30 avril 2006

Travail et vocation eucharistique

Dernier jour, sûrement, de travail à Intermarché pour moi ce matin. Une page de ma vie se referme avec une apparente indifférence, prise dans le cours fluide de l’existence de tous et de chacun. En réfléchissant, devant mon café matutinal, à la perspective de quitter -toujours étrange- ce travail que je connais désormais bien, à tous les visages croisés depuis deux ans au bout d’une caisse de supermarché, j’ai eu l’intuition personnelle de l’idée fulgurante de Simone Weil, du travail comme « eucharistie sociale ». Deux ans, durant les vacances : c’est beaucoup de choses de moi que j’ai laissées à Intermarché. Une attention portée à des tâches répétitives, à des personnes qui passent et repassent au fil des jours. Une joie du contact et du service. Une compassion portée à des détresses, parfois trop lourdes, même à observer : alcoolisme et solitude, misère matérielle et spirituelle…

« L’homme se mange lui-même : il mange son travail. L’homme donne son sang, sa chair à l’homme sous forme de travail. L’homme se donne à l’homme en tant que travail » OC I 378-379

Ce matin, ruminant ma déception de ne pouvoir partager l’eucharistie dominicale, je me suis rendue compte que j’allais vivre l’eucharistie dans ce don de moi même dans le travail, don dirigé, porté vers ces personnes si éloignées de Dieu pour beaucoup d’entre elles. Je crois que Dieu nous demande d’être présents, de tout notre être, de tout notre corps et de toute notre âme dans ce don eucharistique qu’est le travail. Ce don passe par l’exercice de notre pensée sur notre corps : ce que Simone Weil désigne comme « attention », attention pleine à notre tâche, qui nous place dans le domaine de l’Esprit, et qui fait de notre acte laborieux une eucharistie.
Eucharistie qui est à la fois action de grâce à Dieu, pour ce monde qu’Il nous a donné, et la joie de continuer son œuvre créatrice ; action de grâce pour cette vocation d’être acteurs dans le monde, ne serait-ce que de la plus humble des façons. Eucharistie qui est aussi offrande de notre personne et de notre présence, geste du Christ qui se donne à l’humanité. Nous sommes appelés à nous donner pour le Christ, certes, peut-être pas comme les martyrs, dans le feu et le sang, mais dans ce « goutte à goutte » que nous décrivait Mgr Pontier. Au jour le jour, à chacun des petits choix quotidiens, faire de sa vie une eucharistie. Ce goutte à goutte passe de façon privilégiée, si l’on en croit Simone Weil, par le travail, cette « mort quotidienne » à laquelle notre condition nous astreint.
Labor et caritas…
Bonne fête, demain, de st Joseph travailleur !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Agathe,

Effectivement ce post m'a interpellé !
Toujours autant de réfléxion....
A ce tarif je serais prêt à faire 70 heures par semaine !!
Quelque soit notre tâche savoir l'offrir puisque Dieu nous attend là où nous sommes dans notre quotidien.
Alors avec Simone, toi-même et la petite Thérèse redisons ensemble : "j'ai choisi l'amour du Seigneur en chaque chose ordinaire alors je mettrai tout mon coeur à les rendre extraordinaires..."
Bonne fête du travail (à ce propos tu pourrais envoyer ce post à Bernard Thibault, ça pourrait des fois le skotcher...)et de St Joseph.

Pax.