10 mai 2006

Athéisme et idolâtrie

Suite à une réflexion d'Alexis sur ce blog, reprenant Lévinas, je vous soumets quelques points de repères sur la notion d'athéisme. J'ai un peu recherché dans Difficile Liberté la citation qu'il me proposait, mais ne l'ai pas retrouvée. J'entre donc directement dans le vif du sujet avec S. Weil:

"La religion en tant que source de la consolation est un obstacle à la véritable foi: en ce sens l'athéisme est une purification"
(cité par G. Thibon dans La Pesanteur et la Grâce)


Quelle est la valeur de l'athéisme, c'est-à-dire du choix d'une perspective qui se limite à la finitude humaine? Quand je pose cette question je me situe bien sûr sur le plan de ma propre foi. Alors que moi, j'ai découvert l'immense amour de Dieu qui vient éclairer ma vie tout entière, je découvre que d'autres hommes ont choisi de vivre sans cet amour. Il est important de souligner que ce qui est en jeu, c'est moins une ignorance de Dieu qu'un choix de ne pas vivre avec Lui.
Je ne peux cependant m'empêcher de souligner que refuser de vivre avec Dieu ne peut venir que d'une ignorance de sa vraie nature. Comment pourrait-on refuser l'amour infini? Là, nous touchons au point nodal. L'athéisme ne serait-il pas finalement, le refus conscient d'une représentation fausse de Dieu - dans le cadre d'une tradition religieuse qui risque constamment de tomber dans les travers de l'idolâtrie?

Prenons la figure emblématique de Nietzsche. Le rejet violent du christianisme dans sa pensée, et sa conception de l'athéisme sont avant tout fondés sur la conviction que le christianisme est mauvais - il est finalement moins question d'un Dieu mauvais que d'un mécanisme spirituel oppressif qui passe par la religion. La critique nietzschéenne porte sur l'idée d'une religion qui console et qui compense: critique partagée par S. Weil pour qui une religion qui repose sur la promesse d'une récompense est une idolâtrie. Quel est l'objet du culte des chrétiens? Dieu ou bien l'espérance de pouvoir échapper à une vie trop cruelle, de ne pas affronter le tragique de l'existence?


L'athéisme semble donc avoir ce rôle de purification de notre propre foi, nous rappellant à l'ordre pour ne pas tomber dans l'idolâtrie qui menace sans cesse notre esprit. Celui qui vit sans Dieu nous renvoie de façon insistante à cette question: Qui adorons nous? Mais, surtout, quelle image de Dieu donnons nous dans notre être, dans notre pratique religieuse, dans nos discours? Quelle cohérence entre ma foi et mon être visible?

Une invitation à la mission...

6 commentaires:

Anonyme a dit…

vous voulez dire que les athés "purifient" leur esprit dans le sens de le "rationaliser"?
En tout cas merci des ces eclaircissements, je continue de surfer sur votre blog exaltant.
Alexis

Sémiramis a dit…

Ce n'est pas exactement cela, car la foi n'exclut pas la raison. On peut très bien être rationnel dans sa foi. Je crois que l'ascèse purificatrice qui est le fruit de l'athéisme tient au refus d'aliéner sa liberté lorsque l'on se trouve face à des croyances qui ne libèrent pas l'homme mais l'enferment dans une religion idolâtre. l'idolâtrie, c'est l'adoration de tout ce qui n'est Dieu. Lorsque, par exemple, j'adore un Dieu vengeur ou un Dieu qui veut me punir, je suis idolâtre, car Dieu est amour... Et le fruit de cette adoration dans ma vie ne sera pas un bien, une joie, une libération apportée par Dieu mais au contraire, une humiliation, une tristesse, une peur, un mépris de moi... Je prends cet exemple mais je pourrais en trouver d'autres, nous ne sommes jamais à l'abri de l'idolâtrie, il est très rapide de mettre Dieu en boîte. En ce sens, l'athée vient nous aider à purifier notre foi lorsqu'il affirme: je refuse ce Dieu vengeur (par exemple). Il vient aussi nous aider à ne pas prendre notre foi comme seule référence mais c'est là une autre question, encore bien complexe dans nos vies, mais nous en reparlerons... Merci et que votre exaltation vous porte vers le Seigneur!
Agathe

Anonyme a dit…

Wouah ! La pour le coup j'ai tout compris !!!!!
Rendez vous au prochain post!
(pardonnez mon manque d'erudition...)

Sémiramis a dit…

cher Alexis vos excuses sont agréées mais elles ne se justifient pas, ne sommes nous pas appellés par notre baptême à proclamer la bonne nouvelle, et donc à éclairer les esprits de nos frères dans le Christ, si on a reçu les dons pour celà? c'est la raison d'être de ce blog... Pax et gaudium!

Anonyme a dit…

J'etais deja tres heureux d'apprendre la maxime "labor et caritas", mais celle ci m'echappe (Pax et gaudium...)

Vous pouvez desormais compter un fidel lecteur de plus. Ce fameux labor et caritas et le texte que vous avez ecrit a radicalement changé ma vision du monde de l'entreprise. je n'ai pas encore eu le temps d'eplucher toutes les archives, j'y travaille.
Je pense donc je prie.
Bonne soirée.

Sémiramis a dit…

Merci, c'est une "gaudium magna" - une grande joie! que de voir que ces petites réflexions portent du fruit...