguine ne provoque pas les scpectateurs, pas plus qu'il s'inquiète de ce qu'ils vont penser de cela. Lounguine raconte l'histoire d'Anatoli sans se demander s'il risque de laisser de côté les spectateurs athées, en toute liberté.

@ Flore

Je suis d'accord avec Élise, la fin est joyeuse. Ici paix (sentiment de paix) et joie ne me semble absolument pas contradictoires. Il doit certainement se faire une grande joie dans le cœur d'un homme qui se voit, peut avant sa mort, soulagé du poids d'un tel péché. Il n'y a certainement pas de plus grande joie que celle de la paix retrouvée après la levée d'un péché aussi grand que le meurtre. Si la joie d'Anatoli est toute intérieure, c'est certainement parce qu'il est âgé et qu'il a vécu longtemps et quotidiennement ce péché, qu'il ne s'attendait pas à ce qu'il disparaisse un jour. Nous crions de joie lorsqu'un bonheur que nous espérions arrive rapidement. Mais quand nous vivons longtemps avec un malheur, la plus grande joie ne peut prendre que les traits d'un soulagement qui conduit à la paix.

Sémiramis a dit…

Bonsoir Pascal,
et bienvenue! Je vous avoue franchement que je suis flattée d'impressionner un stalkerien ;-) Je pensais être rangée définitivement dans la catégorie des teletubbies. Je vous taquine! Le film passe encore dans plusieurs salles parisiennes...
Merci de votre visite, à très bientôt et bonne soirée!

Sémiramis a dit…

Tertius,

Merci de toutes ces précisions exaltées! Non, n'hiberne pas je t'en prie!! Ce petit survol du cinéma russe est très aguichant, même si tu t'emmêle les crayons, ce n'est pas grave: tu nous ouvre des horizons! Je suis très intriguée par l'histoire du concierge qui semble digne de Gogol!

Je vais corriger le nom de ce fantastique acteur, Piotr Mamonov! Je ne m'étonne pas que ce film soit le fruit de sa conversion. On peut difficilement rendre grâce avec plus de force...

C'est décidé, si il pleut demain soir, je retourne le voir à Paname. Bonne nuit!

Sémiramis a dit…

Flore,

Le passage que vous évoquez est terrible, car, si je me souviens bien, quand le père Anatoli lui pose cette question, la femme pleure et on sent le tragique de sa situation, l'intensité de l'angoisse que lui procure son travail.

Il me semble que c'est moins une question d'ingratitude que de marge de manoeuvre que l'on se donne?

(j'avoue que je ne vois pas à quel épisode des évangiles vous vous référez, mais je suis nulle en évangile!)

Good night!

Sémiramis a dit…

"Et le plus surprenant du film de Lounguine est peut-être ici : Lounguine ne filme pas la foi, un film didactique pour des spectateurs incrédules, il filme avec la foi"

Difficile de mieux exprimer les choses!

Je n'ai pour ma part pas vu l'exorciste donc ne peux guère comparer. Par contre, j'ai vécu durant mon catéchuménat différents rites d'exorcisme et ce sont des expériences très marquantes, même quand on est dans un état de santé normale (si je puis me permettre!). Ce serait intéressant que l'on en reparle d'ailleurs!

J'ai très envie de retourner voir le film avec G !

Anonyme a dit…

Oui ! il faudrait que nous en reparlions !

"J'ai très envie de retourner voir le film avec G !"

Si le film passe encore dans une salle parisienne, ce serait en effet une excellente idée ! Pour ma part j'attends la sortie du dvd. S'il a une chance de paraître en dvd...

Bonne journée !

Anonyme a dit…

@ Elise
1) Les dix lépreux : il s'agit de Luc 17, 11-19.
2) Il y a des rites d'exorcisme au cours du catéchuménat ?

@jb bourgoin
Merci pour votre réflexion sur le lien entre la paix retrouvée et la joie. C'est très éclairant.

Anonyme a dit…

Une petite note supplémentaire à propos du père Anatoli. Au fur et à mesure du déroulement du film, j'ai trouvé une certaine ressemblance avec l'itinéraire spirituel du grand saint du mont Athos, saint Silouane : péchés graves de jeunesse, repentance (et déréliction) et enfin paix après de durs combats.

Anonyme a dit…

@ Flore

Oui, il y a bien exorcismes lors du Baptême. Voir Catéchisme de l'Église Catholique §1237 : «Puisque le Baptême signifie la libération du péché et de son instigateur, le diable, on prononce un (ou plusieurs) exorcisme(s) sur le candidat. Il est oint de l'huile des catéchumènes ou bien le célébrant lui impose la main, et il renonce explicitement à Satan. Ainsi préparé, il peut confesser la foi de l'Église à laquelle il sera «confié» par le Baptême»

Le terme de "candidat" peut surprendre et pourtant il est parfaitement à sa place. Candidat vient de "candidus" qui signifie "blanc". Dans la Rome Antique les personnes portant une charge publique étaient vêtus de blanc.

