08 avril 2006

Vox et ratio populi : deux poids, deux mesures - et le CPE alors ?

Poursuivant ma réflexion avec Simone Weil sur la nature du social, poursuivant mes activités diverses et variées dans la ville de Tours, poursuivant l'année liturgique - qui en arrive demain à la fête des Rameaux, et enfin, poursuivant ma lecture critique - philosophe avant tout - des évènements sociaux en cours, je voudrais vous livrer une petite anecdote qui fut la source de considérations regroupant tous ces champs de ma vie...
Aujourd'hui donc, pérégrinant aux alentours de la Cathédrale, je me heurte à un monceau de palmes abandonnées par un jardinier sans états d'âme dans une poubelle. Touchée par cette vision, en cette veille de la fête des Rameaux, je récupère quelques unes de ces palmes et reprends ma route vers mon foyer tout en méditant dévotement comme à mon habitude. Tenir ces palmes m'a projeté dans l'imagination de ce que pouvait être l'ambiance à Jérusalem le jour de l'entrée de Jésus sur son petit ânon.
Ce n'est qu'en arrivant à la place Jean-Jaurès, où j'ai pu rencontrer mes amis manifestants contre le blocage de l'université - et donc pour une juste cause - que l'analogie et même l'identité profonde entre les évènements actuels et ceux qui se déroulèrent à Jérusalem lors de la Passion de Jésus m'a subitement frappée. De là, une méditation sur le sens de la VOX populi : elle existe et doit exister sans doute. Néanmoins, Simone Weil fait valoir dans son analyse de la vie sociale - et je tiens aussi cette position - qu'il n'y a pas et qu'il ne peut pas y avoir de RATIO populi. La foule n'est pas rationnelle: la foule est le "gros animal" dont parle Platon dans la République. Je crois qu'il n'y a pas besoin de faire un dessin pour étayer cette idée - que tous ceux qui ont un jour manifesté avec candeur au nom d'une opinion mesurée se rappellent la honte d'avoir été associé à des slogans extrêmes et injurieux au nom du groupe, et des autres phénomènes collectifs qui n'ont rien de rationnel.
Il s'agit donc bien, dans cette "politique de la rue" qui se déploie sous nos yeux depuis plus d'un mois et qui veut s'imposer comme légitime, de l'expression d'une vox populi non fondée rationnellement qui se donne comme alternative au DISCOURS (logos) politique... J'espère que je fais bien valoir par ce petit jeu conceptuel que d'aucuns qualifieront de chinoiserie la perversité de cette situation qui joue sur l'idée de démocratie pour imposer la "vox" du peuple. N'empêche que je persiste et signe, ce travail de pensée doit être fait, et surtout en ce moment.
Travail de la pensée que je veux profondément lié et uni - en puissance - à la personne du Christ! De là, le rapport direct qui s'est imposé à mes yeux entre l'attitude de la foule lors de l'entrée de Jésus à Jérusalem, puis de sa Passion, et l'attitude de la foule manifestante et récriminante. La foule de Jérusalem, qui plébiscite un Messie guerrier, crucifie quelques heures plus tard le serviteur souffrant. La vox populi est bien changeante... Comment pourrait-on en faire une référence normative? Il serait peut-être intéressant d'aller plus avant dans cette réflexion en poursuivant avec Simone Weil, par l'analyse de l'idolâtrie à l'oeuvre dans le corps social... Je vais y réfléchir.
BONNE FÊTE DES RAMEAUX et bonne Semaine Sainte!
Bon week-end pour ceux qui ne sont pas concernés par la mention ci-dessus!
Gaudete!

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Chère Agathe,

Je prend toute la mesure de ta profonde et inspirée réflexion et ne manquerai pas de répondre plus longuement et plus à ta mesure bientôt...

Pax.

Qui tu sais....

Anonyme a dit…

Je profite d'une nuit blanche pré-agrégative pour aller sur mon blog préféré - le seul que je connaisse à vrai dire ( je ne suis pas très nouvelle technologie )- et là surprise. Je tombe sur un post ( c'est comme ça qu'on dit ? )très Gustave Le Bonsien. Je ne suis pas loin de partager chère Agathe ton opinion sur la foule. Je confesse même avoir en ma prime jeunesse éprouvé un certain mépris ( c'est vilain je sais ) à son égard ce que quelques relents d'agoraphobie viennent sporadiquement me rappeler. Néanmoins il me semble que tu fais ici une petite confusion. La foule n'est pas rationnelle. Certes. Pas de ratio populi dis-tu. Que nenni. La foule n'est pas le peuple. Il me semble que le peuple n'est pas cet agrégat irrationnel mais une entité liée par une histoire, une culture, voire un horizon communs. C'est d'ailleurs à ce titre que l'on peut parler de l'esprit d'un peuple. Tu dénonces la politique de la rue or précisément celle-ci se veut une revendication populaire et non foulesque, portée par une conception, des valeurs partagées. Ensuite, libre à chacun d'y adhérer, personne ne force à être monochrome mais c'est discréditer un peu vite un mouvement que de le renvoyer à de la simple panurgerie.
A ceux qui trouveront ce commentaire inepte, je présente mes excuses et plaide les circonstances atténuantes : trop de Heidegger, ça abîme. Et puisque le latin semble de rigueur : vale.

Anonyme a dit…

Message personel pour Agathe :
J'ai visité le blog de Bob, je suis complétement dépité même si je peux comprendre et adhérer partiellement au propos.... J'ai laissé un commentaire sur le dernier post, je t'invite à le lire.

Merci aussi à tatianus de ces précisions philosophiques qui relance le débat.

Vale.

Sémiramis a dit…

Cher Tatianus: Ok pour la distinction foule/peuple que je ne conteste pas évidemment. D'ailleurs il serait intéressant de creuser cette idée en interrogeant le concept de Nation qui est pour le moins passé de mode, lui!
Simone Weil distingue bien la foule de l'esprit d'un peuple. Reste à savoir ce qui s'exprime dans un mouvement comme celui auquel nous assistons: la foule ou le peuple?
Une prière aujourd'hui pour ton agrégation...

A l'ami tarte (le juste et le fidèle): je vais lire ton commentaire sur le blog de Bob qui est surement très bienvenu. Je pense qu'il est très intéressant d'avoir ce genre de dialogue pour l'unité de notre Eglise (encore une juste cause pour qui tu sais!)!
c'est pour cela que ce blog m'intéresse tant par son contenu que par le ton du propos... Dans la joie et la peine des Rameaux, je t'embrasse fougueusement (oui oui, fougueusement!)

Sémiramis a dit…

Réponse à notre frère en Christ Bob effectuée, va donc y voir l'ami tarte - les autres aussi peuvent y aller d'ailleurs!
Pax!