10 mai 2006

Athéisme et tragique de l'existence

Depuis les plaintes légitimes de l'ami tarte sur la longueur de ma prose, je m'applique à ne pas vous asséner de trop longs posts. Cependant, les réalités de la vie sont complexes, et il faut bien des palabres pour donner une juste idée de quelque chose. Je me vois donc amenée à redonner quelques précisions sur la notion d'athéisme sur laquelle je passais rapidement ce matin. Je précise que sur ce point comme sur beaucoup, je suis entièrement redevable à Emmanuel Falque, qui a décidément tout compris, et nous aide à considérer le monde contemporain avec les yeux de la Sagesse - qui sont deux! celui de la foi, celui de la raison!
Il me semble que la valeur de l'athéisme, dit "purificateur" par Simone Weil, se mesure par rapport à l'idée du tragique. Je reprends quelques notions nietzschéennes là encore: car il s'agit bien du reproche que Nietzsche fait aux chrétiens, celui de fuir devant le poids tragique de l'existence en se construisant des fictions rassurantes: les fameux "arrières mondes", et des "artifices et des petites boissons sanglantes"...
Nietzsche veut souligner le fait que la grandeur de l'homme se trouve dans l'acte libre du consentement à ce tragique, non dans la fuite et l'esclavage consenti envers un Dieu fictif et une religion qui méprise la vie. C'est en ce sens que pour lui, le christianisme méprise la vie: il nie cette existence tragique, terrestre, au profit de "l'au delà"... Le Christ crucifié est "malédiction de la vie"! A partir de là, il appelle de ses voeux l'homme qui est affirmation devant l'existence "le grand oui": le Surhomme contre le Ressuscité.
Mais la foi chrétienne est-elle négation du tragique de l'existence? Certes non, elle n'est pas un refuge devant la souffrance, mais au contraire, le lieu de sa transfiguration dans l'acte d'offrande christique. Avoir la foi ne préserve pas dans la souffrance - ou alors, il ne s'agit plus de foi mais d'un état pathologique, qu'en est-il du sens du tragique?
Peut-être sommes nous portés, grâce à la belle vertu théologale d'espérance, à voir toujours au-delà des limites de ce monde; car nous voyons les réalités actuelles avec les yeux de la foi, qui nous donnent à voir des réalités surnaturelles! Aussi est-il sans doute vrai d'affirmer que le sens du tragique n'est pas une spécificité chrétienne. C'est ce que l'athéisme vient nous rappeller: la grandeur de l'homme dans sa finitude, l'homme seul comme disait Montaigne.
J'insiste sur cette idée, car si nous voulons parler de Dieu ou penser Dieu dans le monde moderne, c'est de cet homme seul qu'il faut partir; je reprends à mon compte les indications d'Emmanuel Falque sur ce point: il faut quitter une théologie du surplomb, qui part du présupposé de Dieu. Il nous faut prendre le chemin de l'homme pour aller à Dieu... puisque Dieu a pris le chemin de l'homme pour se révéler!
BONNE NUIT*

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Juste un petit message pour toi Agathe : je t'invite à lire le dernier post de Bob en date du 11 Mai. C'est assez intéressant mais toujours aussi affligeant quant au style et au ton inquisiteur de notre ami ! Je me suis fendu d'un commentaire, probablement maladroit, j'attends que tu m'en dises ce que tu en penses...
PS : quand on sait que le Tribunal de l'Inquisition a été longtemps dirigé par des Dom ce serait à douter de sa vocation !! Heureusement pour nous les temps ont changé et je préfère me reconnaître dans un engagement tel que celui de Bartholomé de Las Casas ou encore plus modestement comme celui du Fr Matteus (Thibault bis...).
Que le Seigneur nous garde et n'ayons de cesse de confier à ND l'Unité du corps de son fils et la conversion de ses enfants !

Pax.

Anonyme a dit…

De toute facon la notion fondamentale de la liberté absolue de l'homme est avant tout issue du christianisme et non de l'atheisme, du moins cela m'a toujours semblé le cas, car c'est bien notre belle religion qui exalte la liberté, tout au moins dans notre facon contemporaine de la vivre.

De plus, nous tolerons le péché en quelque sorte, le tout c'est de recconaitre que nous sommes pecheurs, mais parfois, "en pensée, en parole, par action ou par ambition", nous ne pouvons eviter d'etre avant tout des hommes qui mettons parfois de coté le fait de croire sans avoir vu.

Euh j'espere que je suis claire et pas trop hors sujet. Je continue de relir le dernier post pour en etre sur, mais voila ma reaction a chaud.

Amitiées scout

Anonyme a dit…

Enfin je dis peut etre des betises mais ce que m'as toujours dit mon prof de philo, c'est que Nietzsche etait tout simplement fou, magnifique construction de l'esprit, certes, mais fou.
L'amour est tellement plus fort que tout.

Sémiramis a dit…

Je pense effectivement que Nietzsche a sombré dans la folie, car son intelligence supérieure a voulu se couper de son Créateur...
Cependant, sans vouloir ironiser, je vous fait remarquer que l'amour de Dieu plus fort que tout est "folie pour l'homme"...

Anonyme a dit…

Ouh la la, vous allez nous fâcher M. Camille si vous dites que Nietzsche était fou. Il a fini bien barré effectivement mais ses critiques envers le christianisme datent d'une époque où il était encore tout à fait sain d'esprit ( sans jeu de mots ). Sinon, je n'ai pas bien compris ce que c'était que la liberté absolue et en quoi elle était issue du christianisme. Une explication svp... Historiquement, les principales conceptions de la liberté sont d'origine stoïcienne ou au moins païennes ce me semble.

Sinon chère Agathe, tu vas peut-être dire que je chipote mais tu passes de " la négation de l'existence tragique " ( au sens de mépris envers cette vie ) à " la négation du tragique de l'existence. " Ce n'est pas la même chose.
Puis, si je veux continuer à tenir mon rôle de contradicteur, je t'objecterai que peu d'athées se reconnaitraient dans la formule de " choix de ne pas vivre avec Lui " parce que c'est déjà admettre ce que certains refusent au nom de la raison ( pour la plupart ) ou d'une autre foi ( pour assez peu je te l'accorde )à savoir Son existence.
Enfin, tu n'as pas mentionné ce qui me parait le plus décisif dans l'athéisme à savoir l'absurde bien plus que la cruauté : l'athéisme est, je crois, essentiellement une méfiance envers tout ( ou presque ) ce qui semble vouloir conférer un sens à une existence jugée absurde.
Sinon, pardonne à l'odieux impie que je suis mais dans un précédent post, tu expédies un peu vite la dimension " Dieu vengeur " pour un " Or Dieu est amour " bien senti. Ca me parait quand même un peu difficile de nier que cette dimension est très présente au moins dans l'Ancien Testament.

Aïe aïe aïe, j'ai encore dépassé les limites du post raisonnable.
Mea maxima culpa.

Valete

Sémiramis a dit…

Cher Tatianus, je suis parfaitement d'accord avec toi:
"l'absurde bien plus que la cruauté : l'athéisme est, je crois, essentiellement une méfiance envers tout ( ou presque ) ce qui semble vouloir conférer un sens à une existence jugée absurde".
Sur le fond c'était ce que je voulais dire mais j'ai voulu trop en dire à la fois. C'est vrai qu'il m'est aussi difficile de me dégager du point de vue de ma foi... Pour la conception Dieu vengeur de L'ancien testament tu me semble assez Simone Weilien avec tendance marcioniste non? je vais réfléchir à un petit post là dessus. Merci pour tes remarques qui me permettent d'éclaircir mon propos...