(on remarquera au passage la profondeur, la richesse, et la qualité de la traduction du CEC)

Anonyme a dit…

@ jb bourgoin

Il y avait effectivement deux ou trois prières d'exorcisme (ainsi que la bénédiction et l'imposition du sel) lors du baptême des petits enfants de ma génération :-) mais il me semblait que cela avait disparu depuis le Concile. Apparemment, non, même si je ne me souviens pas d'une telle prière lors du baptême des mes enfants (bébés).
En revanche, je me souviens très bien de la formule de ma Profession de Foi, qui était très impressionnante : "je renonce à Satan, à ses pompes et à ses oeuvres et je m'attache à Jésus-Christ pour toujours".
En ce qui concerne la bénédiction du sel, j'ai été très étonnée de la retrouver lors de la célébration de la Messe à l'abbaye de Sénanque (Vaucluse). Le sel est ensuite mis dans l'eau, elle-même bénite, qui va servir pour l'aspersion du célébrant et des fidèles.
J'avais complètement oublié que ce rite existait !

Sémiramis a dit…

JB,

Finalement, le film passe encore mais pas en soirée, donc impossible d'y aller avec G. Dommage!
Mais je dois recevoir le DVD par la poste (est-ce l'opération du St Esprit??). Je suis trop chanceuse...

Sémiramis a dit…

"il a vécu longtemps et quotidiennement ce péché, qu'il ne s'attendait pas à ce qu'il disparaisse un jour" :

il ne l'attendait pas, mais il l'espérait chaque jour...

Sémiramis a dit…

Flore,

Effectivement, st Silouane n'est pas loin (mais avec les orthodoxes il n'est jamais bien loin)!

Pendant le catéchuménat il y a des exorcismes, durant les scrutins qui précèdent Pâques (les trois dimanches catéchuménaux de Lazare, la samaritaine, et l'aveugle-né). Le prêtre impose les mains et toute la communauté entoure le catéchumène (qui, je peux vous le dire d'expérience, n'en mène pas large!).

Le rejet de Satan est réitéré juste avant le rite baptismal, et renouvelé à Pâques par tous les croyants. Par contre le rite du sel, je ne connais pas du tout! la liturgie est une source de joie incroyable. Quel dommage qu'on ne la fréquente que fort peu dans nos églises (rire grinçant)!

Merci au passage à JB pour les citation du catéchisme de l'Eglise! C'est un texte splendide que l'on n'a jamais fini d'épuiser.

Anonyme a dit…

Ah, oui... quand il s'agit de cinéma russe, je m'enflamme facilement cela fait deux ans que je vais de découverte en découverte.

L'un des noms que j'ai prononcé, Sergei Bodrov Jr., est celui d'une véritable comète, une star à la carrière aussi brève que brillante. Pour un premier contact, je vous conseille à tous "Est-Ouest" où il partage le haut de l'affiche avec Oleg Menchikov, mais aussi Sandrine Bonnaire et Catherine Deneuve pour un véritable film franco-russe !
(comme l'entremet, je sais)

Son père, Sergei Bodrov Sr., est réalisateur, son dernier film est dans les salles françaises depuis hier, je ne l'ai pas encore vu (donc je ne saurais le conseiller) mais sa bande-annonce montre une sorte de block-buster sur la vie de Gengis Khan. "Mongol", c'est le titre.

Sémiramis a dit…

Ah, l'histoire des mongols c'est russe? Ca me tente bien subitement. I love peplums!

Bon dimanche!

Anonyme a dit…

Bon billet sur un un film magnifique que j'ai vu trois fois.

Ce film m'a touché à plusieurs égards :
1) Je suis de confession orthodoxe
2) J'ai perdu brutalement mon père voici bientôt 7 mois et lui-même était orthodoxe depuis 1989. La paix que ressent Anatoli à la fin est celle qu'a ressenti ma mère (qui a vu le film) lorsqu'elle a accompagné papa dans ses derniers instants. Depuis que mon père avait rencontré Dieu, il était justement en paix, animé par la joie de connaître la Vérité du Christ. La mort ne l'effrayait plus, lui qui avait longtemps rejeté Dieu.
3) Le film en lui-même bien évidemment. Tout a été dit. C'est un film d'espoir. La vie est si belle. Si belle.

Sémiramis a dit…

Oui, la vie est si belle, et la main de Dieu nous conduit!

Merci et joyeuses pâques à vous Artemus (je crois que vous y êtes cette fois?)